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02/05/2024 | FRANCE | N°22NT01149

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 02 mai 2024, 22NT01149


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2022, 9 septembre 2022, 7 février 2023, 7 mars 2023 et 21 avril 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association Berzoc'h vent debout, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, M. B... C..., M. D... C... et M. A... H..., représentés par Me Monamy demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 13 décembre 2021 portant

autorisation environnementale pour l'installation de 6 éoliennes et un poste de livraison sur la commune ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2022, 9 septembre 2022, 7 février 2023, 7 mars 2023 et 21 avril 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association Berzoc'h vent debout, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, M. B... C..., M. D... C... et M. A... H..., représentés par Me Monamy demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 13 décembre 2021 portant autorisation environnementale pour l'installation de 6 éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Sainte-Tréphine ;

2°) en cas d'annulation partielle de l'arrêté et/ou de sursis à statuer, de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'arrêté avec toutes conséquence de droit ;

3°) de condamner l'Etat et la société SE Kernebet à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- tant l'association Berzoc'h vent debout que la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et MM. H... et C... ont intérêt à agir ;

- les stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus ont été méconnues ; la convention d'Aarhus s'applique aux autorisations relatives à la mise en service d'un parc éolien ; les élus, les habitants des territoires concernés et les associations de riverains et de protection de l'environnement n'ont pas été mis à même de débattre avec le porteur du projet ; cette irrégularité substantielle a privé le public de la garantie de pouvoir participer activement au processus décisionnel et a pu influencer le sens de la décision prise par le préfet ; la seule participation du public au titre de l'enquête publique ne peut suffire à regarder comme respectées les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus qui sont d'application directe ;

- le signataire de l'avis donné au nom du ministre chargé de l'aviation civile n'était pas compétent ; l'arrêté du 13 septembre 2017 modifié en février et avril 2018 a été abrogé par un arrêté du 21 décembre 2018, lequel n'était plus en vigueur non plus à la date de l'accord du 9 avril 2020 ; aucun accord tacite n'est intervenu ;

- les dispositions de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ont été méconnues ; aucun document attestant de la maîtrise foncière par la société pétitionnaire SE Kernebet de l'ensemble de ces parcelles et chemins impactés par le projet n'a été fourni ; le dossier est incomplet et cette irrégularité a privé les propriétaires concernés par le projet litigieux de la possibilité d'autoriser l'occupation ou le survol de leurs parcelles par les installations ; la clause de prorogation automatique mentionnée dans certains actes ne s'applique pas à l'autorisation environnementale ; aucun preuve de la substitution de la société SE Kernebet à la société Parc éolien de Sainte-Tréphine n'est apportée ; la délibération du 27 mars 2013 du conseil municipal de Sainte Tréphine concerne une autre société et non la société pétitionnaire ; il n'est pas établi que des modifications sollicitées par le promoteur auprès du préfet des Côtes-d'Armor auraient été acceptées et auraient fait l'objet d'un nouvel arrêté préfectoral ;

- les dispositions du 11° du I de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement ont été méconnues ; les pièces ne permettent pas de vérifier que les signataires des contrats en qualité de propriétaires seraient les seuls propriétaires des parcelles objets des contrats, faute pour ces documents d'être accompagnés de relevés de propriété ; l'ensemble des propriétaires concernés n'ont pas été consultés et notamment ceux dont les parcelles supporteront les câbles électriques enterrés ; le dossier est ainsi incomplet et cette irrégularité a privé les propriétaires concernés par le projet litigieux de la possibilité d'autoriser que leurs parcelles soit occupées et/ou survolées par les installations ;

- l'étude d'impact présente plusieurs insuffisances : s'agissant de l'analyse paysagère, les auteurs n'ont pas pris soin de mentionner pour chaque photomontage les coordonnées GPS du lieu de prise de vue des clichés ainsi que les références des éoliennes ; les photomontages sont d'un format trop petit et ne respectent pas les recommandations de la préfecture de Côte-d'Or en matière de photomontages utilisés dans les dossiers éoliens de décembre 2013 ; les points de vue retenus ne sont pas toujours les plus pertinents ; s'agissant de l'étude écologique, le volet chiroptérologique est insuffisant ; aucune écoute en hauteur n'a été réalisée alors que le service instructeur avait demandé au promoteur, en septembre 2020, de compléter son dossier sur ce point, les sorties pour évaluer l'activité au sol ont été trop peu nombreuses et ont porté sur une période trop restreinte et l'ensemble des zones de comptage n'a pas été prospecté à chaque sortie ; les impacts du projet sur les chauves-souris ont été sous-estimés ; le volet avifaunistique est insuffisant faute de précisions apportées sur les conditions de réalisation des prospections à chaque sortie ;

- le service ayant élaboré l'avis de l'autorité environnementale n'est ni indépendant ni autonome : les dispositions du 2ème alinéa de l'article 15 du règlement intérieur du Conseil général de l'environnement et du développement durable méconnaissent les articles R. 122-24 du code de l'environnement et 3 du décret du 2 octobre 2015 ; en tout état de cause, il n'est pas établi que l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale a été préparé par le service d'appui à la mission régionale d'autorité environnementale ou, à tout le moins, par un service distinct de celui auquel les agents chargés de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale appartiennent ; la convention conclue le 7 juillet 2016 entre la mission régionale d'autorité environnementale de la région Bretagne et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de cette région méconnait les articles R. 122-24 du code de l'environnement, 3 du décret précité du 2 octobre 2015 et, le cas échéant, 15 du règlement intérieur du Conseil général de l'environnement et du développement durable ;

- la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers des Côtes-d'Armor n'a pas été consultée ;

- les conseils municipaux et communautaires des communes et groupements de communes intéressés n'ont pas été consultés régulièrement : les communes de Bon-Repos-sur-Blavet, Gouarec, Canihuel, Lanrivain, Plounévez-Quintin et Plussulien et les communautés communauté de communes Kreiz Breizh et Loudéac Communauté - Bretagne Centre n'ont pas été consultées ; les cinq communes consultées à l'occasion de l'enquête publique ne se ont pas vues transmettre de note explicative de synthèse ; le conseil municipal de la commune de

Sainte-Tréphine a délibéré trois jours seulement après la date de convocation des élus ce qui est insuffisant ; il en va de même des conseillers municipaux de la commune de Plélauff ;

- le rapport, les conclusions et l'avis du commissaire enquêteur présentent des irrégularités : l'ensemble des remarques du public n'a pas été retranscrit et examiné par le commissaire enquêteur ; le commissaire enquêteur n'a pas émis d'avis personnel sur plusieurs points ; ses conclusions sont insuffisamment motivées s'agissant de la question de l'atteinte aux paysages et au patrimoine et celle de la saturation visuelle ; l'irrégularité du rapport du commissaire enquêteur a privé les personnes ayant formulé des observations d'une garantie et est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise par le préfet ;

- les capacités financières du pétitionnaire sont insuffisantes : aucun engagement de l'actionnaire de la société S.E. Kernebet n'est produit, ni aucune information sur ses capacités financières ; de plus, l'actionnaire principal a changé (Hexagon SA) et aucune information n'est donnée sur ses capacités financières et sur son engagement ;

- les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement ont été méconnues : les éoliennes E1, E3, E4, E5 et E6 se trouvent en bout pale à moins de 500 mères des habitations les plus proches ; eu égard à la proximité immédiate des habitations, au risque d'émergence acoustique en période nocturne et au risque stroboscopique, la limite aurait dû être fixée au moins à 1000 mètres en application du dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code l'environnement ;

- le montant des garanties de démantèlement est insuffisant et aurait dû être fixé à

341 250 euros ;

- sur l'atteinte portée aux chiroptères : la pipistrelle a été identifiée comme étant particulièrement présente sur le site ; la garde au sol des éoliennes prévues est très faible et inférieure aux recommandations des experts naturalistes ; les mesures de bridage proposées sont insuffisantes dès lors qu'elles ne prescrivent pas l'arrêt des machines toutes les nuits tout au long de la période d'activité des chauves-souris ; les modifications proposées par la société tendant à augmenter la garde au sol de certaines éoliennes et à uniformiser le diamètre des rotors à

126 mètres aggraveraient globalement les risques de mortalité pour les chiroptères ;

- sur l'atteinte portée aux paysages : le projet contesté est de nature à porter atteinte aux paysages dans lesquels il doit être implanté et à dénaturer le cadre rural et naturel du bourg et des hameaux de Sainte-Tréphine qui parsèment ce secteur agricole préservé ; les mesures de réduction retenues dans l'arrêté attaqué sont insuffisantes ;

- les prescriptions de surveillance de l'avifaune sont insuffisamment précises pour permettre d'assurer la préservation des intérêts protégés par l'article L.511-1 du code de l'environnement ;

- une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats aurait dû être présentée au titre de l'avifaune, eu égard à la présence de la buse variable et du faucon crécerelle ; s'agissant des chiroptères, une dérogation aurait dû être sollicitée pour la Pipistrelle de Nathusius, la Sérotine commune et, dans une moindre mesure, pour la Pipistrelle commune et de la Pipistrelle de Kuhl ; s'agissant des habitats : l'arrêté impose la destruction d'habitats et engendre une perturbation intentionnelle ;

- aucune compensation n'est prévue dans l'arrêté attaqué s'agissant des atteintes aux chauves-souris, aux oiseaux et aux habitats.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2022 et le 4 avril 2023, la société SE Kernebet et la société SAS Parc éolien de Sainte Tréphine concluent :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour retiendrait un ou plusieurs moyens d'illégalité, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L.181-18 du code de l'environnement, en prononçant un sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai fixé pour la régularisation de l'autorisation environnementale ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Association " Berzoc'h Vent Debout ", de la Société pour la Protection du Paysage et de l'Esthétique de la France, de M. B... C..., de M. D... C... et de M. A... H..., une somme de 3.000 euros, à verser chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens ne sont pas fondés et dans l'hypothèse où un des moyens d'illégalité soulevé par les requérants serait retenu, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement en prononçant un sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai fixé pour la régularisation de l'autorisation environnementale.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les associations requérantes et les personnes physiques requérantes n'ont pas intérêt à agir, que les interventions ne doivent pas être admises et que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 ;

- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté modifié du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Gargam représentant l'association " Berzoc'h vent debout " et autres et les observations de Me Le Boulch représentant la société SE Kernebet et la société parc éolien de Sainte Tréphine.

Considérant ce qui suit :

1. Un premier projet de Parc éolien a été développé par la société du parc éolien de Sainte Tréphine pour l'édification de six aérogénérateurs d'une puissance totale de 9,6 MW sur le territoire de la commune de Sainte-Tréphine. Le permis de construire autorisant la réalisation de ce projet a été délivré par arrêté préfectoral en date du 24 février 2015. Le recours contre cette décision a été rejeté en dernier lieu par un arrêt du Conseil d'État du 30 décembre 2020. La Société SE Kernebet a finalement renoncé au bénéfice de ce permis de construire et a déposé, le 5 décembre 2019, une demande d'autorisation environnementale pour l'implantation sur la commune de Sainte-Tréphine de six éoliennes et un poste de livraison. Par un arrêté du 13 décembre 2021, le préfet des cotes d'Armor a délivré l'autorisation environnementale sollicitée. C'est la décision attaquée par l'association " Berzoc'h vent debout " et autres.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la méconnaissance de la convention d'Aarhus :

2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention d'Aarhus relatif à la " participation du public aux décisions relatives à des activités particulières " : " Chaque partie : a) applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I; (...) ". L'annexe I à cette convention fixant la liste des activités visées au paragraphe 1 a) de l'article 6 mentionne en son point 20 : " Toute activité non visée aux paragraphes 1 à 19 ci-dessus pour laquelle la participation du public est prévue dans le cadre d'une procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement conformément à la législation nationale. ". Aux termes du quatrième paragraphe de l'article 6 : " Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". D'une part, les éoliennes terrestres, compte tenu du régime d'autorisation qui leur est applicable entrent dans le champ d'application matériel défini au paragraphe 1 a) de l'article 6 combiné à l'annexe I, au titre de la clause balai définie au paragraphe 20 de cette annexe. D'autre part, les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

3. Il résulte de l'instruction que plusieurs réunions ont été organisées entre les élus locaux, les services de l'Etat en 2010. Puis en 2011, quatre scénarios d'implantation ont été présentés aux conseils municipaux des communes de Sainte Tréphine, de Saint G... du Pélem et des brochures d'information ont été distribuées dans les boites aux lettres des habitants des communes de Sainte-Tréphine et de Saint-Nicolas-du-Pélem. Une permanence a été tenue le 7 mai 2011 à la mairie de Sainte-Tréphine puis le 13 mai 2011 à la mairie de Saint-Nicolas-du-Pélem. Le scénario final a été présenté le 4 mars 2013 lors d'une réunion du Conseil Municipal de Sainte-Tréphine puis une permanence a été assurée les 14 et 15 juin 2013 dans les mairies de Saint-Nicolas-du-Pélem et de Sainte-Tréphine. A l'automne 2013 dans l'ensemble des boites aux lettres des communes de Sainte-Tréphine et Saint-Nicolas-du-Pélem, une brochure d'information, présentant le scénario retenu pour le projet éolien, et répondant aux principales questions sur l'éolien a été distribuée. Le 27 mars 2017, une réunion a eu lieu avec le maire et les parties prenantes du projet de parc éolien de Sainte-Tréphine. A ce stade de la procédure, la demande d'autorisation n'ayant pas même été déposée, toutes les options étaient encore possibles et ont été présentées au public, lequel a eu la possibilité de présenter des observations notamment au cours des permanences tenues en mai 2011 et juin 2013.

4. En outre, au cours de l'enquête publique, le public a été mis à même de s'exprimer sur le projet proposé par la société pétitionnaire, à un stade de la procédure où le préfet des côtes d'Armor pouvait apporter toute modification utile au projet, y compris des prescriptions complémentaires, au vu notamment des observations et avis du public. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis émis par le ministre chargé de l'aviation civile :

5. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile (...) / Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois. / (...) " Par un arrêté du 18 mars 2019, le directeur général de l'aviation civile a donné délégation à M. G... E..., ingénieur des travaux publics de l'État, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, dans la limite de ses attributions, " tous actes, arrêtés, décisions (...) ". Par suite, M. G... E..., adjoint au chef de département ouest du service national d'ingénierie aéroportuaire de la direction générale de l'aviation civile, était compétent pour signer, au nom du ministre chargé de l'aviation civile, l'avis émis le 29 mars 2019 sur le projet d'arrêté contesté.

En ce qui concerne l'accord des propriétaires et le caractère complet du dossier de demande :

6. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants (...) 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit ; (...) ".

7. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'enregistrement d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation environnementale au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier de la demande d'autorisation ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

8. Il résulte de l'instruction que le dossier demande d'autorisation comportait un volet relatif à la maîtrise foncière. Les parcelles concernées par l'implantation ou le survol des six éoliennes autorisées ont fait l'objet de protocoles conclus le 5 septembre 2016, le 30 août 2016 et le 31 août 2016 portant sur des baux emphytéotiques et la constitution de servitudes entre le parc éolien de Sainte Tréphine et les propriétaires fonciers et exploitant des parcelles ZC33, ZC8, ZC 58, ZH 21, ZH 31 et ZH 45. Ces protocoles comportaient une clause de prorogation automatique ainsi qu'une clause de substitution et demeuraient donc valides à la date de la délivrance de l'autorisation environnementale le 13 décembre 2021. Il résulte aussi de l'instruction qu'à la suite d'un porter à connaissance déposé le 12 avril 2022, l'implantation des éoliennes E1, E3, E5 et E6 a été modifié permettant d'éviter le survol des parcelles ZC6, ZH 32 et ZH 23. Par suite, seules les parcelles ZC33, ZC8 ZC 58, ZH 21, ZH 31 et ZH 45 sont concernées par l'implantation ou le survol des éoliennes autorisées. Les appelants ne sont donc pas fondés à soutenir qu'aucun élément attestant de la maitrise foncière des parcelles concernées par l'implantation ou le survol des éoliennes autorisées ne figurait au projet, ni que la validité des protocoles conclus ne pourrait être prorogée automatiquement au motif qu'ils ne viseraient pas l'autorisation environnementale en litige, qui n'existait pas au moment de la conclusion des protocoles. Les appelants ne contestent pas davantage sérieusement le fait que la société SE Kernebet se soit substituée à la société parc éolien de Sainte Tréphine. En outre, la circonstance que le représentant du GFA de la Chêneraie n'ait pas été mentionné n'est pas de nature à ôter toute valeur au protocole conclu.

9. Par ailleurs, les câbles destinés à raccorder les éoliennes entre elles ou au poste de livraison, qui permettent d'acheminer l'électricité produite vers le réseau public de distribution, sont souterrains et ne constitue donc pas des constructions au sens des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme. Enfin, l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Sont (...) dispensés de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature, les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu'ils sont souterrains. ". La société pétitionnaire n'était donc pas tenue de solliciter l'autorisation de la commune pour permettre le passage de ces câbles électriques.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen relatif à l'absence d'accord des propriétaires doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne l'avis des propriétaires :

11. Aux termes de l'article D. 181-5-2 du code de l'environnement : " (...) I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 11° Pour les installations à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le pétitionnaire, (...) sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le pétitionnaire ; (...) ".

12. Si les appelants soutiennent qu'il n'est pas possible de s'assurer que l'ensemble des propriétaires concernés ont été consultés, faute de relevé de propriété dans le dossier de demande d'autorisation, un tel relevé de propriété n'avait pas à être obligatoirement produit au soutien de la demande d'autorisation unique. Il ne résulte pas de l'instruction que l'ensemble des propriétaires concernés n'auraient pas donné leur accord aux conditions de remise en état.

13. Par ailleurs, en prévoyant, à l'article R. 515-106 du code de l'environnement, qu'un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe les conditions techniques de remise en état d'un site après exploitation, le pouvoir règlementaire a nécessairement entendu confier à ce ministre le soin de fixer, par arrêté, l'ensemble des conditions de réalisation des opérations mentionnées à cet article, ce qui inclut la détermination des modalités des opérations de démantèlement et de remise en état. L'arrêté du 26 août 2011, qui a été pris conformément à l'habilitation ainsi donnée au ministre chargé de l'environnement, s'est borné à préciser l'étendue des obligations de démantèlement et de remise en état des parcs éoliens pesant sur l'exploitant, lesquelles n'exigeaient en aucun cas la suppression de l'ensemble du réseau électrique. Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à soutenir qu'en se bornant à imposer, à l'article 1er de l'arrêté du 26 août 2011, le démantèlement des câbles dans un rayon de dix mètres autour des aérogénérateurs et des postes de livraison, le ministre chargé de l'environnement aurait méconnu les dispositions de l'article R. 515-106 du code de l'environnement. Par suite, le dossier de demande n'avait pas à comporter un engagement de démantèlement excédant ces dispositions et l'avis des propriétaires dont les terrains supportent uniquement des câbles enterrés. Le moyen doit par conséquent être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

14. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : (...) / 5° Soit, lorsque la demande se rapporte à un projet soumis à évaluation environnementale, l'étude d'impact réalisée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3-1, s'il y a lieu actualisée dans les conditions prévues par le III de l'article L. 122-1-1, soit, dans les autres cas, l'étude d'incidence environnementale prévue par l'article R. 181-14 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage (...) ".

15. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant de l'étude paysagère :

16. Les requérants soutiennent que les auteurs n'ont pas pris soin de mentionner pour chaque photomontage les coordonnées GPS du lieu de prise de vue des clichés et les références des éoliennes projetées. Ils ajoutent que les photomontages sont d'un format trop petit et ne respectent pas les recommandations de la préfecture de Côte-d'Or en matière de photomontages utilisés dans les dossiers éoliens de décembre 2013. Enfin, ils font valoir que les points de vue retenus ne sont pas toujours les plus pertinents et que la réalisation des photomontages ne permet pas d'apprécier l'impact réel des éoliennes autorisées par la décision attaquée.

17. Il résulte de l'étude d'impact que celle-ci comprend en annexe, une analyse paysagère illustrée par 36 photomontages, la méthodologie y étant précisée et les localisations des points de vue ayant été choisies en concertation avec le paysagiste. En outre, chacun des photomontages est illustré par une carte montrant l'angle de prise de vue et sur laquelle sont aussi précisé la distance de l'éolienne la plus proche, celle de la plus éloignée, l'altitude de la prise de vue et la date de la prise de vue. Cette analyse paysagère a été complétée à la suite de la demande de la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement (DREAL) par 7 nouveaux photomontages.

18. Les recommandations figurant dans les documents, tels que des guides méthodologiques, élaborés par l'administration à destination des publics concernés, sont par

elles-mêmes dépourvues de toute portée normative. Par suite, la circonstance alléguée que les photomontages que comporte l'étude d'impact ne seraient pas conformes aux recommandations émises par la préfecture de Côte-d'Or en matière de photomontages utilisés dans les dossiers éoliens, est sans incidence sur l'appréciation qu'il convient de porter sur le contenu de l'étude d'impact.

19. Si les appelants ont produit un carnet de photomontage alternatif réalisé par un photographe, M. F... sur lequel les éoliennes apparaissent plus visibles sur certains clichés, ou si certains points de vue ont pu apparaître plus représentatifs, la comparaison de ce carnet de photomontages avec celui contenu dans l'étude paysagère ne fait pas ressortir de disparité flagrante entre ces deux documents. Il ne résulte donc pas de l'examen de l'étude paysagère que le format des photomontages qui y figurent serait trop réduit pour permettre d'apprécier correctement l'impact du projet sur le paysage environnant alors même que les appelants soutiennent que les points de vue retenus ne sont pas toujours pertinents. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de réalisation des photomontages auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

S'agissant de l'étude chiroptérologique :

20. Il résulte de l'instruction que dans son volet consacré à l'état initial du site, l'étude d'impact a recensé la présence sur le site d'étude, réparti en 10 zones, de neuf espèces dont trois espèces dominantes (la Pipistrelle commune, l'ensemble Pipistrelle de Kuhl / Pipistrelle de Nathusius et la Sérotine commune) puis, dans une moindre mesure, la barbastelle, trois espèces probables de murins et un contact d'un petit rhinolophe. Les niveaux d'activité ont été appréciés suivant que les différentes zones étudiées présentent un habitat favorable aux chiroptères. Cet inventaire a été réalisé après huit nuits de prospection entre juin et octobre 2018 puis entre mai et juin 2019, et a été, complété par une recherche bibliographique ainsi que par la consultation des organismes référents à l'échelle départementale. Il n'a pas été mis en place sur le site de détecteurs automatiques fixes et l'analyse a été effectuée avec un détecteur mobile à la belle saison afin de correspondre, le plus possible, aux recommandations Eurobats.

21. Si les appelants soutiennent que cette étude est insuffisante dès lors qu'aucune écoute en hauteur n'a été réalisée alors que le service instructeur avait demandé au promoteur, en septembre 2020, de compléter son dossier sur ce point, que les sorties pour évaluer l'activité au sol ont été trop peu nombreuses sur une période trop restreinte et réalisées sur une partie seulement des points d'écoute à chaque sortie, il résulte de l'instruction que les mesures mises en place ont permis d'évaluer les niveaux d'activité chiroptérologique par espèce à chaque point d'écoute et de déterminer les risques existants au niveau de chaque éolienne pour chacune des espèces détectées. En outre, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation n'est pas une zone de sensibilité particulière pour les chiroptères, aucun gîte d'importance, ni aucune zone humide n'étant situé à proximité. Enfin, si l'autorité environnementale a indiqué que la description de l'état actuel de l'environnement présentait quelques lacunes sur le recensement des chauves-souris et a regretté l'absence de mise en place de détecteurs automatiques fixes, elle a simplement recommandé de prévoir des mesures correctives en cas de mortalité constatée d'oiseaux ou de chauve-souris, et n'a pas prescrit de complément, notamment la réalisation d'écoutes en hauteur.

S'agissant de l'étude avifaunistique :

22. La circonstance que les horaires des sorties sur le terrain, les horaires des écoutes à chaque point d'écoute, les tracés des transects et horaires correspondants, les conditions météorologiques précises telles que la température et la direction du vent ainsi que les résultats bruts des écoutes n'aient pas été précisés dans l'étude sur l'avifaune n'est pas suffisante pour établir l'insuffisance de l'étude.

En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :

23. Selon le dernier alinéa de l'article 3 du décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable : " Dans chaque région, la mission régionale bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement dans les conditions fixées à l'article R. 122-24 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article R. 122-24 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Dans chaque région, la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement selon les modalités prévues aux articles R. 122-17 et suivants du présent code et R. 104-19 et suivants du code de l'urbanisme. Pour l'exercice de cet appui, par dérogation à l'article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, (...), les agents de ce service sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale ".

24. D'une part, les appelants soutiennent que l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale n'a pas été émis par un service autonome en se prévalant de l'article 15 du règlement intérieur du Conseil général de l'environnement et du développement durable approuvé par l'arrêté du 12 mai 2016 du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, qui dispose que " Les projets d'avis et de décision sont préparés et transmis à la MRAE par la direction du service régional de l'environnement ", et de l'article 19 du même règlement, qui prévoit que " le service régional de l'environnement peut être invité à présenter certains dossiers devant la MRAE ".

25. Toutefois, ces dispositions du règlement intérieur approuvé par un arrêté ministériel n'ont pas eu pour objet ou pour effet de déroger à une règle fixée par un décret en Conseil d'État figurant dans la partie réglementaire du code de l'environnement. En tout état de cause, le même article 15 prévoit que le président de la mission régionale de l'autorité environnementale conclut avec le directeur du service régional de l'environnement une convention définissant les modalités selon lesquelles, sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission, celle-ci est informée des dossiers déposés, le niveau d'enjeu des dossiers est défini et certains agents du service régional de l'environnement préparent et, le cas échéant, présentent les documents sur lesquels la mission a vocation à délibérer, éventuellement après modification, dans le respect du principe de séparation fonctionnelle. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces articles 15 et 19, qui organisent les modalités de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement, méconnaissent les dispositions citées au point 22 doit être écarté.

26. D'autre part, Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation a été instruite, pour le compte du préfet des côtes d'Armor, par l'unité départementale des côtes d'Armor de la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement (DREAL) de Bretagne. La société pétitionnaire fait valoir, en produisant au dossier une convention de 2016 conclue entre la MRAe de la région Bretagne et la DREAL Bretagne, que l'avis de la MRAe aurait dû être préparé, au sein de la DREAL, uniquement par le département " évaluation environnementale ", qui a spécifiquement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales et correspond au service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement. S'il résulte de cette convention que des agents du département " évaluation environnementale " ont bien été placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la MRAe pour préparer les avis de l'autorité environnementale, la même convention mentionne que les directeurs régionaux adjoints, le chef du service connaissance, prospective et évaluation et son adjoint ainsi que les assistantes secrétaires du service COprev de la DREAL sont également visés comme faisant partie des personnels placée sous l'autorité fonctionnelle de la présidente de la MRAe. Par suite, et en raison de l'existence de l'autorité fonctionnelle ainsi définie, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les agents de la DREAL ayant été placés au service de la MRAe de Bretagne par l'effet de cette convention ne disposeraient pas d'une autonomie réelle au sens de la directive 13 décembre 2011, des articles

R. 122-24 du code de l'environnement, 3 du décret du 2 octobre 2015 et 15 du règlement intérieur du conseil général de l'environnement et du développement durable.

En ce qui concerne l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers des Côtes-d'Armor :

27. Aux termes de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : [...]12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ;[...] ". Ces dispositions ne prévoient pas la consultation de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et n'impliquent aucunement que la société pétitionnaire produise au stade de sa demande d'autorisation environnementale l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers mentionnés à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable, auquel l'article L.111-5 du code de l'urbanisme renvoie. En tout état de cause, les requérants n'établissent ni même n'allèguent que l'importance de l'emprise des éoliennes autorisées sur les parcelles agricoles concernées serait telle que le défaut d'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers aurait pu exercer la moindre influence sur le sens de la décision prise ou les priver d'une garantie.

En ce qui concerne la consultation des communes et groupements de commune concernés par le projet :

28. D'une part, aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement : " Dès le début de la phase de consultation du public, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 ou au I de l'article R. 123-46-1 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire (...) ". Aux termes du III de l'article R. 123-11 du même code : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne le ou les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet ainsi que celles dont le territoire est susceptible d'être affecté par le projet (...) ".

29. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. / Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ". En vertu de l'article L. 5211-1 du même code, ces dispositions sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale.

30. En premier lieu, il est constant que les communes Canihuel, Sainte-Tréphine, Saint Igeaux, Saint-Nicolas-du Pelem, Plounevez Quintin, Plussulien, Plouguernével, Plélauff, Lanrivain, Bon repos sur Blavet, Gouarec et la Communauté de communes du Kreiz Breizh devaient être consultées en application des articles R. 123-11 et R. 181-38 du code de l'environnement. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport du commissaire-enquêteur que ces communes et communauté de communes ont été sollicitées pour émettre leur avis. Par suite, et alors que les appelants ne versent aux débats aucun élément ou document permettant de remettre en cause les informations figurant dans le rapport du commissaire enquêteur, la circonstance que les communes Bon-Repos-sur-Blavet, Gouarec, Canihuel, Lanrivain, Plounevez-Quintin, Plussulien et la Communauté de communes du Kreiz Breizh n'aient pas délibéré sur le projet n'est pas de nature à établir que le préfet ne les a pas invitées à le faire.

31. En second lieu, s'agissant des communes de Plélauff, Plouguernével, Saint-Nicolas-du Pélem, Saint-Ygeaux et Sainte-Tréphine, dont les conseils municipaux ont délibéré sur le projet, il est constant qu'aucune de ces communes ne comprend une population supérieure à

3500 habitants. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à invoquer une méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales qui ont vocation à s'appliquer aux communes de plus de 3500 habitants.

En ce qui concerne l'avis du commissaire enquêteur :

32. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

33. Il appartient au commissaire-enquêteur, après avoir examiné l'ensemble des observations recueillies, mais sans être tenu de répondre à chacune d'entre elles, ainsi qu'après avoir apprécié les avantages et inconvénients de l'opération, d'indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

34. Il résulte de l'instruction que le commissaire-enquêteur a présenté un rapport, le 15 novembre, qui relate le déroulement de l'enquête publique, autorisée par arrêté du 4 aout 2021 et qui s'est tenue du 15 septembre 2021 au 15 octobre 2021. Le document analyse les observations du public et mentionne les motifs d'opposition des habitants. Il indique notamment que 15 observations dématérialisées et 9 observations sur le registre papier ont été régulièrement formulées et liste les sujets abordés par ces contributions. Ses conclusions, contenues dans un document séparé, développent de manière circonstanciée les éléments ayant conduit le commissaire enquêteur qui n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête à émettre un avis favorable sur le projet de réalisation, par le pétitionnaire, d'un parc éolien de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison sous réserve de la production d'un plan figuratif démontrant que la distance minimale par rapport aux habitations est respectée.

En ce qui concerne les capacités financières :

35. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. " Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ; / (...). ".

36. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article

L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin. Il en résulte qu'il convient de faire application des dispositions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement, issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 pour apprécier les conditions de fond relatives aux capacités financières de l'exploitant.

37. En l'espèce, le dossier de demande d'autorisation d'exploiter précisait que la société S.E Kernebet, détenue à 100 % par la société anonyme Green Electricity Master Invest III

(" GEMI3 ") serait entièrement gérée par la société TTR Energy et que s'agissant des modalités de financement du projet, la société Kernebet prévoyait de faire appel aux capacités financières de l'actionnaire à hauteur de 15% en fonds propres et à la dette bancaire sans recours d'une durée de 15 ans sur la base de la rentabilité du projet auprès d'établissements bancaires, la société gestionnaire TTR ayant une capacité à lever des fonds auprès du marché bancaire, notamment auprès de Banque Degroof Petercam.

38. Il résulte également l'instruction qu'une déclaration de changement d'exploitant a été reçue par la préfecture des cotes d'Armor le 20 février 2023 au profit de la SAS Parc éolien de Sainte-Tréphine, société détenue à 100 % par la société Hexagon Renewable energy S.A, au capital de 148 710 000 euros, dont l'administrateur unique est la société belge TTR Management S.A, détenue à 100 % par TTR Energy. Il ressort de cette déclaration et des documents qui y sont annexés que la société Hexagon dispose d'environ 149 millions d'euros de fonds propres, que le mode financement du parc éolien, d'un cout d'environ 17 millions d'euros reste inchangé, 15% étant supportés par l'actionnaire et 85 % par un recours à l'emprunt bancaire. Dans ces conditions, les éléments figurant au dossier permettent de s'assurer de la pertinence des modalités selon lesquelles la société pétitionnaire entend disposer de capacités financières suffisantes pour assurer le financement du projet litigieux.

En ce qui concerne l'éloignement des habitations :

39. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " (...) La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi, appréciée au regard de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres (...) ". Cette distance est mesurée, d'après l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 22 juin 2020 portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur.

40. Les dispositions de l'article L. 515-44 ci-dessus reproduites n'exigent pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, que la distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation soit mesurée à partir de l'extrémité des pâles. Par suite, ils ne sont pas fondés à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011, en ce qu'elles prévoient que cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur et que les éoliennes E1, E3, E4, E5 et E6 seraient en réalité situées à moins de 500 mètres des habitations.

41. Par ailleurs, et dès lors qu'aucune éolienne n'est située à moins de 250 m d'un bâtiment à usage de bureaux, aucune étude d'ombre n'avait à être réalisée en application de l'article 5 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux parcs éoliens soumis à autorisation au titre des ICPE. En outre, les appelants ne démontrent aucunement l'existence d'un risque stroboscopique alors que le commissaire enquêteur a pu relever qu'étant donné l'éloignement des éoliennes et des premières zones constructibles, l'impact en termes d'effets stroboscopiques sera extrêmement limité.

42. Enfin, il résulte aussi de l'instruction que les premières habitations sont situées à plus de 506 mètres de l'éolienne la plus proche. Si les appelants soutiennent que l'implantation des aérogénérateurs à proximité immédiate des lieux de vie des riverains est susceptible de profondément modifier leur cadre de vie, il n'apparaît toutefois pas que les seuils règlementaires d'émergence sonore prévus par l'arrêté du 26 août 2011, en particulier son article 26, seraient dépassés ni que le fonctionnement des éoliennes affecterait spécialement la santé des habitants. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il appartenait au préfet en application du dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, en tout état de cause, de fixer une distance d'éloignement par rapport aux habitations plus conséquente que celle que le pétitionnaire a prévue, à savoir une distance d'au moins 1.000 mètres pour réduire les nuisances tant visuelles qu'acoustiques.

En ce qui concerne les garanties financières de démantèlement :

43. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation ". Les articles 30 à 32 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 11 juillet 2023 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 et entré en vigueur le 20 juillet 2023, précisent ces dispositions. En vertu du II de l'annexe I à cet arrêté, auquel renvoie l'article 30, le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur est égal au nombre d'éoliennes multiplié par le coût unitaire d'un aérogénérateur qui varie selon la puissance de l'éolienne. Celui-ci s'établit à 75 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 MW. Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est calculé selon la formule définie par le b) du II de cette annexe selon laquelle : " Cu = 75 000 + 25 000 * (P-2) où : - Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur ; - P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW). "

44. Il résulte de l'instruction que les aérogénérateurs envisagés dans le porter à connaissance adressé à la préfecture en avril 2022 ayant chacun une puissance supérieure à 2 Mw, la garantie financière pour chaque aérogénérateur doit être fixée en application du II de l'annexe I à l'arrêté du 11 juillet 2023 à 2 x (75 000 + 25 000 × 0,83). Il s'ensuit que le montant de la garantie financière arrêtée par le préfet pour les six aérogénérateurs doit être porté à 574 500 euros.

En ce qui concerne les intérêts protégés par les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement :

45. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 de ce code : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

46. Il résulte de l'instruction que les inventaires réalisés par le bureau d'études missionné par le pétitionnaire font apparaître " une forte activité locale " " du fait de la dominance de zones boisées et de haies en périphérie, mais aussi de la proximité du Blavet au Sud-Ouest considérés comme territoires de chasse et zones de transit ". la MRAe a estimé que les mesures de bridage proposées par la société pétitionnaire étaient insuffisantes à pallier suffisamment au risque de collision alors en outre que la garde au sol des éoliennes projetées s'établissait entre 11 et 36 mètres. L'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement a proposé des mesures de bridage nocturnes du 1er avril au 31 octobre pour l'ensemble de éoliennes, alors que le pétitionnaire n'avait proposé de telles mesures que pour l'éolienne E2, ainsi que la mise en place d'une écoute en altitude afin d'affiner la connaissance sur le comportement des chauves-souris à hauteur de pâles. Les services de l'Etat estiment que la mise en place de ces mesures devrait permettre de ramener l'impact résiduel du parc au niveau " non significatif " sur les chiroptères lors de la phase d'exploitation. Ces recommandations ont été reprises dans l'arrêté attaqué. Par ailleurs, alors que la société pétitionnaire a demandé en avril 2022 un allègement des mesures de bridage imposées par l'arrêté attaqué, il est constant que le préfet a implicitement refusé de faire droit à cette demande. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des mesures imposées dans la décision attaquée, le risque d'atteinte aux chiroptères soit suffisamment caractérisé.

47. En deuxième lieu, s'agissant, de l'atteinte alléguée à la commodité du voisinage, il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à un effet de saturation du paysage, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

48. Il résulte de l'instruction que le parc autorisé se situe dans un paysage de bocage typique, rural et modérément peuplé, dont le relief, la présence d'écrans de végétations vastes et ponctuels et la distance de perception permet d'atténuer les effets. Quelques points hauts du territoire offrent des panoramas sur le parc autorisé et des co-visibilités avec les parcs existants ou monuments patrimoniaux, ainsi que depuis les hameaux proches du site mais l'impact visuel des éoliennes est inexistant depuis les sites à enjeux tels que les plateaux des Monts d'Arrée et les plateaux des Monts du Mené et les distances entre les parcs existants, la topographie et la végétation permettent d'atténuer les effets cumulés et les co-visibilités. Les appelants n'établissent pas par les divers photomontages et photographies qu'ils produisent que les éoliennes auraient un effet de surplomb marqué sur les hameaux les plus proches. Par ailleurs, si l'implantation des éoliennes aura pour effet de générer un angle de perception visuel supplémentaire de 30° depuis le bourg de Sainte Tréphine, l'effet de saturation visuelle demeure néanmoins limité du fait de l'éloignement des autres parcs existants. Ainsi, le projet litigieux ne présente pas d'inconvénients excessifs pour la commodité du voisinage. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que le projet litigieux porterait de manière suffisamment caractérisée une atteinte aux paysages.

En ce qui concerne l'insuffisance des mesures de sauvegarde :

49. Aux termes de l'article L. 181-12 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 181-43 de ce code : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. Lorsque l'autorisation environnementale est accordée dans le cadre d'un projet, au sens de l'article L. 122-1, dont la réalisation incombe à plusieurs maîtres d'ouvrage, le préfet identifie, le cas échéant, dans l'arrêté, les obligations et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation relevant de la responsabilité de chacun des maîtres d'ouvrage. / Il comporte également : (...) / 3° Les moyens d'analyses et de mesures nécessaires au contrôle du projet et à la surveillance de ses effets sur l'environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles les résultats de ces analyses et mesures sont portés à la connaissance de l'inspection de l'environnement (...) ".

50. En premier lieu, en faisant valoir que le préfet aurait dû prévoir une procédure de sauvegarde en cas de constat de mortalité d'espèces d'oiseaux à fort enjeu, impliquant l'arrêt immédiat du parc en cas de constat de cadavre d'un individu d'une de ces espèces, les requérants n'établissent pas l'insuffisance des prescriptions de l'arrêté attaqué, eu égard aux enjeux avifaunistiques, chiroptérologiques aux mesures de prévention et de réduction imposées par l'arrêté. Par ailleurs, ils n'établissent pas plus le caractère imprécis du suivi environnemental prescrit dans l'arrêté attaqué.

51. En deuxième lieu, s'agissant de l'insuffisance des mesures de réduction des impacts paysager consistant en la possible plantation de haies bocagères, les seules circonstances que ces plantations ne soient pas imposées à l'exploitant et que les haies ainsi plantées n'occulteront la vue sur les éoliennes que dans de nombreuses années ne saurait conduire à considérer que ces mesures sont insuffisantes.

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats :

52. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

53. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

54. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

55. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

S'agissant de l'avifaune :

56. Les appelants font valoir qu'une dérogation aurait dû être demandée pour la buse variable et le faucon crécerelle, espèces de rapaces protégées qui sont sédentaires, fréquentent le site d'implantation des futures machines et dont les capacités autorégénératives sont faibles, la population en diminution importante et qui présentent une particulière vulnérabilité au risque de destruction par les éoliennes, les mesures prescrites dans l'arrêté pour pallier aux risques s'avérant insuffisantes.

57. Il résulte de l'instruction que l'étude écologique mentionne que la zone d'étude ne contient pas de milieux particulièrement attractifs pour des populations de migrateurs importantes ou remarquables et que le site d'étude n'est pas une zone remarquable pour l'avifaune migratrice ou hivernante, l'impact global sur l'avifaune étant regardé comme étant de faible à modéré. Il résulte aussi de l'instruction que les rapaces (diurnes et nocturne) présents sur le site ne comprennent que des espèces communes du bocage, que la Buse variable est l'espèce la plus présente sur l'ensemble du site et que le Faucon crécerelle, espèce facilement contactable, est assez peu visible sur le site en période de reproduction et a été plus souvent observé en été. Ces deux espèces ont été observées dans des couloirs de vol en hauteur quoique de manière ponctuelle et plus près du sol pour le faucon crécerelle. Si le risque vis-à-vis de l' éolien pour ces deux espèces est considéré de modéré à assez fort sur le site, eu égard au faible nombre d'individus observés, aux mesures de bridage mises en place, à la minéralisation des plateformes afin, à la mise en place d'un suivi mortalité de l'avifaune et un suivi des peuplements d'oiseaux nicheurs (IPA) au niveau des éoliennes et à la hausse de la garde au sol de éoliennes E 1 et E2 de 11 mètres à 24 mètres, il ne résulte pas de l'instruction que le projet nuirait au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

S'agissant des atteintes alléguées aux chiroptères :

58. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude écologique que l'impact global sera de " faible à modéré " et " modéré " pour les chiroptères que le site (plateau agricole) est une zone essentiellement fréquentée par des espèces communes adaptées aux bocages discontinues (Pipistrelles commune et de Kuhl, Sérotine commune, ponctuellement Barbastelle). À l'opposé, les vallées boisées et humides du Sulon et du Blavet sont des zones plus riches en proies potentielles et en gîtes et sont bien plus favorables aux chiroptères en général, en particulier pour les espèces moins communes comme les Murins et le Petit et grand rhinolophe. Il résulte aussi de l'instruction et notamment du rapport de l'inspection des installations classées du 24 novembre 2021 que grâce aux mesures d'évitement et de réduction prescrites par l'autorisation environnementales contestées, les impacts potentiels du projet sur l'avifaune et les chiroptères peuvent être prévenus et encadrés. Ainsi, pour prévenir les risques d'atteinte aux espèces de chiroptères identifiées dans la zone, l'arrêté attaqué reprend en partie les propositions faites par la société pétitionnaire dans l'étude d'impact et a substantiellement étendu le plan de bridage nocturne proposé par la société pétitioannire. Dans ces conditions, la nature et les effets des mesures d'évitement et de réduction retenues par le projet peuvent être regardées comme présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent d'atténuer le risque pour les espèces protégées concernées à un degré permettant de ne pas y déceler de risque suffisamment caractérisé.

59. Il résulte de ce qui précède que le projet ne présente pas un risque suffisamment caractérisé d'atteinte aux chiroptères justifiant que soit sollicitée une dérogation " espèces protégées ". Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement doit ainsi être écarté.

S'agissant des habitats :

60. concernant les habitats, le traitement des plateformes et de leurs abords ainsi que des pieds d'éoliennes afin de les rendre moins attractifs vis-à-vis des chiroptères et des oiseaux ne saurait s'analyser en une destruction de zones d'alimentation de nature à perturber intentionnellement les oiseaux et les chiroptères protégés.

En ce qui concerne l'absence de mesure de compensation :

61. Il résulte de l'instruction que les mesures prises en vue de la protection de l'avifaune et des chiroptères sont de nature à limiter l'atteinte qui pourrait lui être portée. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet des cotes d'Armor était tenu d'exiger de la société pétitionnaire des mesures compensatoires en vue de diminuer davantage les effets du projet sur l'avifaune et les chiroptères.

62. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont seulement fondés à soutenir que la garantie financière de démantèlement du site est insuffisante et doit être portée à

574 500 euros.

Sur les frais de justice :

63. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'association l'association Berzoc'h vent debout et autres tendant au paiement de frais de justice. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association Berzoc'h vent debout et autres la somme demandée par la S.E Kernebet et la SAS Parc éolien de Sainte-Tréphine.

DECIDE :

Article 1er : La garantie financière de démantèlement R. 515-101 du code d l'environnement est fixée à la somme de 574 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de l'association Berzoc'h vent debout et autres est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la S.E Kernebet et de la SAS Parc éolien de Sainte-Tréphine tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Berzoc'h vent debout" désignée en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet des côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2024.

Le rapporteur,

S. VIÉVILLELe président de chambre,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le greffier,

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT0114902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01149
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;22nt01149 ?
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