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28/05/2024 | FRANCE | N°23NT02449

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 23NT02449


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et d'annuler cet arrêté.



Par un jugement n° 2303569 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribuna

l administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et d'annuler cet arrêté.

Par un jugement n° 2303569 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, Mme B..., représentée par Me Saligari, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à la mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne démontre pas la notification régulière du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît le droit d'être entendu, les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et des articles L. 531-24 et L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquence sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2022, le préfet de la Loire-Atlantique, par un arrêté du 15 février 2023, a obligé Mme B..., ressortissante arménienne, née le 24 juin 1995, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office. Par un jugement du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté et à son annulation. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le magistrat désigné a omis de répondre au moyen soulevé en première instance et tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, qui n'était pas inopérant. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement en tant qu'il a statué sur ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté est irrégulier et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté contesté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. L'arrêté contesté, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il est fait application, a rappelé la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile de Mme B... et mentionné que celle-ci ne justifie pas de liens intenses, stables et anciens en France sur le plan de sa vie privée et familiale. Dès lors, la motivation en fait et en droit de la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisante.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre la décision contestée.

6. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Lorsqu'il demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision. En principe, il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait demandé un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle aurait été empêchée de s'exprimer avant que ne soit prise la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que Mme B... a été privée du droit d'être entendue, résultant du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; / (...) ". L'article L. 542-4 de ce même code dispose : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la requérante provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. La décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2022 rejetant la demande de protection présentée par Mme B... a statué en procédure accélérée en application du 1° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors et conformément au d) du 1° de l'article L. 542-2 de ce code, le droit de la requérante de se maintenir sur le territoire français a pris fin dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris cette décision, le 31 août 2022. Si la requérante, à laquelle cette décision, ainsi que le préfet de la Loire-Atlantique l'établit, a été notifiée le 12 octobre 2022 et qui l'a frappée de recours devant la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre 2022, soutient qu'il n'est pas établi que cette notification aurait été régulière, cette circonstance est sans influence sur l'application des dispositions du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il résulte des termes mêmes que le droit de se maintenir sur le territoire prend fin dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une telle décision de rejet, mais non à compter de la notification de cette décision. Il en résulte que, Mme B... relevant depuis le 31 août 2022 du cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement lui faire obligation de quitter le territoire français.

10. Le séjour de Mme B... en France, entrée sur le territoire français le 21 avril 2022 selon ses déclarations, était très récent à la date de l'arrêté contesté. Elle est célibataire et sans charge de famille en France où elle ne justifie d'aucune attache personnelle particulière, notamment familiale. Compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Mme B... étant sans charge de famille, comme il a été dit au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Mme B... n'apporte aucun élément quant aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté contesté :

15. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. " Aux termes de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

16. Si Mme B... soutient qu'elle dispose d'éléments sérieux de nature à justifier dans le cadre de sa demande d'asile son maintien sur le territoire, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, elle ne peut être regardée comme apportant des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile et sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté en litige ne peut qu'être rejetée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation et la suspension de l'exécution de l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2303569 du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Vieville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02449
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nt02449 ?
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