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11/06/2024 | FRANCE | N°23NT02349

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 11 juin 2024, 23NT02349


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 de la préfète d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination.



Par un jugement n° 2303711 du 26 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête enregistrée le 28 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 10 avril 2024, Mme A... B..., représentée par Me Benvenist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 de la préfète d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2303711 du 26 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 10 avril 2024, Mme A... B..., représentée par Me Benveniste, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes du 26 juillet 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 mars 2023 de la préfète d'Eure-et-Loir ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros hors taxes à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'une formation collégiale était compétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué ; il ressort clairement de la décision attaquée que la préfecture s'est prononcée d'office sur le droit au séjour notamment au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ne sont pas inopérants dès lors qu'elle est fondée à soutenir qu'une telle décision lui a été opposée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2024, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... B... ne sont pas fondés.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 15 décembre 2001 à Dakar (Sénégal), déclare être entrée irrégulièrement en France en août 2016. L'intéressée a fait l'objet d'une retenue administrative le 13 mars 2023 par la gendarmerie de Thivars (Eure-et-Loir) pour vérification de son droit au séjour. Mme A... B... étant dépourvue de titre de séjour et n'ayant formé aucune démarche en vue de régulariser sa situation, la préfète d'Eure-et-Loir l'a, par un arrêté du 13 mars 2023, obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Mme A... B... relève appel du jugement du 26 juillet 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... B... soutient que la première juge ne s'est pas prononcée sur ses moyens de première instance dirigés contre la décision portant refus de séjour et méconnu sa compétence en ne renvoyant pas les conclusions dirigées contre cette dernière décision devant une formation collégiale. Toutefois, l'arrêté litigieux de la préfète d'Eure-et-Loir ne contient pas de décision portant refus de séjour en l'absence de décision explicite du préfet dans l'arrêté du 13 mars 2023 et Mme A... B... n'a présenté aucune demande de titre de séjour notamment sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Les moyens dirigés contre une décision de refus de séjour inexistante étant ainsi inopérants, c'est à bon droit que la première juge, qui n'a pas méconnu sa compétence, après avoir visé ces moyens, n'y a pas répondu. Par suite, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre " la décision portant refus de titre de séjour " :

3. Si Mme A... B... persiste en appel à demander l'annulation d'un refus d'admission exceptionnelle au séjour, une telle demande est sans objet en l'absence de décision explicite du préfet dans l'arrêté du 13 mars 2023 et de toute demande de titre de séjour de Mme A... B..., comme l'a à bon droit relevé la première juge. Par suite, les moyens soulevés à l'appui des conclusions de Mme A... B... dirigées contre une supposée décision de refus de séjour et tirés de l'absence d'examen de sa situation personnelle, de l'erreur de fait, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

4. Mme D... soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle aurait dû bénéficier de plein droit d'un titre de séjour. Cependant, s'il était loisible à la préfète d'Eure-et-Loir d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la préfète n'était pas tenue de le faire. Ainsi, Mme A... B... ne peut utilement soutenir à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qu'elle aurait pu bénéficier d'une régularisation exceptionnelle, dès lors que ce titre de séjour n'est pas attribué de plein droit à l'étranger.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition du 13 mars 2023 visé dans l'arrêté contesté, que Mme A... B... a déclaré aux services de la gendarmerie de Thivars être de nationalité congolaise, et être munie d'un passeport, qu'elle a par ailleurs produit dans le cadre de la présente instance. Elle a également déclaré avoir quitté la République démocratique du Congo au cours du mois d'août 2016 et a indiqué que sa mère résidait toujours dans ce pays. Toutefois, après avoir retenu à tort que l'intéressée était de nationalité sénégalaise, la préfète d'Eure-et-Loir, s'est fondée, pour justifier que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur la circonstance que Mme A... B... n'attestait pas le fait d'être dépourvue d'attaches familiales au Sénégal, pays où résiderait sa mère. Il en résulte que l'intéressée est fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait qui, dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardée, contrairement à ce que soutient le préfet en défense, comme n'ayant pas eu d'incidence sur sa légalité.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme A... B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et celle fixant le Sénégal comme pays de destination. Mme A... B... n'est pas fondée, en revanche, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de réexaminer la situation personnelle de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a également d'enjoindre au préfet de munir Mme A... B... d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la même notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Benveniste, conseil de Mme A... B..., d'une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 juillet 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... B... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et celle fixant le Sénégal comme pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du 13 mars 2023 de la préfète d'Eure-et-Loir est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de réexaminer la situation de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Benveniste la somme de 1 200 euros hors taxe en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le président-assesseur,

J. E. GEFFRAY

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

La greffière,

A. MARCHAIS

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT023492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02349
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BENVENISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23nt02349 ?
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