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14/06/2024 | FRANCE | N°23NT00606

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 14 juin 2024, 23NT00606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Snidaro a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la communauté de communes Mayenne Communauté à lui verser une somme de 60 514,87 euros au titre du solde du marché conclu le 27 juillet 2017 pour l'exécution du lot n° 7 " carrelage-faïence-sauna-hammam " d'un centre aquatique intercommunal, outre les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 2005914 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif d

e Nantes a rejeté sa demande comme irrecevable.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Snidaro a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la communauté de communes Mayenne Communauté à lui verser une somme de 60 514,87 euros au titre du solde du marché conclu le 27 juillet 2017 pour l'exécution du lot n° 7 " carrelage-faïence-sauna-hammam " d'un centre aquatique intercommunal, outre les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 2005914 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 2 octobre 2023, la SARL Snidaro, représentée par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner Mayenne Communauté à lui verser la somme de 60 514,87 euros, au titre du solde du marché, outre les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de Mayenne Communauté la somme de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de paiement faite le 19 mars 2020 au maître d'ouvrage vaut mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, qui n'impose pas au titulaire du marché de le notifier au maître d'œuvre ;

- elle a donc droit à la somme de 60 514,87 euros au titre du solde résultant du décompte général définitif tacite ainsi établi ;

- l'article 50 du CCAG Travaux n'a pas lieu de s'appliquer car il ne peut concerner que la part contestée et non définitive d'un décompte général ;

- cet article prévoit que le mémoire en réclamation ne peut que concerner les réclamations qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif, or, le décompte général tacite définitif emporte intrinsèquement le règlement définitif ;

- la transmission du mémoire en réclamation au maître d'œuvre ne présente pas d'intérêt ;

- la réception a été prononcée avec réserves le 6 février 2018, si bien qu'en application de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux les délais d'établissement du décompte général courraient à compter du 6 février 2018 ;

- la notification du projet de décompte général au maître d'ouvrage le 31 janvier 2020, dans son contenu, est conforme à l'article 13.4.4 du CCAG Travaux ;

- la demande reconventionnelle de Mayenne Communauté porte sur des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement au titre de laquelle elle est assurée et pour laquelle le maître d'ouvrage a libéré la retenue de garantie correspondante ;

- l'intervention de la société ADN Nord à hauteur de 28 950 euros a porté sur l'application d'un produit d'accroche sur le carrelage glissant du fait des méthodes de nettoyage du maître d'ouvrage ; la demande est fondée sur un papier volant du maître d'œuvre non daté et réfuté par l'expert missionné à sa demande et par son assureur dommage ouvrage ;

- elle n'a ni fourni ni posé le carrelage litigieux ;

- le montant demandé au titre des pénalités de retard résulte de l'inertie de Mayenne Communauté, tant à établir le décompte qu'à faire reprendre les réserves par une autre entreprise.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mai et 19 octobre 2023, Mayenne Communauté, représentée par Me Fekri, demande à la cour de rejeter la requête de la SARL Snidaro et, par la voie de l'appel incident, de la condamner à lui verser la somme de 313 186,70 euros, et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la SARL Snidaro était irrecevable, en application de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux, faute d'avoir été adressée au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre ;

- le courrier de mise en demeure du 19 mars 2020 ne peut valoir mémoire en réclamation faute de contenir les justifications nécessaires à la prétendue créance, ni le calcul des sommes réclamées ; il n'a pas été adressé au maître d'ouvrage par le titulaire mais par son conseil ; il n'a pas été transmis en copie au maître d'œuvre ;

- le projet de décompte final produit qui ne fait état que du solde de son marché et d'un taux d'avancement non justifié ne comporte pas l'ensemble des documents mentionnés à l'article 13.1.7 du CCAG Travaux;

- alors qu'elle avait à bon droit décidé de surseoir à l'établissement du décompte général, aucun décompte général définitif tacite ne saurait lui être opposé ;

- il n'est pas établi que les réserves ont été levées ; le projet de décompte final est prématuré ;

- les réserves et désordres constatés faisaient obstacle à la levée des réserves ; la SARL Snidaro est en défaut quant aux travaux réparatoires à sa charge ;

- le projet de décompte final n'a pas été adressé au maître d'œuvre conformément à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux;

- par courrier du 14 février 2020, elle a expressément et à bon droit refusé d'établir le décompte général au motif de l'absence de levée des réserves et de l'existence de pénalités applicables à ce titre ;

- le projet de décompte final annexé au projet de décompte général ne comporte pas la totalité des pièces prévues à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux ;

- le projet de décompte général ne comportait pas le dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 du CCAG Travaux pour les acomptes mensuels, ni le projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive ;

- le projet de décompte général n'a pas été transmis au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre conformément à l'article 13.4.4 du CCAG Travaux, ce qui a fait obstacle à la naissance et l'existence d'un décompte général et définitif tacite ;

- en tout état de cause, la SARL Snidaro ne justifie pas de la matérialité de la réalisation des travaux litigieux, ni de leur absence de règlement ;

- en outre, 425 368,19 euros ont été réglés sur un montant total du marché de 464 995,08 euros ; en prenant en compte 24 944,32 euros de retenue de garantie ne pouvant être libérés faute de levée des réserves, le coût des travaux nécessaires à la levée des réserves pour 18 966,50 euros et le montant des pénalités de retard qui s'élevait à 273 107,11 euros à la date de rédaction de son mémoire de première instance, la SARL Snidaro ne peut en tout état de cause pas être créancière ;

- elle a droit, à titre reconventionnel à une indemnité de 313 186,70 euros comprenant la somme de 28 950 euros au titre des prestations effectuées par la société ADN Nord, les frais de constat de 1 309,60 euros, les frais d'avocat de 2 101,49 euros, le coût des travaux nécessaires à la levée des réserves pour 18 966,50 euros et les pénalités de retard pour 273 107,11 euros, une fois déduit le reste à payer à la SARL Snidaro de 15 041,30 euros une fois la retenue de garantie levée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Manhouli, pour la société Snidaro, et de Me Emelien, substituant Me Fekri, pour Mayenne Communauté.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2012, la communauté de communes Mayenne Communauté a décidé de conclure un marché de travaux pour la construction d'un centre aquatique intercommunal à Mayenne. Par acte d'engagement du 3 juillet 2015, le lot n° 7 " carrelage-faïence-sauna-hammam " a été confié à la société Cheux père et fils. Cette société ayant été placée en procédure de redressement judiciaire, le marché a été résilié le 2 mai 2017 et le lot réattribué à la SARL Snidaro par un marché de substitution conclu le 27 juillet 2017. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 24 février 2018, avec effet au 6 février 2018. Par courrier du 26 mars 2018, Mayenne Communauté a mis en demeure la société Snidaro de trouver la cause du phénomène de glissance affectant une partie du carrelage du centre aquatique posé par la société Cheux père et fils et de proposer une solution afin de réparer ce désordre. Le 25 juillet 2018, la communauté de communes a informé le titulaire du marché que des pénalités de retard dans l'exécution des travaux, de retard dans la levée des réserves et d'absences aux réunions de chantier lui seraient appliquées et a de nouveau mis en demeure la SARL Snidaro de procéder à la levée des réserves avant le 15 septembre 2019. Le 17 décembre 2018, la société Snidaro a adressé son projet de décompte final. Par courrier du 21 décembre 2018, Mayenne Communauté a refusé d'établir le décompte général au motif que les réserves n'avaient pas été levées et a de nouveau, par courrier du 28 janvier 2019, mis en demeure la société Snidaro de procéder à la levée des réserves dans le délai d'un mois. Par courrier reçu par Mayenne Communauté le 31 janvier 2020, la société Snidaro a de nouveau envoyé son projet de décompte final. Par courrier du 12 février 2020, la communauté de communes a refusé d'établir celui-ci et retourné à la SARL Snidaro ce document. Par courrier du 19 mars 2020, la société Snidaro a mis en demeure Mayenne Communauté de lui payer la somme de 84 052,19 euros au titre du solde du marché. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande de condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de 60 514,87 euros au titre du solde de son marché. Par un jugement du 4 janvier 2023, dont la société relève appel, le tribunal a rejeté sa requête pour irrecevabilité, faute pour l'entreprise d'avoir adressé une copie de sa demande de paiement datée du 19 mars 2020 au maître d'œuvre.

Sur les conclusions d'appel principal de la SARL Snidaro :

2. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable en l'espèce : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif (...) / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient la SARL Snidaro, ces stipulations s'appliquent à tout différend né de l'exécution du marché, y compris celui résultant du refus du maître de l'ouvrage de procéder au règlement du solde du marché et impliquent que pour être recevable à saisir la juridiction administrative d'un tel différend, le titulaire du marché doit avoir préalablement saisi le représentant du pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation adressé en copie au maître d'œuvre.

4. La requérante se prévaut certes de l'intervention d'un décompte général et définitif tacite en application de l'article 13.4.4 du CCAG Travaux, en l'absence de réponse dans le délai de dix jours de la collectivité maître d'ouvrage à l'envoi du 31 janvier 2020 constituant son projet de décompte général. Mais le projet de décompte général que l'entreprise peut envoyer en application de cet article 13.4.4 doit comporter un décompte final conforme au contenu prévu par l'article 13.3.1 du CCAG qui prévoit notamment que le projet de décompte final " est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 ", lequel stipule lui-même que " Le titulaire joint au projet de décompte mensuel les pièces suivantes, s'il ne les a pas déjà fournies : - les calculs des quantités prises en compte, effectués à partir des éléments contenus dans les constats contradictoires ; - le calcul, avec justifications à l'appui, des coefficients d'actualisation ou de révision des prix ; (...) ". Or il résulte de l'instruction que le projet de décompte final adressé par la société Snidaro ne comporte pas les calculs des quantités prises en compte pour aboutir aux montants énumérés, ni le calcul et les justifications des coefficients d'actualisation ou de révision des prix applicables. Dès lors, le projet de décompte général de l'entreprise comportant ce décompte final incomplet ne pouvait pas faire naître un décompte général et définitif tacite qui serait devenu intangible, en dépit même de l'écoulement du délai de dix jours prévu par l'article 13.4.4 du CCAG Travaux avant la réponse de Mayenne Communauté rejetant ce document par un courrier du 12 février 2020.

5. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que l'article 13.4.4. du CCAG Travaux ne prévoit pas spécifiquement de renvoi à l'article 50 du même CCAG, ni que cet article ne concernerait que la part contestée et non définitive d'un décompte général, ni même que la transmission du mémoire en réclamation au maître d'œuvre ne présenterait pas d'intérêt. Par suite, et pour ce seul motif, dès lors qu'il n'est pas contesté que la SARL Snidaro n'a pas adressé de copie au maître d'œuvre du mémoire en réclamation prévu par les stipulations précitées de l'article 50 du CCAG, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'appel incident de Mayenne Communauté :

6. Pour fonder ses conclusions tendant à la condamnation de la SARL Snidaro à lui verser une indemnité de 313 186,70 euros, comme elle l'avait demandé en première instance, Mayenne Communauté se borne à faire état de diverses créances qui justifieraient cette somme, sans toutefois présenter aucun moyen de nature à contester utilement le motif relevé par le tribunal tiré de ce que l'irrecevabilité de la demande principale entraînait par voie de conséquence l'irrecevabilité de sa demande reconventionnelle. Dans ces conditions, les conclusions d'appel incident ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la SARL Snidaro, qui est dans les circonstances de l'espèce la partie perdante.

8. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à Mayenne Communauté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Snidaro est rejetée.

Article 2 : La SARL Snidaro versera à Mayenne Communauté une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mayenne Communauté est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Snidaro et à la communauté de communes Mayenne Communauté.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00606
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : MANHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;23nt00606 ?
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