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07/06/2024 | FRANCE | N°22NT01678

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 07 juin 2024, 22NT01678


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme H... C..., agissant en qualité de représentante légale des enfants G... F... B... A... et H... B... A..., ainsi que M. D... B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 juin 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à M. D... B... A...,

à M. G... F... B... A... et à Mme H... B... A... un visa d'entrée et de long séjour en qua...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C..., agissant en qualité de représentante légale des enfants G... F... B... A... et H... B... A..., ainsi que M. D... B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 juin 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à M. D... B... A..., à M. G... F... B... A... et à Mme H... B... A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2110604 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a donné acte de leur désistement des conclusions dirigées contre la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de délivrer un visa à l'enfant H... B... A..., a annulé la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de délivrer un visa aux enfants D... B... A... et G... B... A... et a enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à ces derniers les visas sollicités, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il annulé la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en ce que cette décision porte refus de délivrer un visa aux enfants D... B... A... et G... B... A..., et lui a enjoint, sous astreinte, de délivrer les visas correspondants ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme H... C... et M. D... B... A... devant le tribunal administratif de Nantes dirigées contre la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle porte refus de délivrer un visa aux enfants D... B... A... et G... B... A....

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à la délivrance du visa sollicité par M. D... B... A..., dès lors qu'il était âgé de plus de 18 ans à la date de la demande de visa ;

- les liens de filiation allégués ne sont pas établis par les jugements supplétifs d'état-civil produits, qui ne sont pas suffisamment motivés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2022, Mme H... C..., agissant en sa qualité de représentant légal de l'enfant G... F... B... A..., ainsi que M. D... B... A..., représentés par Me Poulard, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;

2°) d'enjoindre au ministère de l'intérieur de délivrer des visas long séjour à M. G... F... B... A... et à M. D... B... A..., dans un délai de 5 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Poulard d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement des conclusions de la requête de Mme C... et de M. D... B... A... tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle porte refus de délivrer un visa à l'enfant H... B... A..., a annulé la même décision en tant qu'elle porte refus de délivrer des visa de long séjour aux jeunes D... B... A... et G... B... A... en qualité de membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire et lui a enjoint, sous astreinte, de délivrer aux deux enfants les visas sollicités. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé, dans cette mesure, la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint, sous astreinte, de délivrer les visas sollicités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles (...) L. 434-3 à L. 434-5 (..) sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux " et aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, auxquelles l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.

5. Aux termes de l'article R. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ". M. D... B... A..., né le 25 avril 2001, n'avait pas dépassé son dix-neuvième anniversaire lors de l'introduction de la demande de réunification familiale par dépôt d'une demande de visa au titre de la réunification familiale le 17 janvier 2020. En refusant la demande de visa présentée pour l'intéressé au motif qu'il avait plus de dix-huit ans, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a commis une erreur de droit dans l'application des articles L. 561-2, L. 561-4 et L. 434-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

9. Pour justifier de l'identité de M. G... F... B... A... et de son lien de filiation avec Mme C..., les intéressés produisent un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 1er juillet 2015 par le tribunal de première instance de Conakry II, faisant état de la naissance de l'intéressé le 1er janvier 2005 de l'union de M. I... B... A... et de Mme H... C..., ainsi qu'un extrait du registre d'état civil de Dixinn sur lequel ce jugement supplétif a été transcrit le 3 juillet 2015. Pour justifier de l'identité de M. D... B... A... et de son lien de filiation avec Mme C..., les intéressés produisent un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 11 juillet 2014 par le tribunal de première instance de Conakry II, faisant état de la naissance de l'intéressé le 1er janvier 2005 de l'union de M. I... B... A... et de Mme H... C..., ainsi qu'un extrait du registre d'état civil de Dixinn sur lequel ce jugement supplétif a été transcrit le 11 décembre 2014. Contrairement à ce que soutient le ministre, ces jugements supplétifs ne peuvent être regardés comme révélant une situation contraire à la conception française de l'ordre public international en raison de la seule insuffisance alléguée de leur motivation. Par suite, l'identité de M. D... B... A... et de M. G... F... B... A... ainsi que leur lien de filiation avec Mme C... doivent être regardés comme établis par ces jugements supplétifs. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions citées au point 6 que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer les visas sollicités au motif que l'identité et le lien de filiation des jeunes D... B... A... et G... B... A... n'étaient pas établis.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C... et de M. D... B... A..., la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle porte refus de délivrer des visas de long séjour aux jeunes D... B... A... et G... B... A... en qualité de membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le tribunal a fait droit aux conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées devant lui par Mme C... et M. D... B... A.... Les conclusions présentées, de nouveau, à ces mêmes fins par les intéressés devant la cour sont donc sans objet.

Sur les frais liés au litige :

12. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Poulard dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Poulard une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... et par M. D... B... A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme H... C... et à M. D... B... A....

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01678
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;22nt01678 ?
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