Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du
23 janvier 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2302088 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2023, M. C..., représenté par
Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas été signé ;
- le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 425-11, R. 425-13 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été prise sans un examen particulier de son état de santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 et l'article L. 423-29 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 janvier 2022 et la Cour nationale du droit d'asile le 8 juin 2022, M. C..., de nationalité arménienne, né le 10 décembre 1955, a sollicité auprès du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 janvier 2023, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures prescrites par le code de justice administrative.
3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen soulevé devant lui par M. C..., et qui n'était pas inopérant, tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire. M. C... est donc fondé à soutenir que le jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entaché d'une irrégularité et à demander, pour ce motif, son annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par
M. C... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours, et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
6. M. C... soutient que l'auteur du rapport médical n'avait pas été régulièrement désigné, en méconnaissance de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le Dr A..., rédactrice du rapport médical daté du 27 juillet 2022, a été nommée le 6 juillet 2022 par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle est donc un médecin-instructeur du service médical de l'Office. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ".
8. En l'espèce, le certificat médical a été transmis au médecin-instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 8 juin 2022. L'avis du collège de médecins de l'Office a été rendu le 31 août 2022, soit dans le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de l'état de santé de M. C....
10. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".
11. Par un avis émis le 31 août 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Le préfet de la Loire-Atlantique s'est approprié l'avis du collège de médecins sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. C... pour refuser la délivrance d'un titre de séjour.
12. M. C..., qui a levé le secret médical, est atteint d'une cardiopathie ischémique chronique, initialement diagnostiquée en Arménie en 2002 et pour laquelle il a été partiellement pris en charge en Arménie. Il présente pour cette raison, notamment, une dyspnée et des douleurs thoraciques. Après son entrée en France le 4 avril 2021 selon ses déclarations, il a ensuite bénéficié en avril 2022 d'un double pontage coronarien. Il ressort des pièces, notamment médicales, du dossier que le traitement nécessaire à M. C... est constitué des médicaments bisoprobol, tahor, aldactone, kardegic, entresto et forxiga, ces deux derniers étant particulièrement nécessaires. Il ressort de la liste des médicaments disponibles en Arménie produite par le préfet de la
Loire-Atlantique que le bisoprolol, le forxiga, le tahor et l'aldactone sont disponibles dans le pays d'origine de l'intéressé à la date de l'arrêté contesté. Les composants de l'entresto et du kardegic que sont respectivement, d'une part, le sacubitril et le valsartan et, d'autre part, l'acétylsalicylate de lysin ou l'acide acétylsalicyclique sont également disponibles en Arménie. Compte tenu de la disponibilité des médicaments et composants dans ce pays, M. C..., qui ne démontre pas qu'il ne dispose pas des ressources nécessaires pour avoir effectivement accès aux soins, ni qu'il ne serait pas éligible à l'assurance maladie mise en place dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait, en estimant que l'intéressé, qui pourtant se prévaut de certificats et compte rendus médicaux, pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article
L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté alors même que M. C... a été hospitalisé au CHU de Nantes le 4 septembre 2023 pour insuffisance rénale, soit postérieurement à la date de l'arrêté contesté.
14. M. C... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit ses moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.
15. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée,
M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire à trente jours :
16. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et celle portant obligation n'étant pas annulées, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
17. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination et, d'autre part, à demander l'annulation de la décision fixant un délai de départ volontaire à trente jours. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la
Loire-Atlantique du 23 janvier 2023 en tant qu'il fixe un délai de départ volontaire à trente jours est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 23 janvier 2023 en tant qu'il fixe un délai de départ volontaire à trente jours et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0316402