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31/05/2024 | FRANCE | N°23NT00367

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 31 mai 2024, 23NT00367


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Maleinge a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de la Remaudière à lui verser une somme de 26 755,41 euros TTC au titre des frais qu'elle a engagés dans le cadre du marché conclu avec cette commune pour la construction d'une salle de loisirs, ainsi qu'une somme de 14 258 euros au titre des bénéfices dont elle a été privée du fait de la nullité du contrat conclu avec cette commune pour cette construction, assorties des intérêts au

taux légal et de la capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 2009205 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Maleinge a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de la Remaudière à lui verser une somme de 26 755,41 euros TTC au titre des frais qu'elle a engagés dans le cadre du marché conclu avec cette commune pour la construction d'une salle de loisirs, ainsi qu'une somme de 14 258 euros au titre des bénéfices dont elle a été privée du fait de la nullité du contrat conclu avec cette commune pour cette construction, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 2009205 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de la Remaudière à verser à la société Maleinge les sommes de 11 595 euros TTC et de 13 264,83 euros HT, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, la commune de La Remaudière, représentée par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 21 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter dans cette mesure la demande présentée par la société Maleinge devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) subsidiairement, de prononcer un sursis à statuer et de désigner un expert ;

4°) de mettre à la charge de la société Maleinge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement attaqué ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en raison de l'insuffisance du délai accordé pour répondre aux dernières écritures de la société ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer s'agissant du moyen tiré de " l'exception d'imprudence fautive de la victime " ;

- les dépenses alléguées par la société Maleinge ne présentent pas un caractère utile ; la commune démontre l'absence de matérialité des travaux invoqués et il appartient à la cour, en tout état de cause, de désigner un expert sur ce point ; la société a reconnu devant la cour administrative de Nantes, lors d'un précédent litige, n'avoir subi aucun préjudice au titre d'un éventuellement enrichissement sans cause dans la mesure où elle n'a réalisé aucune prestation ; le bâtiment n'a fait l'objet d'aucune réception de nature à garantir sa parfaite acquisition par la commune ; l'administration ne tire aucun profit de cet ouvrage inachevé, qui ne peut ouvrir au public pour des motifs de sécurité ; l'ouvrage n'est pas utilisé conformément à sa destination et il fera l'objet d'une démolition à brève échéance ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'illégalité affectant les marchés publics de travaux conclus entre mai 2013 et mars 2014 et la perte de bénéfice alléguée par la société eu égard à l'objet illicite des marchés ;

- l'imprudence fautive de la société est de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; elle ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de construire un ouvrage public de grande ampleur, destiné à l'exercice de services publics secondaires, dans une commune de faible importance, sur la base d'un recours à l'emprunt et, en qualité de professionnelle, aurait dû alerter la commune ;

- en tout état de cause, le montant du taux de marge nette est surévalué et n'est pas accompagné des pièces comptables permettant d'en justifier alors qu'un taux de marge normal de 5% est traditionnellement appliqué dans le secteur du BTP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, la société Maleinge, représentée par Me Papin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de La Remaudière ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer l'article 2 du jugement du

21 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes rejetant le surplus de sa demande de condamnation de la commune de La Remaudière et de condamner la commune de La Remaudière à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais de première instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Remaudière la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de la Remaudière ne sont pas fondés ;

- elle a demandé la condamnation de la commune à lui verser les sommes de 11 363,83 euros et 1 005 euros au titre de frais inutilement engagés sur le chantier, correspondant à des factures de livraison des fournitures et frais d'études, et non au titre des dépenses utiles à la collectivité.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet ;

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Jouanneaux, substituant Me Plateaux, représentant la commune de la Remaudière, ainsi que les observations de Me Papin, représentant la société Maleinge.

Une note en délibéré, présentée pour la société Maleinge, a été enregistrée le 15 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Remaudière a conclu seize marchés de travaux pour la construction d'un ensemble immobilier de 1 000 m2 à usage de salle de loisirs, bibliothèque et salle de réunion, pour un montant global de 2 264 709,58 euros hors taxe (HT). Ainsi, par acte d'engagement signé le 16 mai 2013, le lot n° 10 " revêtements sols scellés " a été attribué à la société Maleinge. Par jugement du 27 mars 2015, rendu sur déféré préfectoral, le tribunal administratif de Nantes a annulé ce marché sur le fondement de l'article 5 du code des marchés publics applicable, au motif que la commune avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses besoins. La commune de La Remaudière relève appel du jugement du

21 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Maleinge les sommes de 11 595 euros TTC et de 13 264,83 euros HT, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, sur le fondement respectivement des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle, tandis que la société demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de l'article 2 de ce jugement.

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses utiles de la société Maleinge :

2. L'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action.

3. Si la consistance des prestations fournies s'évalue au moment où elles ont été exécutées, leur utilité pour l'administration doit être appréciée par le juge administratif à la date à laquelle il statue en tenant compte éventuellement de l'évolution des travaux ou du projet depuis leur exécution. Les dépenses utiles comprennent, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par le cocontractant pour la réalisation des fournitures, travaux ou prestations destinés à l'administration. Ne peuvent pas être regardés comme utilement exposés pour l'exécution du marché les frais de communication ainsi que, dans le cas où le contrat en cause est un marché public et sauf s'il s'agit d'un marché de partenariat, les frais financiers engagés par le cocontractant. L'abandon du projet faisant directement l'objet des études fournies est de nature à priver les dépenses engagées par le cocontractant de toute utilité pour l'administration, à l'exception du cas où cet abandon est justifié par des difficultés révélées par ces études.

4. La société Maleinge sollicite le paiement de ses travaux non réglés correspondant à un certificat de paiement n° 1, visé le 6 juillet 2014 par le maître d'œuvre, faisant état d'un montant de 14 386,61 euros à lui verser et se prévaut d'un taux de marge de 19,40 % en s'appuyant sur une attestation d'un expert-comptable. Or, en se fondant uniquement sur les prix du marché, la société Maleinge ne justifie pas du caractère utile des dépenses qu'elle a exposées au profit de la commune.

5. En outre, il résulte de l'instruction que le projet de construction d'une salle de loisirs a été abandonné par la commune en cours de chantier. Ainsi, un constat d'huissier du 21 avril 2015 précise que le gros-œuvre est terminé, que les menuiseries extérieures sont posées et la couverture du bâtiment est réalisée, mais qu' " à l'avant, comme à l'arrière du bâtiment, en partie haute des façades, absence de panneaux de façade laissant apparaître la charpente bois ", qu'" en partie base, sous les habillages bois, les façades ne sont pas peintes " et qu'à l'intérieur, de multiples châssis de menuiserie intérieure en bois ne sont pas posés, qu'il s'y trouve de multiples rouleaux de laine de verre et de multiples rails de placo, ainsi que 20 sacs de colle-enduit pour joints ainsi qu'un lot de tôles ondulées. Par une délibération du 7 février 2023, produite en appel, le conseil municipal a d'ailleurs décidé de valider la déconstruction de cette salle pour reconvertir le site à destination de logements, ce qui permet de " produire du logement sans accroitre l'artificialisation des sols " au sens de la loi climat et résilience de 2021, et de " valoriser l'ensemble des matériaux " dont se compose la salle et " ceux qui sont stockés en son sein ". Dans ces conditions, compte-tenu de l'abandon du projet, il ne résulte pas de l'instruction que la commune a retiré un enrichissement des dépenses prétendument engagées par la société TCS.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de la Remaudière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, elle a été condamnée à verser à la société Maleinge une somme de 11 595 euros TTC sur le fondement de sa responsabilité quasi-contractuelle.

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de la Remaudière :

7. Lorsque le juge administratif prononce l'annulation d'un contrat en raison de vices entachant sa validité, cette circonstance n'implique pas, par elle-même, une absence de droit à indemnisation au bénéfice du cocontractant. Ce droit à indemnisation s'apprécie, conformément aux principes du droit des contrats administratifs, au regard des motifs de la décision juridictionnelle et, le cas échéant, des stipulations contractuelles applicables.

8. Si l'irrégularité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant peut, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice. Le lien de causalité entre l'irrégularité du contrat tenant en des manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur et le préjudice invoqué par l'attributaire résultant de l'annulation du contrat ne peut être regardé comme direct lorsque les manquements en cause ont eu une incidence déterminante sur l'attribution du contrat.

9. Par un jugement devenu définitif sur ce point du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation des marchés relatifs aux seize lots de l'opération de construction de l'ensemble immobilier à usage de salle de loisirs, bibliothèque et salle de réunion, en retenant que ces contrats ont méconnu l'article 5 du code des marchés publics alors en vigueur dès lors que la commune de la Remaudière a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'estimation de ses besoins. Ainsi, le projet n'était pas en adéquation avec les capacités financières de la commune et les proportions du projet, consistant dans la construction d'un complexe de 1 000 m2, n'étaient pas en rapport avec les besoins réel de la commune dès lors qu'un tel équipement ne présentait pas un caractère indispensable pour le service public communal. Ce manquement constitue une faute de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la commune.

10. Toutefois, l'irrégularité commise par la commune, qui a justifié l'annulation du contrat a, compte-tenu de son objet et de son importance, eu une incidence déterminante sur l'attribution du contrat à la société Maleinge dans le cadre de la procédure adaptée qui a été suivie pour la passation de ce marché. Dans ces conditions, dès lors qu'il résulte ainsi de l'instruction que le marché n'aurait pas été conclu en l'absence de l'illégalité sus-décrite, le lien entre la faute de la commune et le manque à gagner dont cette société entend obtenir réparation ne peut être regardé comme direct.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de La Remaudière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Maleinge une somme de 13 264,83 euros HT au titre de l'indemnisation du bénéfice dont elle a été privée du fait de la nullité du contrat conclu avec la commune.

Sur les conclusions d'appel incident :

12. La société Maleinge demande l'indemnisation de frais de livraison des approvisionnements pour un montant de 11 363,83 euros mais ne justifie pas que ces matériaux auraient été livrés sur le chantier alors qu'ils lui ont été facturés fin juin 2014, soit après l'arrêt de ce dernier. Elle sollicite également le remboursement d'une somme de

1 005 euros au titre de frais d'études qu'elle aurait réalisées. Toutefois, compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 et 3, ces frais ne sauraient être regardés comme ayant présenté un caractère utile à la commune. En tout état de cause, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'est pas fondée à demander le remboursement de dépenses inutiles pour la commune qu'elle aurait engagées compte-tenu de l'arrêt du chantier.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais de première instance :

13. Eu égard à ce qui est jugé par le présent arrêt, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Remaudière, qui n'est pas la partie perdante, une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance dus à la société Maleinge.

En ce qui concerne les frais d'appel :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Remaudière une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais d'appel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Maleinge une somme à verser à la commune en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 21 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Maleinge devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée dans cette mesure de même que ses conclusions d'appel incident.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Remaudière et à la société Maleinge.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00367
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : GUYARD NASRI PAPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;23nt00367 ?
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