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03/05/2024 | FRANCE | N°22NT02810

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 03 mai 2024, 22NT02810


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel du 17 mai 2021 par lequel le maire de Culey-le-Patry a déclaré non réalisable son projet tendant à la création d'un lotissement de neuf lots sur des parcelles cadastrées section ZD n° 69 et n° 128.

Par un jugement n° 2102167 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 17 mai 2021 et a enjoint au maire de Culey-le-Patry de délivr

er à M. A... un certificat d'urbanisme opérationnel positif dans le délai de deux mois suivant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel du 17 mai 2021 par lequel le maire de Culey-le-Patry a déclaré non réalisable son projet tendant à la création d'un lotissement de neuf lots sur des parcelles cadastrées section ZD n° 69 et n° 128.

Par un jugement n° 2102167 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 17 mai 2021 et a enjoint au maire de Culey-le-Patry de délivrer à M. A... un certificat d'urbanisme opérationnel positif dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 août 2022 et 7 juillet 2023, la commune de Culey-le-Patry, représentée par Me Gorand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient, sans entacher d'irrégularité leur jugement, prononcer une annulation totale du certificat d'urbanisme dès lors que M. A... n'a pas contesté l'article 4 du certificat qui mentionnait la possibilité pour la commune de prononcer un sursis à statuer en application de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme ;

- les premiers juges ont irrégulièrement prononcé une injonction de délivrer un certificat d'urbanisme positif dès lors que les parcelles en cause sont classées en zone A dans le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par délibération du 31 mai 2022 du conseil communautaire de la communauté de communes Cingal Suisse Normandie, où ne sont admises que les constructions en lien avec l'exploitation agricole ;

- la desserte des parcelles par le réseau d'électricité impose des travaux d'extension du réseau sur plus de 100 m ; elle n'était pas en mesure de préciser dans quel délai ni par quelle collectivité ou par quel concessionnaire les travaux pouvaient être exécutés ;

- les parcelles de M. A... n'étant pas desservies par le réseau d'électricité, leur classement en zone AU où ne sont autorisées que les extensions mesurées et l'aménagement des constructions existantes, ne pouvait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2022, M. A..., représenté par

Me Launay, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Culey-le-Patry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 9 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Sanson, substituant Me Gorand, pour la commune de Culey-le-Patry et de Me Launay, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire de deux parcelles cadastrées section ZD n° 69 et n° 128 sur le territoire de la commune de Culey-le-Patry. Il a déposé, le 11 mars 2021, une demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la réalisation d'un lotissement de neuf lots sur ces deux parcelles. Par un arrêté du 17 mai 2021, le maire de Culey-le-Patry lui a délivré un certificat d'urbanisme indiquant que cette opération n'était pas réalisable. Par un jugement du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. A..., l'arrêté du 17 mai 2021 et a enjoint au maire de Culey-le-Patry de délivrer à M. A... un certificat d'urbanisme positif dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La commune de Culey-le-Patry relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme : " Les zones urbaines sont dites "zones U". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. ". Aux termes de l'article R. 151-20 du même code : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".

5. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions citées au point 4, rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.

6. Il est constant que M. A... a pour projet de réaliser, sur les parcelles cadastrées section ZD n° 69 et n° 128, un lotissement de neuf lots d'une superficie moyenne chacun de 1 060 m². Pour déclarer ce projet non réalisable, le maire de Culey-le-Patry s'est fondé sur les motifs tirés de ce que le terrain d'assiette du projet se situe, pour partie, en zone AU du PLU et en zone N, dans lesquelles ce type de projet n'est pas autorisé et de ce que " le projet impose la réalisation d'équipements sur le réseau d'électricité sur lesquels il est impossible d'indiquer dans quel délai et par quel concessionnaire de service publics ils pourraient être exécutés ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée ZD n° 69 et, pour partie, la parcelle cadastrée ZD n° 128, sont classées en zone AU du plan local d'urbanisme de la commune, dont le règlement écrit précise qu'il s'agit d'une zone non équipée, destinée à être urbanisée à long terme qui ne peut être aménagée qu'après modification du plan local d'urbanisme et dans laquelle est interdite toute nouvelle construction, à l'exception des extensions mesurées et de l'aménagement des constructions existantes et de leurs annexes.

8. Il ressort également des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en cause, qui constitue l'ensemble de la zone AU dans ce secteur de la commune, se situe à environ 2 km du bourg, dans un secteur peu urbanisé de la commune, entouré par un vaste espace agricole à l'ouest, un vaste espace boisé au nord et par l'Orne à l'est. En outre, les parcelles en cause, dont plus de 9 000 m² seraient concernées par le projet de lotissement, sont vierges de toute construction. Enfin, il n'est pas contesté que, si le terrain d'assiette du projet est desservi par la voirie et le réseau d'eau d'une capacité suffisante, il ne l'est pas par le réseau d'assainissement collectif. Dans ces conditions, eu égard à la configuration des lieux et aux caractéristiques des parcelles concernées, et à supposer même qu'elles seraient desservies par le réseau d'électricité, le classement de ces parcelles en zone AU du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que le maire de Culey-le-Patry a pu légalement, pour déclarer le projet non réalisable, se fonder sur le motif tiré du classement des parcelles en cause en zone AU, dans laquelle le règlement écrit applicable interdit toute nouvelle construction à l'exception des extensions mesurées et de l'aménagement des constructions existantes et de leurs annexes. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il avait retenu que ce seul motif.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Culey-le-Patry est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le certificat d'urbanisme négatif du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce que, compte tenu de ce que le classement en zone AU des parcelles d'assiette du projet était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le maire ne pouvait déclarer non réalisable le projet de l'intéressé en se fondant sur ce classement illégal.

10. M. A... n'a pas invoqué d'autres moyens devant le tribunal administratif de Caen qu'il appartiendrait de ce fait à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de Culey-le-Patry est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. A..., l'arrêté du 17 mai 2021 du maire de Culey-le-Patry.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Culey-le-Patry, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Culey-le-Patry et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Culey-le-Patry la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Culey-le-Patry et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02810
Date de la décision : 03/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-03;22nt02810 ?
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