Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 août 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 11 décembre 2019 du ministre rejetant le recours gracieux formé contre cette décision du 27 août 2019.
Par un jugement n° 2001809 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 27 août 2019 et 11 décembre 2019 du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai et 15 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que ses décisions sont justifiées par le doute existant sur l'identité de Mme A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Besse, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer cette demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a sollicité sa naturalisation auprès du préfet du Val d'Oise, qui a transmis sa demande au ministre de l'intérieur. Par décision du 27 août 2019, ce dernier a rejeté cette demande. Mme A... a formé à l'encontre de cette décision un recours gracieux que le ministre de l'intérieur a rejeté par décision du 11 décembre 2019. Par un jugement du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., ces deux décisions. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au ministre de l'intérieur de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les incertitudes pouvant exister sur l'état civil exact du postulant.
3. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et repris désormais à l'article L. 121-9 de ce code, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides " est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) ". L'article 1371 du code civil dispose : " L'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ". Il résulte de ces dispositions, applicables, sauf disposition légale spécifique y dérogeant, aux pièces tenant lieu d'actes d'état civil établis par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que les énonciations ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public font foi jusqu'à la preuve contraire et non jusqu'à inscription de faux.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de naturalisation dans laquelle elle a déclaré s'appeler " ... " et être née le 15 octobre 1980, en attestant sur l'honneur l'exactitude de cette déclaration, Mme A... a produit un acte d'état-civil établi, le 19 juin 2013, sur le fondement de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides mentionnant ces mêmes prénom, nom et date de naissance.
5. Il ressort, toutefois, également des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le ministre, que celle-ci a adressé deux courriers, l'un, daté du 30 avril 2018, au service du séjour des étrangers de la préfecture du Val d'Oise, l'autre, daté du 28 juillet 2018, aux services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en vue de faire rectifier en ce sens l'état-civil mentionné sur son titre de séjour et son acte de naissance, que son prénom est ..., que son nom est ... et que sa date de naissance est le 15 octobre 1983, avant de renoncer à cette demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par courrier du 21 septembre 2018, pour ne pas interférer avec sa procédure de naturalisation en cours. L'intéressée soutient, également, dans ses écritures devant la cour, porter le nom de " ... " depuis sa naissance mais avoir fait usage du nom de " ... " qui lui aurait été attribué par des autorités religieuses après qu'elle a été guérie d'une grave maladie. Dans ces circonstances, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme apportant la preuve de ce que les prénom, nom et date de naissance de l'intéressée, figurant sur l'acte d'état-civil établi, le 19 juin 2013, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sont erronés.
6. Il en résulte que c'est à tort que, pour annuler les décisions du ministre de l'intérieur des 27 août 2019 et 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que le ministre de l'intérieur ne rapportait pas la preuve de l'inexactitude des mentions figurant sur cet acte d'état-civil.
7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif et devant la cour.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4, que le ministre de l'intérieur pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter la demande de naturalisation de l'intéressée en raison du doute existant sur son identité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., les décisions des 27 août 2019 et 11 décembre 2019 rejetant la demande de naturalisation présentée par l'intéressée.
10. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées dans ses écritures d'appel par Mme A... doivent être rejetées.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par Mme A... sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par Mme A... en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01624