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02/05/2024 | FRANCE | N°23NT03433

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 02 mai 2024, 23NT03433


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme C... A..., sa fille.



Par un jugement n° 2104189 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 29 juin 2020 et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer

la demande de Mme D..., dans le délai de deux mois.



Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme C... A..., sa fille.

Par un jugement n° 2104189 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 29 juin 2020 et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de Mme D..., dans le délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la requête de Mme D....

Le préfet soutient qu'alors même qu'il aurait commis une erreur de fait, il aurait néanmoins pris la même décision s'il avait pris en considération le montant exact des ressources dont disposait Mme D....

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2024, Mme D... représentée par Me Guilbaud demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, et de rejeter la requête en appel du Préfet.

Elle indique reprendre en appel l'ensemble des moyens, demandes et injonctions formalisés dans ses écritures de première instance.

Par décision du 16 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes a admis Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Cette décision a été maintenue par décision du 31 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29'juin 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial présentée le 16 juillet 2018 au bénéfice de sa fille Mme C... A..., née le 19 octobre 2000. Par un jugement du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de Mme D....

Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code dans cette même version : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L.'441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal administratif a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que les revenus nets mensuels de Mme B... D... s'élevaient à

827,23 euros et non à 444 euros nets ainsi que l'a retenu le préfet dans sa décision attaquée et que le préfet n'aurait pas pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait. Cependant, s'il ressort des pièces du dossier que les ressources mensuelles de Mme D... sur la période de juillet 2017 à Juillet 2018 ont été constituées des salaires ainsi que de l'allocation de retour à l'emploi, les ressources ainsi perçues s'élevaient à la somme d'environ 940 euros nets par mois et demeuraient inférieures au montant su salaire minimum interprofessionnel de croissance qui s'établissait pour la période de juillet à décembre 2017 à 1 151,50 euros par mois et pour la période de janvier à juillet 2018 à la somme de 1 173,60 euros. Si Mme D... a bénéficié de rappels de salaires en exécution d'un jugement du conseil des prud'hommes du 28 juin 2019, il est constant que ces sommes n'ont pas été perçues au cours de la période de référence et n'avaient donc pas à être prises en compte par l'autorité administrative. Par ailleurs, les ressources de l'intéressée sur la période de référence étaient constituées pour partie d'allocation de retour à l'emploi qui ne présentent pas de caractère pérenne. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le préfet, ainsi qu'il le soutient en appel, aurait pris la même décision s'il n'avait pas entaché sa décision d'erreur de fait et d'appréciation quant au montant moyen des ressources disponibles sur la période de référence. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré de l'erreur de fait dont était entachée la décision attaquée.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et la cour.

Sur la légalité de la décision portant refus de regroupement familial :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

La décision attaquée rappelle les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis oppose que les revenus de Madame D... sont inférieurs à ceux prescrits par ce texte pour pouvoir accorder le regroupement familial sollicité. Dès lors, cette décision comporte les considérations de droit et de fait permettant sa compréhension à sa seule lecture, la circonstance que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales n'aient pas été citées étant sans incidence sur le caractère motivé de la décision. Enfin, si le préfet n'a pas explicité pourquoi il considérait que le lien de filiation entre Mme D... et Mme C... A... n'était pas établi, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne constitue pas le motif opposé à la demande de regroupement familial et est par suite sans influence sur le caractère motivé de la décision attaquée. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation devra être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France au cours de l'année 2009 dans le cadre d'un regroupement familial avant de bénéficier d'une carte de résident valable à compter du 26 mars 2010. Il est en outre constant que sa fille Mme C... A... est alors restée au Cameroun. Ainsi, Mme D... a donc vécu séparée de sa fille à tout le moins depuis l'année 2009, ayant fait le choix de bénéficier d'une procédure de regroupement familial pour elle et deux autres de ses filles. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations précitées.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 29 juin 2020.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 2104189 du 11 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0343302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03433
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GUILBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;23nt03433 ?
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