Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... H..., Mme I... F... et Mme B... D..., ainsi que Mme G... C... épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique la création d'un quartier d'habitation, dénommé " l'Ilot du Cloucq ", sur le territoire de la commune de Damvix et, d'autre part, de l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré cessibles au profit de l'établissement public foncier de la Vendée les parcelles leur appartenant dont l'acquisition est nécessaire à la création du quartier d'habitations " Îlot du Cloucq " sur le territoire de la commune de Damvix. La société civile immobilière Bardon a également demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 décembre 2019 portant déclaration d'utilité publique.
Par un jugement nos 2001174,2100019, un jugement nos 2002168,2100128 et un jugement n° 2002426 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 23NT02206, par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet et
20 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 3 mai 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme H..., Mme F... et Mme D..., représentées par Me Plateaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2001174, 2100019 du tribunal administratif de Nantes du
8 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019, par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique la création d'un quartier d'habitation, dénommé " l'Ilot du Cloucq ", sur le territoire de la commune de Damvix et l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré cessibles les parcelles leur appartenant dont l'acquisition est nécessaire à la création du quartier d'habitations " Îlot du Cloucq " sur le territoire de la commune de Damvix ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la commune de Damvix et de l'établissement public foncier de la Vendée la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas revêtue des signatures exigées ;
sur l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :
- il est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- le projet d'aménagement poursuivi n'était pas suffisamment précis, en méconnaissance des articles L. 221-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- le projet était dépourvu d'utilité publique ;
sur l'arrêté de cessibilité :
- il est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'établissement public foncier de la Vendée ne justifiait pas d'un titre régulier l'autorisant à disposer de la qualité de bénéficiaire de l'expropriation, ce qui entraîne la méconnaissance des articles R. 221-1 et R. 221-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les services préfectoraux ne s'étant pas opposés à la manœuvre de l'aménageur public ;
- l'annulation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté de cessibilité.
Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés sont inopérants et que les autres moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 10 novembre 2023 et 10 janvier 2024, l'établissement public foncier de la Vendée et la commune de Damvix, représentés par Me Tertrais, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise solidairement à la charge des requérantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés sont dépourvus des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé et inopérants et que les autres moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
II. Sous le n° 23NT02224, par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2023 et 2 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 3 mai 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme C... épouse E..., représentée par Me Plateaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2002168,2100128 du tribunal administratif de Nantes du
8 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019, par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique la création d'un quartier d'habitation, dénommé " l'Ilot du Cloucq ", sur le territoire de la commune de Damvix et l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré cessibles les parcelles dont l'acquisition est nécessaire à la création du quartier d'habitations " Îlot du Cloucq " sur le territoire de la commune de Damvix ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la commune de Damvix et de l'établissement public foncier de la Vendée la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas revêtue des signatures exigées ;
sur l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :
- il est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- le projet d'aménagement poursuivi n'était pas suffisamment précis, en méconnaissance des articles L. 221-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- le projet était dépourvu d'utilité publique ;
sur l'arrêté de cessibilité :
- il est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'établissement public foncier de la Vendée ne justifiait pas d'un titre régulier l'autorisant à disposer de la qualité de bénéficiaire de l'expropriation, ce qui entraîne la méconnaissance des articles R. 221-1 et R. 221-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les services préfectoraux ne s'étant pas opposés à la manœuvre de l'aménageur public ;
- l'annulation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté de cessibilité.
Par des mémoires, enregistrés les 24 novembre 2023 et 11 janvier 2024, l'établissement public foncier de la Vendée et la commune de Damvix, représentés par Me Tertrais, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés sont dépourvus des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé et inopérants et que les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il se rapporte aux écritures qu'il a produites dans le cadre de la requête n° 23NT02206.
III. Sous le n° 23NT02416, par une requête, enregistrée le 8 août 2023 et un mémoire enregistré le 24 avril 2024 qui n'a pas été communiqué, la SCI Bardon, représentée par
Me Plateaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002426 du tribunal administratif de Nantes du 8 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019, par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique la création d'un quartier d'habitation, dénommé " l'Ilot du Cloucq ", sur le territoire de la commune de Damvix ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la commune de Damvix et de l'établissement public foncier de la Vendée la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas revêtue des signatures exigées ;
sur l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :
- il est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- le projet d'aménagement poursuivi n'était pas suffisamment précis, en méconnaissance des articles L. 221-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- le projet était dépourvu d'utilité publique.
Par un mémoire, enregistré le 24 novembre 2023, l'établissement public foncier de la Vendée et la commune de Damvix, représentés par Me Tertrais, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de la SCI Bardon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté est dépourvu des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé et inopérant et que les autres moyens soulevés par la SCI Bardon ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il se rapporte aux écritures qu'il a produites dans le cadre de la requête n° 23NT02206.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet ;
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Jouanneaux, substituant Me Plateaux, représentant Mme H..., Mme F... et Mme D..., Mme C... et la SCI Bardon, et de Me Tertrais représentant l'établissement public foncier de la Vendée et la commune de Damvix.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme H..., Mme F... et Mme D... sont propriétaires d'un ensemble foncier, cadastré section AH nos 603-604-605-606, situé sur le territoire de la commune de Damvix, dans le département de la Vendée. Ces quatre parcelles non bâties sont comprises dans un îlot, dénommé " Îlot du Cloucq ", que la commune de Damvix a entendu aménager afin d'y créer un quartier d'habitation, par la construction d'une vingtaine de logements sur une emprise foncière totale de 17 500 m². Pour la conduite de ce projet, la commune s'est associée à l'établissement public foncier de la Vendée (EPF). A cet effet une convention opérationnelle de maîtrise et de veille foncière a été signée le 3 septembre 2015 par la commune et cet établissement. Depuis cette date, les actions foncières de l'EPF lui ont permis d'acquérir à l'amiable environ 40% de la surface totale du périmètre du projet de l'Ilot du Cloucq, soit une superficie de 6 814 m². Compte tenu des acquisitions restant à réaliser, le conseil municipal a, par délibération du
15 décembre 2016, chargé l'EPF de la Vendée d'engager la procédure d'expropriation en vue d'obtenir la maîtrise foncière des terrains nécessaires à la réalisation du projet, en demandant au préfet de la Vendée de déclarer d'utilité publique l'opération envisagée. Par un arrêté du
5 septembre 2019, le préfet de la Vendée a prescrit l'ouverture d'une enquête publique unique, portant sur l'utilité publique du projet, la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme nécessitée par le projet et la cessibilité des immeubles nécessaires à la réalisation du projet, laquelle s'est déroulée du 14 octobre au 18 novembre 2019 inclus. A l'issue de cette enquête, le commissaire enquêteur a émis, sans réserve, un avis favorable le 9 décembre 2019. Par un arrêté du 31 décembre 2019, le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique le projet de création d'un quartier d'habitation " l'Ilot du Cloucq " sur le territoire de la commune de Damvix. Par un arrêté du
7 décembre 2020, le préfet a déclaré cessibles au profit de l'EPF les immeubles dont l'acquisition était nécessaire à la réalisation du projet, dont les parcelles appartenant aux requérants. M. et Mme H..., Mme F... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 du préfet de la Vendée déclarant d'utilité publique le projet de l'" Îlot du Cloucq " et de l'arrêté du 7 décembre 2020 du même préfet déclarant cessibles au bénéfice de l'EPF les parcelles dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation de ce projet, notamment celles dont ils sont propriétaires. Mme C... épouse E... a demandé au tribunal, par une demande distincte, l'annulation des mêmes arrêtés. La société civile immobilière Bardon a demandé au tribunal, par une demande distincte, l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 portant déclaration d'utilité publique. Par des jugements du 8 juin 2023, le tribunal a rejeté leurs demandes. Mme H..., Mme F... et Mme D..., Mme C... et la SCI Bardon font appel respectivement du jugement du 8 juin 2023 les concernant.
2. Les requêtes nos 23NT02206,23NT02224 et 23NT02416 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. La minute de chacun des jugements attaqués comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoient que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, Mme H..., Mme F..., Mme D..., Mme C... et la SCI Bardon ne sont pas fondées à soutenir que les jugements sont entachés d'une irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :
4. En premier lieu, l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que doivent " être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ". Un acte déclaratif d'utilité publique ne présente pas le caractère d'une décision administrative individuelle et n'a, dès lors, pas à être motivé. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant déclaration d'utilité publique est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration est inopérant et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'État, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes et les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1, les bénéficiaires des concessions d'aménagement mentionnées à l'article L. 300-4, les sociétés publiques définies à l'article L. 327-1 et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. ". L'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d'expropriation pour constituer des réserves foncières, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de l'existence d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
6. Les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions citées au point 5 dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique en litige porte sur la constitution d'une réserve foncière. En tout état de cause, la notice explicative du dossier soumis à enquête publique fait apparaitre la nature du projet envisagé, en présentant l'aménagement interne du nouveau quartier d'habitation de l'îlot comportant des logements, voies douces, voiries et bassin de rétention. Seul le parti d'aménagement concernant l'espace des granges situées le long de la rue du Paradis n'était pas définitivement arrêté mais des " fonctions à portée publique ", du type maison des associations ou lieu de vente pour les artisans et commerçants locaux, leur avaient été d'ores et déjà assignées. La commune de Damvix et l'établissement public foncier de la Vendée font valoir sans être contredits que les données des études pré-opérationnelles que la commune s'était engagée à réaliser dans le cadre de la convention signée avec l'établissement public foncier ont été reprises dans la notice explicative. Ainsi, alors même qu'une orientation d'aménagement et de programmation doit être mise en compatibilité avec le projet, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique a été engagée, la commune de Damvix justifiait de l'existence d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
7. En troisième et dernier lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux porte sur la création d'un nouveau quartier d'habitation, baptisé " l'îlot du Clouq ", composé d'une vingtaine de lots d'une superficie moyenne d'environ 400 m2, sur des terrains nus, à l'exception des granges appartenant déjà à l'établissement public foncier de la Vendée, ou des fonds de parcelles. En vue d'assurer une mixité sociale et générationnelle, au moins 10% des logements seront des locatifs à caractère social, destinés aux jeunes ménages et aux personnes âgées. Un espace paysager et un bassin de rétention des eaux pluviales seront aménagés au sud-ouest de l'îlot, tandis que des liaisons douces traverseront le quartier et le relieront au centre-bourg. Comme l'indique la notice explicative, " il s'agit de proposer des lots à bâtir de taille réduite adaptée tant au vieillissement de la population (maintien à domicile), qu'à la multiplication du nombre de ménages (familles monoparentales etc.) ou à l'accueil de ménages à faibles ressources ", tout en maitrisant la consommation des espaces naturels et agricoles, l'îlot en cause étant situé dans une " dent creuse " du centre bourg de la commune de Damvix, avec des lots commercialisés de petite taille permettant une optimisation foncière. Le commissaire enquêteur a indiqué, dans son avis favorable, que " l'apport d'une vingtaine de logements en centre bourg ne pourra, au bénéfice de la population actuelle, que contribuer à renforcer et pérenniser les services locaux liés à l'éducation, à la santé et aux commerces de proximité ". D'ailleurs le plan local de l'habitat soulignait que le taux de logements sociaux sur le territoire de la communauté de communes de Vendée-Sèvre-Autise, à laquelle appartient la commune de Damvix, est inférieur aux moyennes départementale et régionale. En outre, il ressort des études mentionnées dans la notice explicative qu'à population équivalente, les besoins en logements se multiplient, avec la diminution du nombre moyen de personnes par ménage, alors que plus de 80% des logements de la commune de Damvix disposent de plus de quatre pièces, le projet en cause comportant, quant à lui, des petits logements de moins de trois pièces, de plain-pied et correspondant aux capacités d'investissement moyennes des ménages. Enfin, il n'est pas établi que le périmètre de l'opération serait excessif, les parcelles cadastrées nos 603 à 606 servant d'assiette au bassin de rétention des eaux pluviales issues des surfaces non-absorbantes créées pour les besoins d'aménagement du quartier. L'inclusion de ces parcelles dans le périmètre d'expropriation n'est ainsi pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique. La seule circonstance que la commission des finances de la commune ait indiqué, postérieurement aux arrêtés en cause, le 12 janvier 2021, que la réalisation de ce projet ainsi que d'un autre projet de construction d'un bâtiment multifonctions " réduiraient de façon significative la capacité financière de la collectivité pour faire face aux autres dépenses d'investissement ", n'établit pas que le périmètre de l'opération serait excessif, contrairement à ce que soutiennent les requérantes. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le projet en cause serait dépourvu d'utilité publique doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de cessibilité :
9. En premier lieu, un arrêté de cessibilité n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et de l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 321-4 du code de l'urbanisme : " Les établissements publics fonciers de l'Etat peuvent agir par voie d'expropriation et exercer les droits de préemption et de priorité définis dans le code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 300-4 du même code : " L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. (...) Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux, bâtiments et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. ". Par ailleurs, l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable, dispose que " Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable. Ces stratégies contribuent à la réalisation de logements, notamment de logements sociaux, en tenant compte des priorités définies par les programmes locaux de l'habitat. / (...) / Les établissements publics fonciers sont compétents pour réaliser toutes acquisitions foncières et immobilières dans le cadre de projets conduits par les personnes publiques et pour réaliser ou faire réaliser toutes les actions de nature à faciliter l'utilisation et l'aménagement ultérieur, au sens de l'article L. 300-1, des biens fonciers ou immobiliers acquis. / Les biens acquis par les établissements publics fonciers ont vocation à être cédés (...) / L'action des établissements publics fonciers pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d'un autre établissement public s'inscrit dans le cadre de conventions. ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'une convention a été conclue le 3 septembre 2015 entre la commune de Damvix et l'établissement public foncier de la Vendée, établissement public de l'Etat, afin que cet établissement obtienne la maîtrise foncière du périmètre correspondant à l'opération de l'îlot du Cloucq, la commune s'engageant à racheter les biens acquis dans ce cadre. Il est constant que cette convention, qui permet à l'établissement public d'être bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique et de l'arrêté de cessibilité, n'a fait l'objet ni d'une résolution, ni d'une annulation. En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas des termes de la convention de maîtrise foncière du 3 septembre 2015 que cette dernière, au regard de son objet et des dispositions de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme constituant sa base légale, pourrait être qualifiée de concession d'aménagement au sens de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme ou a fortiori de marché public de travaux. Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'établissement public foncier de la Vendée ne justifiait pas d'un titre régulier l'autorisant à disposer de la qualité de bénéficiaire de l'expropriation.
12. En troisième et dernier lieu, il résulte des points 4 à 8 que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté de cessibilité par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H..., Mme F... et Mme D..., Mme C... épouse E... et la société civile immobilière Bardon ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la commune de Damvix et de l'établissement public foncier de la Vendée, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme H..., Mme F... et Mme D..., la somme globale de 500 euros à verser à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune de Damvix au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens et de mettre respectivement à la charge de Mme C... épouse E... et de la société civile immobilière Bardon la même somme à verser à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune de Damvix au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme H..., Mme F... et Mme D..., de Mme C... épouse E... et de la société civile immobilière Bardon sont rejetées.
Article 2 : Mme H..., Mme F... et Mme D... verseront à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune de Damvix une somme globale de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme C... épouse E... et la société civile immobilière Bardon verseront chacune à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune de Damvix une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H..., Mme I... F... et Mme B... D..., à Mme G... C... épouse E..., à la société civile immobilière Bardon, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune de Damvix.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Picquet, première conseillère,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23NT02206,23NT02224,23NT02416