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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT00418

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 23NT00418


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... E... et Mme D... F... épouse A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 4 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à M. A... E... un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française.



Par un jugement n° 2202916 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... E... et Mme D... F... épouse A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 4 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à M. A... E... un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française.

Par un jugement n° 2202916 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2023, M. C... A... E... et Mme D... F... épouse A... E..., représentés par Me Mahieu, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 16 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa demandé, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mahieu, leur avocate, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée a été prise en violation de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance et soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Mme A... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance du président de la cour en date du 14 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Mme B..., élève-avocate, en présence de Me Pollono, substituant Me Mahieu, représentant M. et Mme A... E....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2202916 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... A... E... et Mme D... F... épouse A... E... tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. A... E... un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française. M. et Mme A... E... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. La décision de la commission de recours est fondée sur les circonstances qu'il n'a pas été établi que le couple ait un projet concret de vie commune et que M. A... E..., entré irrégulièrement en France en 2018 selon ses déclarations, participe aux charges du mariage alors que son épouse perçoit le revenu de solidarité active, de telles circonstances constituant un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants attestant du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur.

3. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an ".

Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... E..., ressortissant tunisien né le 15 décembre 1992, est entré irrégulièrement en France en septembre 2018 et a épousé Mme F..., ressortissante française née le 20 avril 1985, le 6 février 2021 en France. M. A... E... est retourné en Tunisie aux fins de demander un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un contrat de bail et d'une attestation d'assurance habitation que le couple et les trois enfants de Mme A... E... ont emménagé ensemble dans un appartement le 2 avril 2021. Il ressort également des pièces du dossier que les époux A... E... sont en contact quotidiennement depuis leur rencontre en 2020 et échangent des messages personnels, non stéréotypés, évoquant notamment les démarches pour obtenir le visa, la santé et le travail de Mme A... E... ainsi que ses trois enfants dont M. A... E... s'est occupé lorsqu'il habitait avec son épouse, le décès du père de M. A... E... et la santé de sa mère devenue veuve. Il ressort encore des pièces du dossier que Mme A... E... s'est rendue en Tunisie en novembre 2021, en mai 2023 et en janvier 2024, pour voir son mari, ce qui est corroboré par les nombreuses photographies produites. Si le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève que Mme A... E... a eu deux précédentes unions avec des ressortissants étrangers dont la situation a été régularisée, ces circonstances n'établissent pas le caractère frauduleux du mariage des époux A... E..., étant observé que de ces relations précédentes, qui ont duré huit et cinq ans, sont nés trois enfants. Enfin, la circonstance que M. A... E... a indiqué dans sa demande de visa qu'il souhaite régulariser sa situation en France et y rejoindre son épouse ne permet pas non plus d'établir le caractère frauduleux du mariage des époux A... E.... Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux du mariage de M. A... E.... Dans ces conditions, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant la délivrance du visa demandé.

5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard aux motifs qui le fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A... E.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme A... E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mahieu de la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202916 du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 16 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. C... A... E... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Mahieu une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A... E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... E..., à Mme D... F... épouse A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00418
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt00418 ?
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