Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 octobre 2022 et 16 février 2024, la société Parc éolien de la Chèvrerie, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Blain ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de reprendre l'instruction de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait en tant qu'elle est fondée sur les dispositions du 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement ; des compléments sur les effets lisières du projet sur l'activité des chiroptères ont été apportés conformément à la demande des services instructeurs ; le dossier de demande d'autorisation environnementale n'était dès lors pas incomplet sur ce point ;
- les critiques relatives à la méthodologie suivie ne peuvent être utilement invoquées au moyen d'une demande de substitution de motifs, faute pour le préfet d'en avoir fait état dans le cadre d'une demande de complément fondée sur l'article R. 181-16 du code de l'environnement ;
- aucune demande de compléments n'ayant davantage été formulée lors de l'instruction de la demande, le préfet ne peut, par voie de substitution de motifs, faire valoir le caractère incomplet de la demande sur les impacts du projet sur les chiroptères ;
- la décision attaquée est illégale en tant qu'elle est fondée sur les dispositions du 3° de l'article R. 181-34 et de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ;
- le préfet n'a pas pris en compte les mesures proposées, notamment de réduction, pour réduire les incidences du projet sur les chiroptères ni les conclusions de l'étude d'impact complémentaire quant à l'impact résiduel du risque après mise en œuvre de ces mesures ; il n'est pas établi que le projet porterait une atteinte aux chiroptères qui ne pourrait pas être efficacement prévenue par des prescriptions de fonctionnement ;
- le préfet n'a pas davantage tenu compte des conclusions de l'étude d'impact sur le niveau des impacts bruts causés à l'avifaune en phase d'exploitation comme en phase chantier, lesquels sont très faibles ; la définition de mesures de réduction n'était donc pas nécessaire ;
- en l'absence de toute demande de complément sur la détermination des niveaux de sensibilité et de patrimonialité de l'avifaune présente sur le site, le préfet ne pouvait rejeter sa demande sur le fondement des dispositions du 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement ; la méthodologie suivie pour déterminer les niveaux de sensibilité et de patrimonialité de l'avifaune présente sur le site ainsi que les impacts du projet n'encourt aucune critique ;
- en l'absence d'invitation à compléter ou régulariser le dossier par le dépôt d'un dossier de demande de dérogation " espèces protégées " pour les chiroptères comme pour l'avifaune, le préfet ne peut invoquer un nouveau motif tiré du caractère incomplet de la demande sur ce point ; le préfet ne justifie pas au fond de la nécessité de déposer une demande de dérogation " espèces protégées ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société du parc éolien de la Chèvrerie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Carpentier, pour la société Parc éolien de la Chèvrerie.
Une note en délibéré présentée pour la société Parc éolien de la chèvrerie a été enregistrée le 11 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Parc éolien de la Chèvrerie a déposé, le 13 mai 2020, un dossier de demande d'autorisation environnementale en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Blain. Le 27 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a adressé à la société pétitionnaire une demande de régularisation en précisant les éléments à compléter pour permettre la poursuite de l'instruction de son dossier. La société Parc éolien de la Chèvrerie a transmis, par un courrier du 25 janvier 2022, des éléments complémentaires. Par un arrêté du 8 août 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a, en application des dispositions des 1° et 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, rejeté, à l'issue de la phase d'examen, la demande d'autorisation environnementale au double motif tiré de ce que le dossier est incomplet ou irrégulier et de ce que le projet ne pourrait être mis en œuvre sans porter une atteinte excessive aux espèces protégées d'oiseaux et de chauves-souris présentes sur le site, en méconnaissance des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. La société Parc éolien de la Chèvrerie demande l'annulation de l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'autorisation environnementale.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 8 août 2022 du préfet de la Loire-Atlantique :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) / II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases :/ 1° Une phase d'examen ;/ 2° Une phase de consultation du public ;/ 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. (...). ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / (...) ;/ 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (...). ".
4. Pour rejeter la demande d'autorisation présentée par la société Parc éolien de la Chèvrerie, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé notamment, ainsi qu'il a été dit, sur ce que le projet ne permet pas d'assurer la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment du fait des atteintes portées aux espèces protégées d'oiseaux et de chauves-souris.
En ce qui concerne les impacts sur l'avifaune :
5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que le site d'implantation du projet éolien se situe en lisière sud-ouest du massif forestier le plus important du département, la forêt domaniale du Gâvre qui s'étend sur 4 500 ha. Réservoir de biodiversité important, la forêt du Gâvre a été désignée comme ZNIEFF de type II. Abritant également une avifaune forestière nicheuse particulièrement riche, dont sept espèces nicheuses d'intérêt communautaire, peu répandues dans le département, à savoir le Busard St-Martin, la Bondrée apivore, le Milan noir, l'Engoulevent d'Europe, le Pic noir, le Pic mar et la Fauvette pitchou et ayant abrité, par le passé, trois autres espèces inscrites à l'annexe I de la directive " Oiseaux, que sont le Busard cendré, la Cigogne noire et le Pic cendré, la forêt du Gâvre a, en outre, été inscrite au titre de la directive " Oiseaux " comme zone de protection spéciale (ZPS). Il résulte également de l'étude d'impact que plusieurs bosquets, présents en périphérie sud de la Forêt du Gâvre, constituent des réservoirs de biodiversité bocagers faisant le lien avec les réservoirs bocagers et humides identifiés à l'échelle régionale à l'ouest du projet (bocage de Saint-Omer-de-Blain), à l'est (bocage du ruisseau du Perche) et au sud (vallée de l'Isac), l'un d'eux, décrit comme constituant une zone humide, ayant été identifié dans la zone ouest du projet à la lisière de la forêt. Enfin, le site d'implantation du projet est traversé par des alignements nombreux de haies arbustives et à multistrates, toutes interconnectées à la forêt du Gâvre et constituant autant de lieux de nidification pour les espèces nicheuses.
6. Il résulte, également, de l'instruction qu'ont été identifiées sur le site du projet éolien 106 espèces d'oiseaux, dont 81 espèces protégées au niveau national par l'arrêté du 29 octobre 2009. Parmi elles, 56 espèces ont été observées en période d'hivernage, dont l'Alouette lulu, le Pic mar, le Pic noir, le Pluvier doré et le Faucon émerillon, toutes inscrites dans l'annexe I de la directive " Oiseaux ", 38 espèces en halte ou vol migratoire, dont 3 d'entre elles présentent un intérêt communautaire, à savoir la Bondrée apivore, le Milan noir et le Busard St-Martin et 76 espèces nicheuses dont 28 espèces présentent un statut patrimonial. L'étude d'impact précise à cet égard que parmi le cortège des espèces liées aux habitats bocagers et des espèces forestières inventoriées, certaines sont peu communes ou en déclin, ce qui confirme l'intérêt ornithologique de la Forêt du Gâvre.
7. Il est constant que les éoliennes E1 et E3 du projet seront implantées, sur la partie ouest du site, au sein de l'un des réservoirs bocagers secondaires répertoriés en lisière forestière, que les pales de l'éolienne E3 seront distantes, en bout de pale, de 90 mètres de la lisière de la forêt du Gâvre ainsi qu'à proximité immédiate d'une haie multistrates et que les éoliennes E1, E2 et E5 surplomberont la cime de haies multistrates, l'ensemble de ces haies étant décrites dans l'étude d'impact comme présentant un enjeu moyen en termes de conservation d'habitat pour l'avifaune nicheuse.
8. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que les enjeux pour l'avifaune, liés à la destruction des habitats, à la mortalité et au dérangement, présentent, du fait de la grande diversité de l'avifaune observée sur le site, des niveaux divers, variant de faible à fort, selon que les espèces concernées fréquentent le site en période d'hivernage, de migration ou de nidification et, au sein de chacune de ces catégories, selon leur statut de conservation, favorable ou défavorable, à l'échelle nationale et/ou régionale. Si les enjeux liés à la destruction des habitats, à la mortalité et au dérangement en phase travaux ont été considérés par la société pétitionnaire comme imposant des mesures d'évitement et de réduction, tel n'a pas été le cas s'agissant des enjeux avifaunistiques, en phase d'exploitation, qui n'ont été identifiés par elle que comme présentant un niveau faible et très faible pour l'ensemble des espèces patrimoniales et pour lesquels n'ont été, dès lors, définies que des mesures compensatoires tenant à la réalisation d'un suivi de la mortalité. Il résulte toutefois de l'instruction que la société, qui s'est référée pour déterminer ces niveaux d'impacts aux valeurs de sensibilité figurant en annexe du protocole ministériel de suivi environnemental des parcs éoliens terrestres dans sa version de 2015, qui n'était plus en vigueur depuis deux ans à la date du dépôt de la demande d'autorisation environnementale et qui ne porte que sur le suivi des parcs éoliens, a insuffisamment pris en compte les risques du projet pour l'avifaune en minimisant les risques de mortalité par collision pour certaines espèces, notamment de rapaces, à savoir le Buzard-Saint-Martin, la Bondrée apivore et l'Autour des Palombes, tout particulièrement lors de leurs parades nuptiales aériennes, le Milan noir, espèce " quasi-menacée " sur la liste rouge des Pays de la Loire, lors des transits migratoires, et le Faucon crécerelle, observé toute l'année sur le site, lors des vols de chasse et de ses parades nuptiales, dont la forte sensibilité à ce risque de collision, telle qu'identifiée en 2019, au regard des enjeux locaux et en cohérence avec les données issues de la littérature scientifique, par la DREAL Pays de la Loire dans un guide portant " Prescriptions pour la prise en compte des chiroptères et de l'avifaune dans l'installation et l'exploitation de parcs éoliens en Pays de la Loire ", qui constitue un outil de référence en la matière, a été rappelée par le préfet dans l'arrêté attaqué. La société requérante n'a pas davantage suffisamment pris en compte les enjeux locaux en présence en refusant de rehausser de 0,5 les niveaux de patrimonialité des espèces que les services avaient désignées, lors de la phase d'instruction contradictoire, comme ayant été déterminantes de l'inscription de la forêt du Gâvre comme ZNIEFF de type II, à savoir l'Alouette lulu, le Bouvreuil pivoine, le Busard-Saint-Martin, le Pic mar, la Pie-grièche écorcheur et le Pouillot siffleur.
9. Enfin, il résulte de l'instruction qu'a été constatée sur le site, la présence de la Grive mauvis et du Héron cendré. Si la Grive mauvis ne bénéficie d'aucun statut de protection, ainsi que le soutient la requérante, le préfet fait valoir, sans être contesté, qu'à l'hiver 2020 une cinquantaine d'individus a été observée sur le site et que cette espèce, pour laquelle la société pétitionnaire n'a pas effectué d'analyse des impacts du projet, est mentionnée dans le guide cité plus haut de la DREAL Pays de la Loire comme une espèce quasi-menacée au niveau mondial et comme présentant une sensibilité forte à l'éolien en période d'hivernage et de migration et un intérêt patrimonial très élevé.
10. S'agissant du Héron cendré, espèce pour laquelle il n'a pas davantage été effectué d'analyse des impacts du projet, il est constant qu'inscrit dans l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009, il est au nombre des espèces protégées en France. Il résulte de l'instruction que le Héron cendré a été observé à plusieurs reprises sur le site du projet en période d'hivernage. Si le protocole de suivi environnemental des parcs éoliens terrestres, dans sa version reconnue en 2015 par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, décrit le Héron cendré comme présentant un risque de mortalité par collision de 2/4 et de 0/4, il apparaît que ces données résultent de l'état des connaissances en 2012, alors que le niveau de sensibilité à l'éolien, en période de reproduction, d'hivernage et de migration est qualifié de fort à l'éolien, par le guide élaboré en 2019 par la DREAL Pays de la Loire, à l'échelle régionale.
En ce qui concerne les impacts sur les chiroptères :
11. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le site d'implantation du projet éolien se situe en lisière sud du massif forestier le plus important du département, la forêt du Gâvre. Réservoir de biodiversité, elle présente un enjeu important à l'échelle départementale et régionale. Elle constitue, pour les chiroptères, une zone de chasse, un site de mise bas et un site d'hibernation d'intérêt national puisqu'il rassemble, à une distance du projet variant de 500 à 900 mètres, plusieurs centaines d'individus d'une dizaine d'espèces protégées dont la Barbastelle d'Europe, le Grand Rhinolophe, le Petit Rhinolophe, le Murin de Bechstein, le Grand Murin et le Murin à oreilles échancrées. L'étude d'impact relève que si le site du projet est répertorié, dans les " cartes d'alerte " des zones d'incidences potentielles pour les chiroptères liées à l'implantation d'éoliennes dans les Pays de la Loire, telles qu'actualisées en 2018 par la coordination régionale LPO Pays de la Loire, comme relevant d'une zone d'incidence potentielle de niveau modéré à l'échelle régionale, la forêt en bordure de laquelle il se trouve est identifiée comme constituant une zone d'incidence potentielle de niveau très fort. Il résulte également de l'étude d'impact que plusieurs bosquets, présents en périphérie de la forêt du Gâvre, constituent des réservoirs boisés secondaires, l'un d'entre eux se trouvant dans la zone ouest du projet. Enfin, le site d'implantation du projet est traversé par des alignements nombreux de haies arbustives et à multistrates, toutes interconnectées à la forêt du Gâvre formant ainsi un maillage de corridors pour les déplacements des chiroptères vers les zones de chasse et l'étang, qui situé en périphérie nord du site a été identifié comme zone d'alimentation potentielle.
12. Il résulte également de l'instruction que quinze espèces de chiroptères, toutes protégées, fréquentent la zone d'implantation du projet, dont six sont mentionnées comme présentant un statut " quasi-menacé " et trois comme vulnérables dans la liste rouge régionale. Les écoutes complémentaires réalisées en 2020 à 70 mètres de hauteur sur un mât de mesure, ont permis de détecter la fréquentation du site par des espèces pratiquant le vol en hauteur, à savoir les Pipistrelles communes pour 56 %, les Pipistrelles de Nathusius pour 18 % et les Noctules communes pour 10 %. Il résulte également de l'instruction qu'en phase d'exploitation, les risques de collision avec des pales et de barotraumatisme représentent un enjeu de niveau fort pour deux espèces, les Pipistrelles de Nathusius et les Noctules communes, toutes deux classées vulnérables sur la liste rouge Pays de la Loire, de niveau moyen pour deux espèces, les Sérotines communes et les Noctules de Leisler, classées espèces quasi menacées sur la liste rouge " Pays de la Loire " et de niveau faible pour les Pipistrelles communes, classées espèces quasi menacées sur la liste rouge Pays de la Loire, en raison de leur très grand nombre sur le site.
13. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces risques de collision sont accrus par la configuration du projet qui prévoit l'implantation de quatre des cinq aérogénérateurs à proximité de la lisière de la forêt du Gâvre et de haies, dont il a été dit qu'elles constituent autant de corridors interconnectés les uns aux autres jusqu'à la forêt du Gâvre pour les déplacements des chiroptères. Il résulte également de l'instruction qu'il est prévu d'implanter les éoliennes E1 et E3 au sein de l'un des réservoirs bocagers secondaires répertoriés en lisière forestière et identifiés comme zone de chasse et d'habitat d'alimentation potentiel pour les chiroptères. Il est constant que les éoliennes E1, E2 et E5 surplomberont, de 38,5 mètres en bout de pale, la cime de haies multistrates et que les pales de l'éolienne E3 seront distantes, en bout de pale, de 90 mètres de la lisière de la forêt et à proximité immédiate d'une haie multistrates, lesquelles haies sont présentées dans l'étude d'impact comme constituant toutes des corridors principaux et secondaires pour les chiroptères. Si, ainsi que le soutient la société requérante, le choix des éoliennes de grande hauteur dont les pales sont distantes du sol d'au moins 48,50 mètres est de nature à réduire les risques de mortalité par collision, s'agissant à tout le moins des espèces de chiroptères volant à basse altitude, les écoutes réalisées du 12 mars au 5 novembre 2020 à une hauteur de 70 m sur un mât de mesure installé à proximité de l'éolienne E4, et non ainsi que le préconisait le préfet à proximité de l'éolienne E3 proche de la lisière de la forêt, ont néanmoins révélé que l'activité ainsi mesurée à cette hauteur est le fait non seulement d'espèces de haut vol, à savoir les Pipistrelles de Nathusius pour 18 %, les Noctules communes pour 10 % et les Noctules de Leisler pour 5 % mais aussi d'une espèce de vol intermédiaire, à savoir les Pipistrelles communes lesquelles totalisent 56 % des contacts dénombrés à cette hauteur. En outre, le choix d'un modèle d'éolienne avec un rotor de fort diamètre a pour effet de rapprocher les pales des éoliennes du sommet de la végétation avoisinante, et donc d'accroître les risques de collision avec les chiroptères qui évoluent à proximité de la végétation. A cet égard, si la requérante soutient avoir justifié, dans sa demande, des " effets lisières ", qui illustrent un phénomène de décroissance de l'activité des chiroptères au-delà de 40 ou 50 mètres de la lisière des haies, les zones de balayage des pales des éoliennes E1, E2 et E3 recouvrent presque intégralement, et celle de l'éolienne E5 pour moitié, la zone de 50 mètres autour des haies à proximité desquelles elles seront implantées, telle que figurée dans un schéma inséré en page 487 de l'étude d'impact dont la légende indique qu'il s'agit de zones où " la mortalité est accentuée pour les chiroptères ".
14. Il résulte de l'ensemble des éléments relevés aux points 11 à 13, et alors que la société pétitionnaire n'établit ni même n'allègue l'absence de toute solution alternative à l'implantation des éoliennes à proximité immédiate de haies propices aux déplacements des chiroptères pourtant proposée par le préfet lors de la procédure contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué, que le choix de l'implantation projetée et du gabarit des éoliennes ne peut être regardé comme une mesure d'évitement et de réduction des risques du projet en phase d'exploitation pour les chiroptères au regard des enjeux particuliers du site choisi ni comme permettant de ramener les impacts résiduels du projet à un niveau " négligeable à faible ", comme mentionné dans l'étude d'impact.
15. Enfin, d'une part, en considérant que le caractère non significatif des impacts résiduels du projet éolien sur les chiroptères n'était pas démontré du fait d'une mise en œuvre inadéquate, au regard des enjeux chiroptérologiques du site, de la séquence " éviter, réduire, compenser ", faute pour la société d'avoir privilégié, ainsi que le prévoient les dispositions du 8° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, une mesure d'évitement consistant à modifier l'implantation des éoliennes prévue à proximité immédiate de haies, seule à même de préserver les chiroptères de tout impact résiduel significatif et, d'autre part, en mentionnant dans la décision attaquée que la demande n'a pas traité de manière appropriée la sensibilité des espèces de l'avifaune présentes sur le site " se traduisant par un risque de mortalité en phase d'exploitation et ne prouve pas l'impact résiduel non significatif ", le préfet a nécessairement considéré, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, que le projet ne pouvait être autorisé sans porter une atteinte excessive à ces deux espèces, en méconnaissance des articles L. 181-3 et l'article L. 511-1 du code de l'environnement sans invoquer, ce faisant, un motif nouveau venant fonder la décision attaquée.
16. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 à 15, de nombreuses espèces d'oiseaux, tant nicheuses qu'hivernantes, pour certaines protégées, menacées ou quasi-menacées fréquentent le site en période d'hivernage, de migration ou de nidification. De même, s'agissant des chiroptères, plusieurs dizaines d'espèces, toutes protégées, ont été identifiées sur le site qui constitue à la fois une zone de chasse, un site de mise bas ou un site d'hibernation. Si la société pétitionnaire se prévaut du plan de bridage des éoliennes, établi en fonction de la vitesse du vent, de l'activité horaire, de la température et de la saison pour prévenir les risques de collision et de barotraumatisme, d'une part, il ne couvrira que 80 % des situations de contacts relevés dans l'étude d'impact, exposant de la sorte 20 % des contacts relevés à un risque non négligeable de mortalité de chiroptères et il ne résulte pas de l'instruction qu'un renforcement de ce bridage serait de nature à compenser la trop grande proximité des éoliennes par rapport aux zones de chasse et aux corridors de déplacements identifiés sur la zone d'implantation du projet. D'autre part, et ainsi que le fait valoir le préfet, ce plan de bridage, dont il n'est pas contesté qu'il n'a été conçu que pour les chiroptères, n'est pas de nature à prévenir les risques de mortalité par collision du projet sur l'avifaune, dont certaines espèces de rapaces, relevés au point 8.
17. Dans ces conditions et eu égard, notamment, au nombre et à la diversité des espèces d'oiseaux et de chiroptères présentes, à leur fréquentation du site aux différentes périodes de l'année, à leur comportement et à leur sensibilité aux éoliennes, il ne résulte pas de l'instruction que les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement susceptibles d'être portées par le projet, eu égard à son implantation et à ses caractéristiques, auraient pu être prévenues par l'édiction de prescriptions. Il résulte de tout ce qui précède que le projet ne pouvait être autorisé dans le respect de l'article L. 181-3 du code de l'environnement. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement refuser, pour ce motif, à l'issue de la phase d'examen, en application des dispositions du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, d'accorder à la société Parc Éolien de la Chèvrerie l'autorisation qu'elle sollicitait.
18. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Loire-Atlantique aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif de nature à justifier légalement le rejet de la demande d'autorisation environnementale sollicitée par la société Parc Éolien de la Chèvrerie.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc Éolien de la Chèvrerie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'autorisation environnementale.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Parc Éolien de la Chèvrerie, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Parc Éolien de la Chèvrerie une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Parc Éolien de la Chèvrerie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Éolien de la Chèvrerie et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUET
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT03288 2