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28/05/2024 | FRANCE | N°23NT02733

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 23NT02733


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 octobre 2022 du préfet de la Sarthe portant refus de délivrance d'un titre de séjour.



Par un jugement n° 2301670 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a enjoint au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification d

u jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 octobre 2022 du préfet de la Sarthe portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2301670 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a enjoint au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 10 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de cette décision.

Il soutient que la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Cloarec, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens présentés par le préfet de la Sarthe dans sa requête ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant angolais, né le 7 août 1980, est entré en France, selon ses déclarations, le 25 juin 2013. Après le rejet définitif de sa demande d'asile le 21 décembre 2015, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 3 mai 2016, le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et enjoint la délivrance du titre sollicité. La demande de renouvellement de ce titre a été rejetée par un arrêté du 28 novembre 2018, par lequel le préfet a de nouveau obligé l'intéressé à quitter le territoire français. Par un jugement du 21 janvier 2021, confirmé par l'arrêt du 8 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes, le même tribunal a annulé cette décision et enjoint au préfet de délivrer le titre sollicité. M. A... B... a demandé le renouvellement de ce titre de séjour. Par une décision du 10 octobre 2022, le préfet de la Sarthe lui a refusé ce renouvellement. L'exécution de cette décision a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes par une ordonnance du 22 février 2023. Par un jugement du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 octobre 2022. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

3. Par un avis du 20 septembre 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Le préfet de la Sarthe s'est approprié l'avis du collège de médecins sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. A... B... pour refuser la délivrance d'un titre de séjour.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... justifie, par la production de plusieurs certificats médicaux et ordonnances, souffrir d'une pathologie psychotique de type schizophrénique évolutive, et bénéficier à ce titre d'une prise en charge et d'un suivi médical depuis 2013, se traduisant par un traitement médicamenteux à base d'Abilify Maintena, d'Esomeprazole, de Lormetazepam, de Tropatepine chlorhydrate et de Loxapine. L'intéressé, qui soutient qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement de son traitement dans son pays d'origine, justifie également, en produisant notamment la liste des médicaments essentiels en Angola, que l'Esomeprazole, le Tropatépine et la Loxapine ne sont pas disponibles dans ce pays. Pour appuyer l'avis du collège des médecins de l'OFII, le préfet de la Sarthe produit un courriel du 13 février 2023 du médecin inspecteur de santé publique-conseillère médicale au sein du cabinet de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur et des outre-mer, en réponse à une sollicitation de son service contentieux datée du 9 février 2023. Toutefois, contrairement à ce que soutient le préfet, qui reprend le contenu de ce courriel, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Esomeprazole puisse être remplacé par l'Oméprazole, disponible en Angola, ni que la Loxapine puisse être utilement remplacé par la Quétiapine, ou que l'intéressé n'ait plus besoin de Tropatépine, destiné à corriger les syndromes parkinsoniens éventuellement induits par les antipsychotiques, et indisponible en Angola dès lors qu'une prescription de Quétiapine aurait été substituée à son traitement à base de Loxapine. En outre, si le préfet de la Sarthe soutient que le traitement au Lormetazepam ne devrait plus être prescrit à l'intéressé en raison d'un risque de pharmacodépendance lorsque le traitement excède huit à douze semaines, il n'est pas établi, au regard des éléments médicaux versés au dossier par M. A... B..., que l'arrêt d'un tel traitement serait possible, sans entraîner des conséquences d'une particulière gravité pour l'intéressé, ni que ce traitement, qui lui est prescrit dans le cadre de sa prise en charge, présente un caractère superflu. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, pour annuler la décision litigieuse, estimé qu'il avait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est par suite, pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les frais d'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et, sous réserve que l'avocate de M. A... B... renonce à percevoir la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Le Cloarec de la somme de 1 000 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Cloarec, avocate de M. A... B..., la somme de 1 000 euros hors taxe sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B....

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le président-assesseur,

J. E. GEFFRAY

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

La greffière,

H. DAOUD

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT027332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02733
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ALC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nt02733 ?
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