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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT03617

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 23NT03617


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... et Mme E... C..., agissant en leurs noms propres et en tant que représentants légaux de la jeune B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 mai 2022 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de délivrer à la jeune B... C... un visa d'entrée et de

long séjour en qualité de visiteur.



Par un jugement n° 2214668 du 9 octobre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme E... C..., agissant en leurs noms propres et en tant que représentants légaux de la jeune B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 mai 2022 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de délivrer à la jeune B... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n° 2214668 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... et Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que la jeune B... ne se trouve pas en situation d'isolement affectif et matériel dans son pays d'origine ; les conditions d'accueil sur le territoire français de la jeune B... sont contraires à son intérêt ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 30 janvier 2024, M. A... D... et Mme E... C..., agissant en leurs noms propres et en tant que représentants légaux de la jeune B... C..., représentés par Me Hajji, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité française, et Mme C..., son épouse, de nationalité algérienne, ont obtenu, par un acte de kafala établi par ordonnance du 22 décembre 2021 du président de la chambre des affaires familiales du tribunal de Bordj-Bou-Arréridj, le droit de recueillir légalement la sœur de Mme C..., la jeune B... C..., née le 8 avril 2006. Ils ont déposé une demande de visa de long séjour auprès de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 29 mai 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. D... et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2023 annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité. Par une ordonnance n° 23NT03618 du 8 février 2024, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Alger, sur la circonstance que les informations communiquées pour justifier de l'objet et les conditions du séjour envisagé sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui précise ce motif en défense, se prévaut de ce qu'eu égard aux ressources des requérants, il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de demeurer dans son pays d'origine.

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'acte de recueil légal, édicté par le président de la chambre des affaires familiales du tribunal de Bordj-Bou-Arréridj le 22 décembre 2021, a délégué à M. D... et à Mme C... l'autorité parentale sur la jeune B... C..., notamment pour prendre à son égard toutes mesures utiles de prise en charge, d'entretien et d'éducation. M. D... et Mme C..., qui ont deux enfants à charge, justifient vivre dans un appartement de type 3 d'une surface de 67 m² comportant deux chambres et perçoivent des revenus mensuels nets de plus de 1 900 euros au titre de l'activité professionnelle de M. D..., agent public, auxquels s'ajoutent des prestations sociales d'un montant de plus de 570 euros, soit des revenus mensuels s'élevant à près de 2 500 euros. En outre, Mme C... justifie d'une épargne d'un montant de 7 600 euros. Par ailleurs, si le ministre fait valoir que la jeune B... C... n'est pas isolée en Algérie, cette seule circonstance ne saurait justifier le refus de visa opposé à la jeune B... C..., alors qu'il ressort des pièces du dossier que celle-ci a été confiée à M. D... et Mme C... à la suite du décès de son père et qu'il n'est pas contesté que sa mère, âgée, rencontre des difficultés pour assurer son éducation. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que l'intérêt de l'enfant était de demeurer dans son pays d'origine, eu égard aux ressources de M. D... et de Mme C....

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur leur recours dirigé contre la décision des autorités consulaires en Algérie du 29 mai 2022 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. D... et Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... et à Mme C... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... D..., à Mme E... C... et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFETLe greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03617
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : HAJJI HANANE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt03617 ?
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