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18/06/2024 | FRANCE | N°22NT03310

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 22NT03310


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... A... épouse D... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. F... B... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.



Par un jugement n° 2104018 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par u

ne requête et un mémoire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 9 avril 2024, Mme E... A... épouse D... et M. F... B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... épouse D... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. F... B... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2104018 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 9 avril 2024, Mme E... A... épouse D... et M. F... B..., représentés par Me Bourgeois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 17 mars 2021 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise à fin d'examen comparatif de ses empreintes génétiques avec celles de M. B... et de surseoir à statuer dans l'attente des résultats ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bourgeois, leur avocat, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision du ministre de l'intérieur contestée a été prise en méconnaissance de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Mme E... A... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse D..., ressortissante malienne née le 20 décembre 1975, est entrée en France en 2002 selon ses déclarations. Elle s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision du directeur générale de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 décembre 2007. Le 5 décembre 2011, les autorités consulaires françaises à Bamako ont refusé de délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France en qualité de membres de famille de réfugiée aux enfants C... D... et F... B..., nés respectivement les 8 juin 1994 et 10 mai 1999, qui se sont présentés comme les fils de Mme D.... Ces décisions de refus n'ont pas été contestées. Le 13 février 2018, Mme D... a engagé une nouvelle procédure de réunification familiale en faveur du jeune F... B... dont la demande de visa a été de nouveau rejetée par les autorités consulaires françaises le 21 mai 2018. Par une décision implicite née le 23 août 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement n° 1913975 en date du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours, pour méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa présentée par M. B.... En exécution de ce jugement et à l'issue de ce réexamen, par une décision en date du 17 mars 2021, le ministre de l'intérieur a refusé à M. B... la délivrance d'un visa de long séjour. Par un jugement n° 2104018 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D... et de M. B... tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 17 mars 2021. Mme D... et M. B... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. La décision contestée est fondée sur ce que les incohérences relevées entre les déclarations de Mme D... et les pièces produites pour justifier de l'identité de M. B... et les incohérences entre ces pièces ne permettent pas d'établir le lien de filiation allégué, pas plus que les éléments de possession d'état dont les requérants se prévalent.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa de M. B..., ont été produits un simple extrait d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 1er juin 2017 par le tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako et l'acte de naissance transcrit le 6 juin 2017 au centre secondaire de Djicoroni Para I sur le fondement de ce jugement supplétif, ainsi qu'une copie intégrale d'acte de naissance non numérotée et non datée et un acte de reconnaissance du 15 juin 2017 établi par l'officier d'état civil du centre secondaire de Djicoroni Para I. En outre, les requérants ont produit un jugement de délégation d'autorité parentale rendu le 5 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de la commune IV du district de Bamako alors même que M. B..., né le 10 mai 1999, avait atteint sa majorité. Enfin, le ministre de l'intérieur relève que le passeport de M. B... n'a pas pu être régulièrement délivré à l'intéressé en 2015 alors que celui-ci n'a obtenu un jugement supplétif d'acte de naissance qu'en 2017 et que ce passeport ne mentionne pas le numéro d'identification national des personnes physiques et morales pourtant obligatoire depuis avril 2016. L'ensemble de ces éléments et l'absence de production du jugement supplétif d'acte de naissance dans son intégralité ne permettent pas de regarder comme établis par les documents d'état civil l'identité de M. B... et son lien de filiation avec Mme D....

6. En outre, à la date de la décision attaquée, Mme D... avait quitté le Mali depuis près de vingt années. Elle se borne à produire quelques photographies non datées, deux certificats de scolarité pour les années 2017-2018 et 2018-2019, une lettre manuscrite de M. B... en date du 10 décembre 2018 et quelques preuves d'envoi d'argent au demandeur de visa en 2018 et 2019. Ces éléments ne permettent pas d'établir par possession d'état l'identité de M. B... et son lien de filiation avec Mme D.... Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer à M. B... le visa de long séjour sollicité.

7. En second lieu, le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, les autres moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et, en tout état de cause, des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise à fin d'examen comparatif des empreintes génétiques entre Mme D... et M. B..., que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... épouse D..., à M. F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03310
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22nt03310 ?
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