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11/06/2024 | FRANCE | N°23NT02817

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 11 juin 2024, 23NT02817


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.



Par un jugement n° 2207820 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête, enregistrée le 20 septembre 2023, M. B..., représenté par

Me Floch, demande à la cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2207820 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2023, M. B..., représenté par

Me Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 700 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie d'une entrée régulière en France ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. B... dans sa requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant tunisien, né le 10 février 1980, déclare être entré en France le 4 mars 2019. A la suite de son mariage avec Mme A..., ressortissante française, le 28 novembre 2020, il a sollicité un titre de séjour en tant que conjoint d'un ressortissant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 février 2022, le préfet de la

Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un tel titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 22 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait commis, comme le soutient

M. B... une erreur de droit, celle-ci resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. L'octroi de cette carte de séjour temporaire est subordonné à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa, dont la durée de validité est régie par l'article 11, peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". L'article 19 de cette convention stipule : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ", et l'article 22 : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, qui s'est substitué à l'article 5 de la convention du 19 juin 1990 : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière (...) ". Aux termes de l'article 21 du même règlement : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Enfin, aux termes de l'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. (...) ". Aux termes de l'article R. 621-4 du même code : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes :/ 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée ".

5. M. B..., qui a contracté mariage avec une ressortissante française le 28 novembre 2020, fait valoir qu'il est entré régulièrement sur le territoire français, dès lors qu'il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 4 juillet 2019 au 28 avril 2021 et délivré par les autorités italiennes, ce qui le dispensait de souscrire à la déclaration d'entrée sur le territoire prévue par l'article 22 de la convention Schengen du 19 juin 1990. Toutefois, il n'apporte pas la preuve qu'il serait entré en France durant la période de validité de ce titre de séjour. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. B... a déclaré le 13 juillet 2021 aux services de la préfecture de la Loire-Atlantique, à l'occasion de sa demande de titre de séjour, qu'il était entré en France le 4 mars 2019, soit antérieurement à la date de validité de son titre de séjour délivré par les autorités italiennes. Si l'intéressé fait valoir qu'il a effectué plusieurs allers et retours entre la France et l'Italie, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir qu'il serait de nouveau entré sur le territoire français durant la période de validité de son titre de séjour délivré par les autorités italiennes. Enfin, le passeport tunisien, valable du 21 mars 2017 au 20 mars 2022, présenté par M. B... aux services préfectoraux à l'appui de sa demande de titre n'est revêtu d'aucun cachet permettant de justifier d'une entrée régulière en France. L'intéressé, qui n'établit, en outre, pas avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, ne peut donc justifier d'une entrée régulière en France. Il en résulte que le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement, pour ce seul motif, estimer que M. B... ne pouvait prétendre à la délivrance à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré en France le 4 mars 2019 selon ses déclarations, affirme avoir rencontré Mme A..., ressortissante française, au cours de cette même année et s'est marié avec celle-ci le 28 novembre 2020. Toutefois, ni les attestations rédigées par des proches, ni les documents administratifs établis au nom des époux, ni les photographies que l'intéressé verse au dossier ne permettent d'établir la réalité de la communauté de vie alléguée. M. B..., qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où résident ses parents et deux de ses sœurs, ne justifie pas d'attaches personnelles et familiales d'une intensité particulière en France. Il ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Dans ces conditions, le préfet de la

Loire-Atlantique n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel la décision contestée été prise.

La décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, la décision refusant d'accorder un titre de séjour à M. B... n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision de refus.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le président-assesseur,

J. E. GEFFRAY

La présidente-rapporteure,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

La greffière,

A. MARCHAIS

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT028172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02817
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : FLOCH MARIE-LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23nt02817 ?
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