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12/06/2024 | FRANCE | N°24NT00846

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 12 juin 2024, 24NT00846


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2319122 du 15 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice

de l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus de ses conclusions.



Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2319122 du 15 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 24NT00582 le 23 février 2024, M. B..., représenté par Me Prelaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2023 portant transfert aux autorités portugaises ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a commis des erreurs de droit ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le 1 de l'article 3 et l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2024.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 24NT00846 le 20 mars 2024, M. B..., représenté par Me Prelaud, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 15 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes.

Il soutient qu'il remplit les conditions posées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative et reprend les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 24NT00582.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais né le 12 février 1997 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), déclare être entré en France le 22 août 2023. Il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui a été enregistrée le 12 septembre 2023. Les recherches conduites par la préfecture dans le fichier Visabio ont fait apparaître que M. B... était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois délivré par les autorités portugaises, au moment du dépôt de sa demande d'asile. Les autorités portugaises, saisies le 21 septembre 2023 en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant donné leur accord explicite le 21 novembre 2023 à la prise en charge de M. B..., le préfet de Maine-et-Loire a pris le 5 décembre 2023 un arrêté portant transfert de l'intéressé aux autorités portugaises. M. B..., dont les deux requêtes doivent être jointes dès lors qu'elles sont dirigées contre le même jugement, relève appel du jugement du 15 janvier 2024 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. En premier lieu, l'arrêté portant transfert aux autorités portugaises mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné à l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui s'est déroulé le 12 septembre 2023 à la préfecture de la Loire-Atlantique, mené en français, langue que le requérant a déclaré comprendre. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions garantissant la confidentialité et par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, il ressort du compte rendu d'entretien, signé par l'intéressé, que M. B... a été interrogé de manière approfondie sur sa situation personnelle, notamment médicale et familiale, ainsi que sur son parcours migratoire et a ainsi eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En troisième lieu, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fichier Visabio aurait été consulté, aux fins de comparaison des empreintes de M. B..., par une personne non autorisée et non par l'autorité nationale désignée à cet effet. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.

6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... et des conséquences de son transfert au Portugal au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ".

8. M. B... fait état de la présence en France de son épouse et de ses deux enfants. Toutefois, il est constant que son épouse est en situation irrégulière sur le territoire depuis le rejet de sa demande d'asile par décision du 21 février 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 octobre 2018. L'intéressé ne justifie d'aucun obstacle à ce que sa cellule familiale, qui n'a pas vocation à s'installer en France, le suive au Portugal.

9. M. B... fait ensuite valoir son état de santé et soutient être atteint d'une hépatite. Toutefois, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation et n'établit ni la gravité exceptionnelle de son état de santé ni qu'il ne pourrait pas être pris en charge, si nécessaire, au Portugal.

10. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

12. En septième lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à l'intéressé. Le requérant ne peut ainsi utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de la décision de transfert.

13. En dernier lieu, l'intérêt supérieur de l'enfant étant de vivre avec ses parents, les deux enfants mineurs de M. B... ont vocation à suivre ce dernier au Portugal, accompagnés de son épouse. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le Portugal ne serait pas en mesure d'offrir aux mineurs des conditions d'accueil adaptées pendant le temps nécessaire à l'examen de la demande d'asile. Par suite, en adoptant l'arrêté contesté, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni davantage l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement de frais liés au litige doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

15. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de M. B... contre le jugement du 15 janvier 2024. Par suite, les conclusions de la requête n° 24NT00846 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NT00846.

Article 2 : La requête de M. B... enregistrée sous le n° 24NT00582 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Prelaud et et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24NT00582,24NT00846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00846
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : PRELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;24nt00846 ?
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