Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 16 septembre 2021 de l'autorité consulaire française au Rwanda refusant de délivrer à l'enfant Teamo Darcie Kirenga un visa de long séjour en qualité " d'enfant de conjoint étranger d'un ressortissant français ".
Par un jugement n° 2202518 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Thinon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Elle soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du caractère probant des actes d'état civil produits, lesquels établissent son lien de filiation avec l'enfant pour laquelle le visa est demandé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il indique qu'il entend s'en remettre à ses écritures de première instance et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2202518 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... épouse B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à l'enfant Teamo Darcie Kirenga, née le 25 septembre 2012, un visa de long séjour en qualité d'enfant de conjoint étranger d'un ressortissant français. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
3. Si la requérante fait valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait demandé à la commission de recours la communication des motifs de sa décision implicite. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des écritures de première instance du ministre de l'intérieur que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé la délivrance du visa sollicité au double motif que la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant mineur du conjoint étranger d'un ressortissant français relève de la procédure de regroupement familial et que le lien de filiation entre la mère et l'enfant n'est pas établi par les actes d'état civil produits.
5. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / (...) et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article R. 434-14 du même code : " L'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle habite la famille du demandeur est immédiatement informée du dépôt de la demande de demande de regroupement familial par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et procède sans délai, dès le dépôt de la demande de visa de long séjour, aux vérifications d'actes d'état civil étranger qui lui sont demandées ". En outre, aux termes de l'article R. 434-26 du même code : " L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'entrer en France dans le cadre du regroupement familial est le préfet et, à Paris, le préfet de police. Cette autorité statue sur la demande de regroupement familial dans un délai de six mois à compter du dépôt par l'étranger du dossier complet de cette demande. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la demande de regroupement familial ". L'article R. 434-30 de ce code dispose encore que : " Le préfet informe les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de sa décision et de la date à laquelle elle a été notifiée au demandeur. Les services de l'office transmettent sans délai cette information au maire et à l'autorité diplomatique ou consulaire de la circonscription dans laquelle habite la famille du demandeur ". L'article R. 434-34 du même code prévoit enfin que : " Pour être admis sur le territoire français, les membres de la famille de l'étranger doivent être munis du visa d'entrée délivré par l'autorité diplomatique et consulaire. L'autorisation du regroupement familial est réputée caduque si l'entrée de la famille sur le territoire français n'est pas intervenue dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du visa ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsque le préfet rejette la demande de regroupement familial formulée par un ressortissant étranger sur le fondement des articles L. 434-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité diplomatique ou consulaire peut légalement rejeter pour ce motif la demande de visa de long séjour présentée dans le cadre de la procédure de regroupement familial.
6. Si la requérante ne conteste pas le motif de la décision litigieuse tiré de ce que la demande de visa n'a pas fait l'objet d'une procédure de regroupement familial, elle se prévaut toutefois d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
7. A l'appui de la demande de visa présentée pour l'enfant Teamo Darcie Kirenga a été produite une copie d'un acte de naissance dressé le 27 novembre 2017. Le ministre de l'intérieur relève, sans être contredit, que l'acte de naissance ne correspond pas au formalisme habituel de ce type de document d'état civil et que le délai de déclaration des naissances fixé à trente jours au Rwanda n'a pas été respecté. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de son recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, Mme B... a produit un nouveau certificat de naissance numérique établi le 7 septembre 2021, lequel ne mentionne pas le numéro d'acte de naissance et émane d'une commune qui n'est pas celle de naissance de l'enfant pour laquelle le visa a été demandé. En outre, la requérante a produit devant le tribunal administratif un autre certificat de naissance numérique établi le 17 novembre 2021 par une commune qui n'est pas non plus celle de naissance de l'enfant. Il résulte de la comparaison de ces documents que ceux-ci comportent de nombreuses contradictions, s'agissant particulièrement du numéro d'identification unique attribué à l'enfant et de l'identité du déclarant et des témoins. Si la requérante se prévaut d'attestations et de timbres humides légalisant l'acte de naissance établi le 27 novembre 2017, ces éléments n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet de corriger les contradictions et anomalies ainsi relevées. Par suite, les documents d'état civil produits par la requérante ne permettent pas d'établir l'identité de la demanderesse de visa et, partant, son lien de filiation avec elle. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite de la commission de recours refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant Teamo Darcie Kirenga porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs en vue desquels elle a été prise.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03578