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11/06/2024 | FRANCE | N°22NT00512

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 11 juin 2024, 22NT00512


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Proecowatt a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de certificats d'économies d'énergie référencée 0999OB/24519.



Par un jugement n° 1804830 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enr

egistrée le 16 février 2022, la société Proecowatt, représentée par

Me Deharbe, demande à la cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Proecowatt a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de certificats d'économies d'énergie référencée 0999OB/24519.

Par un jugement n° 1804830 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, la société Proecowatt, représentée par

Me Deharbe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'accorder les certificats d'économie d'énergie demandés dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des principes d'égalité et de sécurité juridiques et de confiance légitime, n'est pas régulier ;

- la décision contestée du 2 janvier 2018 est entachée d'un vice d'incompétence, porte atteinte au principe du contradictoire et aux principes d'égalité et de sécurité juridiques et de confiance légitime, méconnaît les dispositions de l'article L. 222-3 du code de l'énergie, est entaché d'un détournement de procédure, méconnaît l'annexe 5 de l'arrêté ministériel du

4 septembre 2014 qui ne prévoit pas l'existence d'un lien sans équivoque entre l'opération et la facture et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 26 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Proecowatt ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- l'arrêté ministériel du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Proecowatt est spécialisée dans la maîtrise de la consommation énergétique et la valorisation de certificats d'économies d'énergie (CEE) a fait l'objet d'une décision du

2 janvier 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délivrance de certificats d'économies d'énergie référencée 0999OB/24519. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision. La société relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société Proecowatt soutient que le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et de celle de sécurité juridique et de confiance légitime. Cependant, il ressort de la motivation du point 11 du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés de manière suffisante sur le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité et ont écarté les moyens tirés de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime comme dépourvus des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement attaqué doit dès lors être écarté.

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'énergie : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements qu'il constate, de la part des personnes mentionnées à l'article L. 221-1, aux dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-5 ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application ". Aux termes de l'article L. 222-2 du même code : " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre chargé de l'énergie peut : /(...) 2° Le priver de la possibilité d'obtenir des certificats d'économies d'énergie selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article L. 221-7 et à l'article L. 221-12 ; / 3° Annuler des certificats d'économies d'énergie de l'intéressé, d'un volume égal à celui concerné par le manquement ; / 4° Suspendre ou rejeter les demandes de certificats d'économies d'énergie faites par l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 222-8 du même code, relatif aux opérations de contrôle de la régularité de la délivrance des certificats d'économies d'énergie : " La conformité de l'échantillon s'apprécie à partir de la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie de chacune de ses opérations, établis conformément aux dispositions des deux premiers alinéas du présent article. L'échantillon est réputé conforme si le rapport entre la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie établis pour les opérations de l'échantillon et la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie délivrés pour les mêmes opérations est : (...) / 2° Pour les opérations engagées à partir du 1er janvier 2013, supérieur à 95 % ". Selon l'article

R. 222-9 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'échantillon n'est pas réputé conforme, le ministre chargé de l'énergie met en demeure l'intéressé de transmettre, dans un délai d'un mois, les preuves de la conformité réglementaire des opérations d'économies d'énergie pour lesquelles des manquements ont été constatés. / Simultanément, le délai prévu par l'article R. 221-22 est suspendu pour les demandes de certificats d'économies d'énergies déposées par l'intéressé et n'ayant pas encore fait l'objet d'une délivrance de certificats ". Enfin, aux termes de l'article R. 222-12 du même code : " Les décisions du ministre chargé de l'énergie prononçant les sanctions prévues à l'article L. 222-2 peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de référé tendant à la suspension de leur exécution devant le Conseil d'Etat (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que le silence gardé par le ministre chargé de l'énergie sur une demande de certificats d'économie d'énergie autre que celles relatives à des opérations spécifiques fait naître une décision implicite d'acceptation à l'issue d'un délai de deux mois suivant la date de réception par le ministre du dossier de demande. Lorsque, dans le cadre du contrôle de la régularité de la délivrance des CEE, le ministre chargé de l'énergie notifie une mise en demeure en application de l'article R. 222-9 du code de l'énergie, ce délai est suspendu au titre des demandes de certificats déposées avant la mise en demeure et n'ayant pas donné lieu à décision implicite et il ne peut commencer à courir pour toutes les demandes présentées ultérieurement. La mise en demeure cesse de produire ses effets lorsque le ministre décide de prononcer l'une ou plusieurs des sanctions prévues à l'article L. 222-2 du même code ou informe le demandeur qu'il renonce à faire usage de ces dispositions.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du message de la directrice territoriale d'Eure Habitat adressé le 26 mai 2016 au pôle national des certificats d'économies d'énergie que la société requérante a distribué ou livré 151 500 ampoules LED, soit 10 ampoules par logement, qui sont de marque V-TAC SKU-4209, d'une puissance de 10 watts, d'une classe énergétique " A ++ " et d'une durée de vie de 20 000 heures par ampoule. Ces ampoules correspondent aux caractéristiques de la fiche technique BAR-EQ-111, qui exigent au minimum une classe énergétique " A + ", une durée de vie de 15 000 heures et une appartenance au groupe de risque " 0 " selon la norme NF EN 62471. En faisant valoir l'existence d'incohérences qui entachent la facture qui a été présentée par la société au pôle national des certificats d'économies d'énergie, le ministre de la transition écologique et solidaire a remis en cause la réalisation de l'opération de distribution. Toutefois, et alors même qu'un certain nombre d'ampoules n'ont pu être distribuées, cette opération, qui a été conforme aux exigences techniques, a été effective dans les faits. Ainsi, en se fondant sur les incohérences figurant sur les factures portées à sa connaissance, le ministre, qui a été suffisamment et préalablement informé de la réalité de l'opération d'économie d'énergie compte tenu du message adressé au pôle national des certificats d'économies d'énergie dès le

26 mai 2016, devait prendre en compte cette opération pour établir un lien sans équivoque entre celle-ci et la facture correspondante et a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la réalité de la prestation de service et de fourniture réalisée par la société. Par suite, il y a lieu d'annuler pour ce motif la décision contestée du 2 janvier 2018.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que la société Proecowatt est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation, il n'y a pas lieu de délivrer les certificats d'économie d'énergie sollicités mais seulement d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de procéder au réexamen de la demande présentée par la société Proecowatt tendant à la délivrance de certificats d'économie d'énergie référencée 0999OB/24519 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804830 du tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 2021 et la décision du ministre de la transition écologique et solidaire du 2 janvier 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la transition écologique et solidaire de procéder au réexamen de la demande présentée par la société Proecowatt tendant à la délivrance de certificats d'économie d'énergie référencée 0999OB/24519 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Proecowatt une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Proecowatt est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Proecowatt, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SELARL Blanc.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAY

Le président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT0051202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00512
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GREEN LAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22nt00512 ?
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