Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2303268 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2023, M. A..., représenté par
Me Bourgeois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 23 décembre 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2023.
Par une ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2024.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant marocain, né le 11 septembre 1997, est entré régulièrement en France le 24 août 2016, muni d'un visa de long séjour. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, renouvelé jusqu'au 30 septembre 2019. Le 8 juin 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. M. A... s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité, le 23 juin 2022, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ou son admission exceptionnelle au séjour en cette qualité. Par un arrêté du 23 décembre 2022, le préfet lui a refusé la délivrance d'un tel titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 6 mars 2023, M. A... avait invoqué le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Le tribunal, bien qu'ayant visé le moyen ainsi invoqué, qui n'était pas inopérant, n'y a pas répondu. Le jugement attaqué est entaché d'une omission de répondre à ce moyen. Il est irrégulier à raison de ce motif et doit être annulé.
3. Il y a lieu, d'une part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes à l'encontre du refus de titre de séjour pris à son encontre et, d'autre part, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2022 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. E... B..., attaché principal, adjoint à la directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par arrêté du 5 septembre 2022 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux demandes de titre de séjour, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice de migrations et de l'intégration dont il n'est pas établi qu'elle n'était pas effectivement absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".
6. Il ressort des termes même de l'arrêté attaqué que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'a mentionné les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que pour expliquer le renvoi aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail, a fondé son refus sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré en France le 24 août 2016, y a séjourné sous couvert d'un titre de séjour en qualité d'étudiant renouvelé jusqu'au 30 septembre 2019, puis s'est maintenu en situation irrégulière en France en dépit d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français prise à son encontre le 8 juin 2020, qu'il n'a pas exécutée. M. A... est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de la présence en France de sa sœur, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où résident ses parents, et ne justifie pas d'attaches personnelles et familiales d'une intensité particulière en France. M. A... qui, après s'être inscrit successivement en études de santé, en économie et gestion et en sérigraphie, au demeurant sans les suivre, s'est orienté vers le secteur de la boulangerie et se prévaut de son expérience professionnelle de trente-six mois en qualité d'apprenti puis de salarié dans une boulangerie, ne peut toutefois être regardé comme justifiant d'une intégration particulière en France. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel la décision contestée été prise. La décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. D'une part, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour pour une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour pour exercer une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
10. D'autre part, si les ressortissants marocains ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", ils peuvent, en revanche, se prévaloir des dispositions de cet article à l'appui d'une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, pour les motifs exposés au point 7, le préfet, en refusant d'accorder un titre de séjour à M. A..., n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
11. La décision refusant d'accorder un titre de séjour à M. A... n'étant pas annulée, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence. De même, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2022 en tant qu'il refuse de délivrer un titre de séjour et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions dirigées contre le même en tant qu'il lui fait, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe du pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2303268 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du
23 décembre 2022 en tant qu'il refuse de délivrer un titre de séjour.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2022 en tant qu'il refuse de délivrer un titre de séjour et le surplus des conclusions de la requête de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
Le président-rapporteur,
G. QUILLÉVÉRÉ
Le président-assesseur,
J. E. GEFFRAY
La présidente-rapporteure,
G. QUILLÉVÉRÉ
Le président-assesseur,
GV. VERGNE
La greffière,
A. MARCHAIS
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT038802