Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de l'enfant mineur B... D... G... C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 26 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer au jeune B... D... G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'un réfugié.
Par un jugement n° 2201935 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite du 26 janvier 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa de long séjour au jeune B... D... G... C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que :
- la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en tant qu'enfant adopté par un réfugié postérieurement à l'obtention par ce dernier de la protection internationale, le jeune B... D... n'est pas éligible à la procédure de réunification familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, Mme A... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale du jeune B... D... G... C..., représentée par Me Le Floch, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît les dispositions des articles L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A... C..., la décision implicite du 26 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer au jeune B... D... G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'une réfugiée. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
3. Il est constant que Mme C... a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par décision du 20 mars 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 19 novembre 2021, le tribunal pour enfant F... a prononcé l'adoption simple de l'enfant B... D... G... C..., né le 4 juillet 2007, à Bangui par Mme C..., tante de cet enfant qui en était la tutrice légale par l'effet d'un précédent jugement du 23 novembre 2020 du tribunal de grande instance de Ndele lui confiant l'exercice de l'autorité parentale sur cet enfant. En outre, il ressort des pièces du dossier que la mère biologique de l'enfant est suivie depuis 2007 dans un service de psychiatrie pour un syndrome psychotique nécessitant une prise en charge régulière, que son père est décédé au mois de février 2007, avant même sa naissance et que la grand-mère maternelle du jeune B... D... G... C..., qui s'occupait de ce dernier à Bangui, n'est plus en capacité, en raison de son état de santé, de le prendre en charge. Dans ces circonstances, et alors, au surplus que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'enfant pouvait être admis au bénéfice de la réunification familiale qui n'est pas soumise à des conditions de ressources ou de logement, en refusant la délivrance du visa sollicité, la décision de la commission de recours, qui porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par Mme C... :
5. Si Mme C... demande qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré au jeune B... D... G... C..., une injonction en ce sens a déjà été prononcée par le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes. Ces conclusions sont donc sans objet. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me le Floch, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Floch de la somme de 1 200 euros hors taxe.
D E C I D E:
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Le Floch une somme de 1 200 euros hors taxe, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Floch renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... devant la cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... C....
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03415