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07/06/2024 | FRANCE | N°22NT01527

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 07 juin 2024, 22NT01527


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant D... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.



Par un jugement n° 2109911 du 28

mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant D... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2109911 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai 2022 et 31 mars 2023, Mme E..., représentée par Me Zouaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 19 novembre 2020 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au consul général de France à Douala de délivrer le visa sollicité.

Elle soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 mars 2020, le préfet de l'Ain a accordé à Mme E..., ressortissante camerounaise, une autorisation de regroupement familial au profit de ses filles alléguées, D... A... née le 4 janvier 2008 et Amira Rouchda Ayiagnigni née le 29 août 2009. Si l'enfant Amira Rouchda Ayiagnigni s'est vu délivrer un visa de long séjour au titre du regroupement familial, la demande de visa formée au profit de l'enfant D... A... a été rejetée par une décision de l'autorité consulaire à Douala (Cameroun) du 12 octobre 2020. Mme E... relève appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision de l'autorité consulaire française à Douala.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 23 juin 2021, vise les articles L. 311-1 et suivants et 434-1, 434-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que l'identité de l'enfant D... A... et son lien de filiation avec Mme E... ne sont pas établis, dès lors qu'une vérification effectuée par les autorités locales à la demande du poste consulaire à Douala a révélé que l'acte de naissance produit pour cet enfant porte le numéro d'un acte relatif à une autre personne et qu'aucun élément de possession d'état n'est produit. Cette décision indique ainsi suffisamment les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint (...). ".

5. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. Pour justifier de l'identité et de la filiation de l'enfant D... A..., Mme E... a produit, devant l'administration, un acte de naissance n° 0115/2008 dressé par un officier d'état-civil du centre de Foumban le 14 janvier 2008. Les autorités consulaires ont, à deux reprises, obtenu des autorités locales une copie de l'acte de naissance portant ce numéro, lequel concerne une tierce personne. Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'acte de naissance produit devant l'administration ne présente pas de caractère authentique, ce que Mme E... ne conteste pas et n'explique pas en se bornant à soutenir qu'elle " ne peut être tenue pour responsable des erreurs commises par l'administration camerounaise dans la production des documents d'état-civil ".

8. Mme E... produit, pour la première fois en appel, un jugement de reconstitution d'acte de naissance du tribunal de première instance de Foumban du 3 août 2021, ainsi que l'acte de naissance n° 2021/003501/N/3299 établi en transcription de ce jugement le 8 décembre 2021 par le centre d'état-civil de Foumban. Il ressort toutefois de ce jugement du 3 août 2021 que le juge camerounais a pris en considération une attestation de non existence de souche pour l'acte de naissance n° 0115/2008 établie le 6 mai 2021 par le centre d'état-civil de Foumban, document manifestement erroné dès lors que le même centre d'état-civil a, par deux fois et en dernier lieu le 21 décembre 2020, à la demande de l'autorité consulaire française à Douala, produit une copie de l'acte d'état-civil portant ce même numéro mais correspondant une tierce personne. Le jugement indique également, de manière contradictoire, à la fois que l'enfant D... A... a fait l'objet de l'acte de naissance portant ce numéro, dont la souche n'a pas été retrouvée, et que sa naissance n'a pas été déclarée à l'état-civil. En outre, l'acte de naissance établi en transcription de ce jugement le 8 décembre 2021 indique qu'il a été établi au vu, notamment, de l'acte de naissance n° 0115/2008 du 14 janvier 2008, dont le caractère frauduleux est établi, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Mme E... produit également un jugement de reconstitution d'acte de naissance du même tribunal de première instance de Foumban du 7 juin 2022, rendu en des termes quasi-identiques à ceux du jugement du 3 août 2021, qui indique que la requête a été introduite par la mère de l'enfant tandis que le jugement du 3 août 2021 avait été introduit à la requête de son oncle. Le jugement du 7 juin 2022 reprend cependant le motif du jugement du 3 août 2021 indiquant, de manière erronée, que le requérant est l'oncle de l'enfant. En outre, ce jugement du 7 juin 2022 se fonde sur une attestation de non-existence de souche délivrée par le centre d'état-civil concerné le 10 janvier 2022, document manifestement erroné pour les mêmes raisons que celles déjà mentionnées s'agissant du certificat de non-existence de souche du 6 mai 2021. Mme E... ne présente en outre aucune explication quant à la coexistence de ces deux jugements de reconstitution d'état-civil. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les jugements de reconstitution d'acte de naissance des 3 août 2021 et 7 juin 2022, qui présentent un caractère frauduleux, ne peuvent être regardés comme permettant d'établir l'identité et la filiation de l'enfant D... A....

9. Enfin, par la production d'un unique certificat de scolarité, Mme E... n'établit pas le lien de filiation allégué par possession d'état.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a estimé que l'identité et la filiation de l'enfant D... A... n'étaient pas établis.

11. En troisième lieu, faute d'établissement du lien de filiation allégué, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, en tout état de cause, de celles de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2020 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... dans sa requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'elle présente doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01527
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ZOUAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;22nt01527 ?
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