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23/04/2024 | FRANCE | N°22NT02967

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 23 avril 2024, 22NT02967


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le maire de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) a délivré à M. C... et Mme D... un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 6 lots sur un terrain situé 11 rue de la Ménouriais, la décision du 18 décembre 2020 portant rejet du recours gracieux ainsi que l'arrêté du 2 mars 2021 par lequel le maire de Cesson-Sévigné a délivré à M. C... et Mme

D... un permis d'aménager modificatif.



Par un jugement n° 2101020 du 11 juillet 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le maire de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) a délivré à M. C... et Mme D... un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 6 lots sur un terrain situé 11 rue de la Ménouriais, la décision du 18 décembre 2020 portant rejet du recours gracieux ainsi que l'arrêté du 2 mars 2021 par lequel le maire de Cesson-Sévigné a délivré à M. C... et Mme D... un permis d'aménager modificatif.

Par un jugement n° 2101020 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ainsi que la demande de M. C... et Mme D... présentée, à titre reconventionnel, sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 septembre et 30 novembre 2022, et le 26 janvier 2023, M. et Mme E..., représentés par Me Beguin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés des 22 septembre 2020 et 2 mars 2021 du maire de Cesson-Sévigné, ainsi que sa décision du 18 décembre 2020 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. C... et de Mme D... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cesson-Sévigné, de M. C... et de Mme D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier de demande de permis d'aménager est incomplet ;

- l'arrêté du 22 septembre 2020 méconnait l'article 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes métropole relatif à l'implantation des constructions, l'article 6 relatif à la composition paysagère, l'article 8.1 relatif à la desserte des constructions et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, et l'article 8.2 dudit règlement relatif à la collecte des déchets ménagers ;

- l'arrêté du 2 mars 2021 méconnait l'article 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes métropole relatif à l'implantation des constructions, l'article 6 relatif à la composition paysagère, et l'article 8.2 dudit règlement relatif à la collecte des déchets ménagers ;

- le projet méconnait les articles R. 112-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article L. 350-3 du code de l'environnement, en l'absence de dérogation préalable accordée pour la coupe d'alignements d'arbres ;

- les conditions posées par l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ne sont pas remplies et les préjudices allégués par les époux C... ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Paul, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. et Mme E... ;

2°) subsidiairement, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et de condamner en conséquence M. et Mme E... à leur verser la somme de 40 000 euros sur ce fondement ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par les époux E... ne sont pas fondés ;

- il devait être fait droit à leur demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, dès lors que la requête était irrecevable et pour les motifs exposés dans leur mémoire distinct.

Par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2022 et 13 février 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Paul, demandent à la cour de condamner M. et Mme E... à leur verser la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Ils soutiennent que leur demande est recevable et fondée eu égard au comportement abusif des époux E... et aux préjudices financiers et moraux subis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Cesson-Sévigné, représentée par Me Josselin, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme E... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des époux E... et en l'absence de moyens présentés à l'encontre du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par les époux E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Delagne, substituant Me Beguin, représentant M. et Mme E... et H..., représentant M. et Mme C....

Une note en délibéré, enregistrée le 8 avril 2024, a été présentée pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 septembre 2020, le maire de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) a accordé à M. C... et Mme D... un permis d'aménager un lotissement de 6 lots sur un terrain situé 11 rue de la Ménouriais. Par un courrier du 18 novembre 2020, M. et Mme E... ont saisi le maire d'un recours gracieux qui a été rejeté le 18 décembre 2020. Un permis d'aménager modificatif a été délivré à M. C... et Mme D... le 2 mars 2021. Par un jugement du 11 juillet 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme E... tendant à l'annulation des arrêtés des 22 septembre 2020 et 2 mars 2021 ainsi que de la décision du 18 décembre 2020 rejetant leur recours gracieux. Ce même jugement rejette également la demande de condamnation pécuniaire présentée par M. C... et Mme D... à l'encontre des époux E... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. M. et Mme E... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il rejette leur demande d'annulation des décisions du maire de Cesson-Sévigné. Par des conclusions d'appel incident présentées à titre subsidiaire, M. et Mme C... demandent à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. Par un mémoire distinct, M. et Mme C... demandent également à la cour de condamner les époux E... à leur verser la somme de 40 000 euros sur ce même fondement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal présentées par M. et Mme E... :

2. Lorsqu'un permis d'aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l'absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 441-2 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis d'aménager : (...) / b) Le projet d'aménagement comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 441-3 et R. 441-4. ". Aux termes de l'article R. 441-3 du même code : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; (...) ". Aux termes de l'article R. 441-4 de ce code : " Le projet d'aménagement comprend également : (...) / 2° Un plan coté dans les trois dimensions faisant apparaître la composition d'ensemble du projet et les plantations à conserver ou à créer. ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 442-5 du code de l'urbanisme : " Un projet architectural, paysager et environnemental est joint à la demande. Il tient lieu du projet d'aménagement mentionné au b de l'article R*441-2. (...) " et aux termes de l'article R. 442-6 du même code : " Le dossier de la demande est, s'il y a lieu, complété par les pièces suivantes : / a) Un projet de règlement, s'il est envisagé d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur (...). ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable

6. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis d'aménager présenté par M. et Mme C..., tel que modifié par l'arrêté du 2 mars 2021, comprenait une vue aérienne de la parcelle d'assiette du projet mettant en évidence la présence de nombreux arbres sur le terrain d'assiette du projet et permettant au maire d'apprécier l'impact de celui-ci sur la végétation existante. Ce même dossier comprenait également le projet d'aménagement prévu par les dispositions précitées. Ce document mentionne que " La végétation présente aux abords du site à aménager sera préservée et mise en valeur dans la mesure du possible afin d'assurer l'insertion paysagère du projet ". Le règlement du lotissement joint prévoit également explicitement, en son article 6.1, que " Les arbres existants sont maintenus ou remplacés lorsque la superficie et la configuration de la surface de pleine terre le permet. ". Si des plans figurant dans ce dossier de demande ne représentent pas certains des arbres existants, il s'agit pour l'essentiel de plans destinés à visualiser des hypothèses d'implantation des constructions du lotissement, alors que le plan de composition du lotissement permet d'identifier les arbres maintenus. S'agissant des stationnements, outre leur matérialisation sur le plan de composition du lotissement, le même règlement de lotissement impose de limiter à 20 % l'emprise foncière des stationnements aériens et prévoit leur nombre par lot. Dans ces conditions, et compte tenu de la nature des décisions contestées qui portent sur un permis d'aménagement et non des permis de construire, le moyen tiré du caractère incomplet, insuffisant, imprécis, incohérent ou inexact du dossier de demande de permis d'aménager doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la zone UE3 du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole s'applique " aux maisons isolées le plus souvent sur de grandes parcelles offrant des possibilités de division parcellaire ". Aux termes de l'article 1 " Implantation des constructions " du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole applicable à cette zone : " 1.1 Implantation des constructions par rapport aux voies et emprises ouvertes au public hors cours d'eau et voie ferrée / Règles générales / Les constructions s'implantent en retrait minimal de 5 m par rapport aux voies ou emprises ouvertes au public (*). Règles alternatives : Voir titre IV- Règles littérales applicables à toutes les zones/ 1.2. Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. / Règles générales / Les constructions sont implantées en retrait minimal de 2 m des limites séparatives. / Règles alternatives : Voir titre IV- Règles littérales applicables à toutes les zones. (...)".

8. Il ressort des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

9. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis d'aménager modificatif contesté que le projet de règlement du lotissement, implanté en zone UE3 au plan local d'urbanisme intercommunal, prévoit d'une part en son article 1er que " Le présent règlement (...) vient compléter les règles du plan local d'urbanisme en vigueur, concernant la zone UE3 de la ville de Cesson-Sévigné. (...) En aucun cas il ne se substituera au plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole. " et de l'autre que " l'implantation des constructions se fera à l'intérieur de la zone constructible définie pour chaque lot sur le plan de composition ", lequel prévoit des zones constructibles dans chacun des lots. S'agissant du lot n° 7, la zone constructible ainsi définie est située à plus de 5 mètres de la rue de la Ménouriais dans le respect de l'article 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal. Si pour les lots 6 et 3, en admettant pour ce dernier que la voie de desserte interne du lotissement puisse être regardée comme une voie ou emprise ouverte au public au sens de ce même article 1.1, le périmètre de cette zone est à une distance inférieure à 5 mètres d'une telle voie ou emprise, toutefois, l'autorisation d'aménager contestée ne porte pas autorisation de construire et les constructions ultérieures pourront être autorisées dans des conditions compatibles avec ces règles d'urbanisme intercommunales, eu égard aux dimensions des zones constructibles de chacun de ces lots telles que définies par le plan de composition. Enfin pour les motifs exposés au point 2, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir du plan de composition P4 indice B figurant dans le dossier de permis d'aménager initial, auquel s'est substitué le plan de composition figurant au dossier de permis d'aménager modificatif. En tout état de cause ce premier plan ne délimitait pas de zone constructible au sens du règlement de lotissement précité. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1.1 du plan local d'urbanisme intercommunal doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 intitulé " végétalisation et clôtures " du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole applicable à toutes les zones : " Règles générales / Dans toutes les zones : / Le projet privilégie une composition paysagère dans laquelle les trois strates végétales sont présentes (herbacée, arbustive, arborée). Le projet conserve dans la mesure du possible les plantations existantes en termes de sujet repérés, d'espaces suffisants et de mesures de protection pour assurer leur conservation. (...) Les arbres existants sont maintenus ou remplacés lorsque la superficie et la configuration de la surface de pleine terre (*) le permet. (...) / Dans les zones U et 1AU : Le terrain doit comporter au minimum les normes cumulatives suivantes : / - 1 arbre planté par tranche complète de 200 m² de surface de pleine terre (*). / - Les aires de stationnement des véhicules automobiles doivent faire l'objet d'un traitement paysager d'ensemble, y compris les délaissés. Elles comportent un arbre pour 4 emplacements de stationnement aérien et sont entourées de haies ou plantes arbustives à l'exception des aires de stationnement sur dalle pour lesquelles seul 1 arbre pour 4 emplacements de stationnement est exigé. (...) ".

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, initial comme modifié, de demande de permis d'aménager, et eu égard aux principes rappelés au point 8, que le projet d'aménagement autorisé par le maire de Cesson-Sévigné permettrait une implantation ultérieure de constructions incompatible avec les règles d'urbanisme rappelées au point précédent, dès lors que le règlement du lotissement précité se présente comme complétant le plan local d'urbanisme intercommunal et qu'il devra être vérifié, à l'occasion de la délivrance de chaque permis de construire ultérieur, le respect de ces dispositions. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le dossier de demande de permis d'aménager mentionne également que " La végétation présente aux abords du site à aménager sera préservée et mise en valeur dans la mesure du possible afin d'assurer l'insertion paysagère du projet " et le règlement du lotissement prévoit que " Les arbres existants sont maintenus ou remplacés lorsque la superficie et la configuration de la surface de pleine terre le permet. ". En l'état, l'autorisation d'aménager contestée n'interdit ainsi pas pour l'avenir, soit le maintien des arbres existants, soit leur remplacement notamment pour ceux qui, du fait de l'aménagement du lotissement par les réseaux et de sa desserte interne, auront été supprimés. Enfin la circonstance que plusieurs arbres présents sur la parcelle d'assiette du projet ont été abattus est sans incidence sur la légalité des décisions contestées, s'agissant d'une circonstance dont il n'est pas établi qu'elle se rattache totalement à ces autorisations et surtout qui, selon les déclarations mêmes de M. et Mme E..., est postérieure à la délivrance du permis d'aménager initial. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 du plan local d'urbanisme intercommunal doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " et aux termes de l'article 8.1 " Desserte par les voies ouvertes au public " du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole applicable à toutes les zones : " Lorsque les constructions et installations doivent être desservies par des voies ouvertes au public, leurs caractéristiques correspondent à leur destination. (...) Aucun accès automobile ne peut s'effectuer sur les voies affectées exclusivement aux cycles et piétons à l'exception de traversées ponctuelles. ". Ces dernières dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision contestée.

13. Il ressort des pièces du dossier que le permis d'aménager modifié contesté prévoit la réalisation de six maisons et le maintien d'une maison existante sur le terrain d'assiette du projet. Ce terrain est desservi par la rue de la Ménouriais, laquelle permet déjà, pour sa partie en impasse desservant le terrain d'assiette du projet, l'accès à huit autres maisons, dont l'une appartient au lotissement autorisé. Cette voie bitumée d'une centaine de mètres, bien que légèrement détériorée au droit de la propriété de M. et Mme E..., est carrossable et ne comprend qu'une légère courbe permettant de conserver une bonne visibilité pour ses usagers. Il résulte notamment d'un constat d'huissier que pour sa partie la plus étroite, elle est d'une largeur d'environ 3 mètres mais présente au même endroit un important accotement stabilisé. Pour le reste, sa largeur peut atteindre plus de 4 mètres et elle bénéficie, à plusieurs endroits, d'un accotement stable permettant, au besoin, l'arrêt temporaire de véhicules devant se croiser. Il est en outre établi que la vitesse sur cette voie est limitée à 20 km/heure, ce qui réduit les risques pour la sécurité de ses usagers. Il n'est par ailleurs pas établi que les services de lutte contre les incendies ne pourraient accéder à cette parcelle dans les conditions requises par leur action. Enfin, les services de voirie de Rennes métropole, consultés, ont émis un avis favorable au projet. Dès lors, eu égard au caractère nécessairement limité de la circulation dans cette impasse desservant pour l'essentiel des habitations, à ses caractéristiques et à la limitation de vitesse imposée aux véhicules motorisés, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le permis contesté méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 8.1 du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8.2 " Desserte par les réseaux " du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole applicable dans toutes les zones : " (...) Collecte des déchets ménagers et assimilés / Tout projet de construction nouvelle quelle que soit sa destination, doit prévoir pour la gestion des déchets du site, un lieu de stockage spécifique suffisamment dimensionné sur le terrain d'assiette du projet. Les préconisations techniques à respecter sont indiquées dans les annexes du PLUI. / Dans le cas d'un mode de collecte des déchets par apport volontaire retenu par la collectivité, le lieu de stockage ne vise que les déchets occasionnels de type encombrants. / Dans tous les nouveaux projets générant des bio-déchets, une solution de tri à la source de ces déchets doit être intégrée soit par le biais d'aire de compostage soit par une surface supplémentaire des locaux déchets. ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le projet de règlement du lotissement contesté prévoit à la fois que les habitants du lotissement devront présenter leurs bacs à ordures ménagères à l'entrée de l'impasse alors formée par la rue de la Ménouriais et que, dans l'éventualité d'une future collecte de ces bacs au droit du lotissement, des points de rassemblement sont aménagés aux entrées de ce terrain. Par ailleurs, il résulte d'un avis du 22 septembre 2020 du service de collecte des déchets de Rennes métropole, consulté par la commune de Cesson-Sévigné sur le projet d'aménagement initial de M. et Mme C..., que la collecte continuera à être effectuée en entrée d'impasse en l'absence d'aire de retournement pour le camion de collecte dans cette partie de la voie. La circonstance que le permis d'aménager accordé le 2 mars 2021 autorise un agrandissement de la placette présente au sein du lotissement est à cet égard sans incidence, alors qu'il s'agit d'un aménagement au sein d'un terrain privé et qu'il ne ressort pas des documents produits qu'elle serait susceptible de modifier les conditions de collecte existantes des ordures ménagères. Dans ces conditions, s'agissant de l'autorisation d'un lotissement destiné à accueillir des maisons individuelles d'habitation, lesquelles seront soumises à permis de construire, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions précitées de l'article 8.2 du plan local d'urbanisme intercommunal sont méconnues.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 350-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. / Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures. / Des dérogations peuvent être accordées par l'autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. / Le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur. ".

17. Il résulte de ces dispositions que le fait d'abattre ou de porter atteinte à un ou à plusieurs des arbres qui composent une allée ou un alignement d'arbres le long des voies de communication est interdit, sauf si l'abattage ou l'atteinte est nécessaire pour des motifs sanitaires, mécaniques ou esthétiques ou s'il a été autorisé, à titre dérogatoire, pour la réalisation d'un projet de construction. L'abattage ou l'atteinte portée à un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement doit donner lieu à des mesures compensatoires locales.

18. Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet de construction impliquant l'atteinte ou l'abattage d'un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d'une voie de communication, il résulte des articles L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article L. 350-3 du code de l'environnement que l'autorisation d'urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l'article L. 350-3 du code de l'environnement. Il appartient à l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme ou statuer sur la déclaration préalable de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.

19. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorisations d'aménagement contestées prévoiraient l'abattage d'arbres constitutifs d'un alignement le long de la rue de la Ménouriais au sens de la disposition précitée. Il n'est ainsi pas établi que les arbres de la propriété de M. et Mme C... qui préexistaient aux abords de cette rue, et qui ont été abattus après le permis d'aménager initial, constituaient un tel alignement en bordure de voie ou qu'ils n'en auraient pas été séparés par une clôture ou tout autre aménagement. Dans ces conditions, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés seraient intervenus en méconnaissance des articles L. 350-3 du code de l'environnement et R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme C... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

20. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

21. Il ne résulte pas de l'instruction que le droit de M. et Mme E..., voisins immédiats du projet de construction en litige, à former un recours contre le permis d'aménager modifié litigieux aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de leur part un comportement abusif. Par conséquent, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent, en tout état de cause, être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E..., d'une part, et M. et Mme C..., de l'autre, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions présentées en appel par M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

23. Les conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme peuvent être présentées en appel au titre de la procédure engagée devant la juridiction de première instance et de celle devant la juridiction d'appel.

24. Pour les motifs exposés au point 21 il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme C... à l'encontre de M. et Mme E... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Sur les frais d'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme E.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E..., sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 750 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Cesson-Sévigné et par M. et Mme C....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme E... verseront ensemble respectivement à la commune de Cesson-Sévigné d'une part et à M. et Mme C... d'autre part, la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et F... E..., à la commune de Cesson-Sévigné, et à M. et Mme A... et G... C....

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02967
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;22nt02967 ?
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