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23/04/2024 | FRANCE | N°22NT03929

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 23 avril 2024, 22NT03929


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... C... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du

17 mars 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée), refusant de délivrer à

M. F... B... et aux enfants D... B... et A... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famill

e de réfugiée.



Par un jugement n° 2201867 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du

17 mars 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée), refusant de délivrer à

M. F... B... et aux enfants D... B... et A... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugiée.

Par un jugement n° 2201867 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, en son article 1er, la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer aux enfants D... B... et A... B... les visas de long séjour demandés, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en son article 2, de délivrer les visas demandés dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande, en son article 4.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, Mme E... C... et M. F... B..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer à M. F... B... le visa de long séjour demandé ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. F... B... le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pollono, leur avocate, de la somme de 1 800 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est entachée d'une erreur dans l'appréciation du comportement de M. B... ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il entend se référer à ses écritures de première instance et qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une ordonnance du 30 mars 2023 du président de la cour administrative d'appel de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- et les observations de Me Pollono, représentant Mme C... et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2201867 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé en son article 1er, la décision du 30 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en tant qu'elle refuse de délivrer aux enfants de Mme C..., D... B... et A... B..., les visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en son article 2, de leur délivrer les visas demandés et a rejeté, en son article 4, le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en tant qu'elle refuse de délivrer à M. F... B... le visa demandé. Mme C... et M. B... relèvent appel de l'article 4 du jugement attaqué.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-3 du même code : " La réunification familiale est refusée : / 1° Au membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ou lorsqu'il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile (...). ".

3. Pour s'opposer à la demande de visa présentée par M. F... B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, par référence aux dispositions précitées du 1° de l'article L. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur ce que la présence en France de M. B... constitue une menace pour l'ordre public et sur ce que l'acte de naissance de M. B... a été transcrit tardivement, vingt-sept ans après le prononcé du jugement supplétif et un mois après l'établissement de son passeport, ôtant à ces documents toute valeur probante.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'entretien de Mme C... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 septembre 2019 reconnaissant à Mme C... le statut de réfugié, que l'intéressée, ressortissante guinéenne née le 2 janvier 1990, a épousé M. B... le 19 août 2009. La belle-famille de Mme C... a découvert en 2012 que celle-ci n'était pas excisée et a tenté à plusieurs reprises de la faire exciser contre sa volonté et celle de sa propre famille, laquelle a renoncé à cette pratique à la suite de complications subies par l'une des sœurs de Mme C.... L'intéressée est entrée en France le 11 juillet 2017 avec son mari et sa fille aînée, née le 3 septembre 2012, et alors qu'elle était enceinte de l'enfant E... B..., née le 31 décembre 2017 en France. Il ressort également des pièces du dossier qu'au cours de son séjour en France, elle a appris que sa belle-famille souhaitait exciser sa fille aînée et, selon les propos de Mme C... devant l'officier de protection de l'OFPRA, que son mari " a voulu obéir au souhait de ses parents " de faire exciser ses filles. Il ressort également de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 septembre 2019 que " Mme C... a exposé avec clarté devant la cour ses craintes personnelles envers son époux et sa belle-famille " et que " le décès de son père en 2018, la seule personne qui l'avait préservée de l'excision, a étayé la gravité de la situation dans laquelle elle se trouverait en tant que femme isolée dans un univers favorable à l'excision en cas de retour dans son pays ". Si M. B... soutient qu'il est opposé à la pratique de l'excision en particulier pour ses filles et son épouse, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de ses propres attestations y compris les plus récentes, que les parents de l'intéressé exercent de fortes pressions sur lui en raison notamment de l'importance de la tradition et de la position sociale de la famille, le père de M. B... étant un imam influent dans sa communauté, et que M. B..., lequel se présente lui-même comme un " leader politique " en Guinée, ne peut s'opposer à la volonté de ses parents au risque d'être banni et de " faire honte à toute la communauté ". Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. B... le visa demandé. Il résulte en outre de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.

5. En second lieu, eu égard au motif fondant la décision contestée, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi qu'en tout état de cause celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à M. F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03929
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;22nt03929 ?
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