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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT00402

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 23NT00402


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 26 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de salarié.



Par un jugement n° 2206699 du 10 février 2023, le tribunal admi

nistratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 26 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de salarié.

Par un jugement n° 2206699 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa présentée par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2023 le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 février 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de la motivation en fait de la décision contestée est inopérant dès lors que M. B... devait demander la communication des motifs de la décision implicite contestée ; l'accusé de réception du recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France informe seulement le demandeur des conséquences contentieuses du silence gardé par la commission mais ne créée pas un mécanisme de motivation par référence ;

- pour le reste, il se réfère à ses écritures de première instance.

La requête enregistrée dans la présente instance a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 14 février 1995, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de salarié auprès de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 26 novembre 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement de ce tribunal du 10 février 2023 annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, au motif de ce qu'elle est insuffisamment motivée en fait et lui enjoignant de procéder au réexamen de la demande de M. B....

2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". L'article D. 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ".

4. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

5. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, comme c'est le cas en l'espèce, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

6. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement.

7. Il ressort de l'accusé de réception du recours formé par M. B... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France qu'il a été informé de ce qu'en l'absence de réponse expresse sur celui-ci, son recours sera réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il résulte clairement de cette mention, et de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, que la commission de recours a entendu s'approprier les motifs de la décision consulaire, contrairement à ce qui est soutenu par le ministre et que M. B... peut utilement faire valoir que la décision en litige est insuffisamment motivée sans avoir à solliciter préalablement la communication des motifs de celle-ci.

8. La décision consulaire se borne à indiquer que " les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ". Elle ne mentionne ainsi pas de manière suffisamment précise, les considérations de fait propres à la situation du demandeur lui permettant de les contester utilement. Par suite, la décision contestée est intervenue en méconnaissance des dispositions législatives précitées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours formé par M. B... dirigé contre la décision des autorités consulaires de France à Tunis et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00402
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : KHADRAOUI-ZGAREN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt00402 ?
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