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28/05/2024 | FRANCE | N°23NT00774

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 23NT00774


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Distrivert a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2020 en raison d'un ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de Rostrenen.



Par un jugement n° 2105177 du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requ

te et un mémoire, enregistrés les 20 mars 2023 et 14 mars 2024, la SAS Distrivert, représentée par Me Harivel et Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Distrivert a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2020 en raison d'un ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de Rostrenen.

Par un jugement n° 2105177 du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mars 2023 et 14 mars 2024, la SAS Distrivert, représentée par Me Harivel et Me Bétérous, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'établissement en litige ne dispose pas de moyens techniques importants conférant au site qu'elle exploite à Rostrenen un caractère industriel au sens de l'article 1500 I-A du code général des impôts ;

- la condition de l'importance de ses moyens techniques n'est pas remplie dans la mesure où leur valeur est inférieure à 50 % de la valeur brute des constructions hors terrains ; la valeur globale des installations techniques est estimée à 1 905 524 euros et celle des constructions à 4 250 000 euros, soit 44,9% de la valeur des constructions :

- la proportion de la valeur globale des installations techniques est faible par rapport à la surface de l'entrepôt ;

- le critère lié à la quantité des engins de manutention n'est pas opérant ; ces équipements sont des matériels usuels et ordinaires ;

- les installations techniques, matériels et outillages de son entrepôt ne jouent pas un rôle prépondérant dans le processus d'exploitation ;

- les modalités de stockage reposent sur l'automatisation et/ou l'informatisation ;

- le facteur humain intervient à toutes les étapes du processus d'exploitation, soit lors de la réception des produits, de leur rangement, de leur préparation et de leur chargement :

- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la fiche pratique n° 7 sur la qualification des entrepôts " sec ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Distrivert ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Harivel, représentant la SAS Distrivert.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Distrivert, qui exerce une activité de distributeur auprès de magasins spécialisés de vente de produits de jardinage, plantes, animalerie, exploite en vertu d'un bail commercial, depuis la fin de l'année 2018, un ensemble immobilier à usage d'entrepôt, situé sur le territoire de la commune de Rostrenen, appartenant à la SAS Vert Expansion. Par une réclamation du 28 décembre 2020, la société Distrivert a sollicité la réduction de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2020, à raison de cet ensemble immobilier, en contestant la qualité d'établissement industriel de cet entrepôt et en faisant valoir que la méthode par comparaison pour déterminer sa valeur locative et non celle dite comptable réservée aux établissements industriels aurait dû être appliquée. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 21 septembre 2021. Par un jugement du 18 janvier 2023, dont la SAS Distrivert relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la réduction de 299 466 euros des droits de cotisation foncière des entreprises qui ont été mis à sa charge au titre de l'année 2020, à raison de l'ensemble immobilier qu'elle exploite à usage de stockage.

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à la cotisation foncière des entreprises :

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes de l'article 1467 du même code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ". . Aux termes de l'article 1500 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; 2° Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels ; 3° Selon les règles fixées à l'article 1498, lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas satisfaites ".

3. La SAS Vert Expansion, qui a confié à la SAS Distrivert, par un contrat du 5 novembre 2018, l'exploitation d'un immeuble situé route de Saint-Brieuc à Rostrenen, a engagé des travaux d'extension par la construction d'un entrepôt de 360 m² destiné à la protection d'une presse à carton, qui se sont achevés le 30 septembre 2019 et qui ont donné lieu au dépôt par la société de déclarations d'achèvement. À réception, et compte tenu du caractère industriel de cet établissement, le Pôle d'évaluation des locaux professionnels de Saint-Brieuc a invité la société à procéder au dépôt d'une déclaration modèle U complémentaire au titre des travaux d'extension ainsi exécutés. Par une réponse du 9 mars 2020, la SAS Vert Expansion a indiqué son refus de déposer une telle déclaration au motif que le local dont il s'agit aurait changé d'affectation et qu'il serait devenu un local professionnel à usage de stockage. Au titre de l'année 2020, la SAS Distrivert a reçu un avis de cotisation foncière des entreprises mis en recouvrement le 31 octobre 2020 pour un montant de 353 049 euros déterminé par application de la méthode dite comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts pour les établissements industriels. La SAS Distrivert demande que l'établissement soit évalué selon la méthode tarifaire de l'article 1498 du code général des impôts comme un établissement commercial entrant dans la catégorie DEP 2 (lieux de dépôt couvert) qui comprend tous les entrepôts ou hangars destinés à stocker de la marchandise et notamment les entrepôts de commerce de gros ainsi que ceux utilisés dans le cadre de la vente par internet ou sur catalogue.

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1500 du code général des impôts que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A de ce code et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du code. En vertu de l'article 1469 du code général des impôts, pour le calcul de la taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

En ce qui concerne la méthode d'évaluation :

5. Pour établir la valeur locative des immobilisations utilisées par la SAS Distrivert, l'administration a estimé que cette société exerçait une activité industrielle et a appliqué la méthode dite comptable.

6. Il est constant que les locaux en litige n'abritent pas une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers.

7. Ni la constatation d'un ratio valeur brute de l'outillage au bilan sur valeur brute des constructions supérieur à 50 %, ni la constatation de la présence de moyens spécifiques de conservation des denrées stockées, ni même la constatation de modalités de stockage reposant sur l'automatisation et/ou l'informatisation ne constituent des critères de qualification des entrepôts. Il s'agit uniquement d'indices, parmi d'autres, pouvant permettre de caractériser l'importance des moyens techniques mis en œuvre et/ou leur rôle prépondérant.

8. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier en cause est constitué d'un espace de stockage de 33 000 m², comprenant trois cellules couvertes de 10 000 m², une ancienne chambre froide, dont les équipements de production de froid ont été démantelés et qui est affectée désormais au stockage d'aliments à température ambiante, un espace sous auvent de 1 400 m² et un entrepôt de 360 m² abritant une presse à carton. Pour l'exploitation du volume de stockage correspondant à cette surface, la SAS Distrivert met en œuvre des installations techniques, matériels et outillages, acquis ou loués, d'une valeur globale, estimée par la société requérante, à 1 905 524 euros, dont 1 538 858 euros figurant au compte 215 du bilan de la SAS Distrivert, comprenant notamment 96 engins de manutention comme les transpalettes, chariots élévateurs et chariots nacelles lui permettant de stocker des palettes de marchandises sur des racks comportant 5 niveaux de stockage. De tels moyens techniques sont importants de par leur valeur et également leur quantité. Afin d'optimiser la mécanisation de ces entrepôts, la société exploitante a recours à un logiciel de de gestion d'entrepôt, qui est un outil utilisé pour contrôler, coordonner et optimiser les mouvements, processus et opérations spécifiques à un entrepôt, accessible depuis les engins de manutention et réduisant les tâches confiées aux opérateurs, et qui figure à son bilan au compte 205, pour une valeur de 126 731 euros pour le site de Rostrenen. Cette organisation permet quotidiennement d'organiser des flux de l'ordre de 760 palettes tant pour les entrées que pour les sorties et la préparation de 15 000 commandes annuelles, soit l'expédition de 54 000 tonnes de marchandises par an. La SAS Distrivert emploie sur son site de Rostrenen, au regard des chiffres avancés par l'administration, qui ne sont pas sérieusement contestés par la société, environ 58 employés dont 26 intérimaires directement chargés de la manutention, sur un effectif total de 75 personnes, soit 7 caristes, 10 chargeurs, 23 préparateurs, 7 préparateurs/caristes et 11 réceptionnaires. Au regard du volume de stockage utilisé, de la main-d'œuvre disponible et du mode informatisé de gestion et de pilotage de l'entreposage et du coût des outils informatiques, les installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre par la société requérante sur son site de Rostrenen apparaissent comme jouant un rôle prépondérant dans l'exploitation de l'ensemble immobilier en litige. Par suite, la SAS Distrivert n'est pas fondée à contester la qualification d'établissement industriel, retenue par le service, et la fixation de la valeur locative cadastrale des immeubles en cause selon la méthode dite comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts et à demander une réduction de la cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre de l'année 2020.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. La SAS Distrivert n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la fiche pratique n° 7 sur la qualification des entrepôts " sec ", publiée sur le site internet " impots.gouv.fr ", dès lors que cette fiche se borne à rappeler, sans ajouter d'autres éléments, les caractéristiques juridiques de la notion d'établissement industriel.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Distrivert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distrivert est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distrivert et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillevéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Vieville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 23NT00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00774
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET FIDAL (NANTES)

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nt00774 ?
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