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16/04/2024 | FRANCE | N°22NT02688

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 16 avril 2024, 22NT02688


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;<

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- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 27 avril 2007 portant création du service national d'ingénierie aéroportuaire ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le décret du 5 octobre 2020 portant délégation de signature au sein du ministère de la défense

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association " SOS Pays de Falaise " et autres et Mme F..., substituant Me Elfassi, représentant la société Eoliennes du pays d'Auge.

Une note en délibéré présentée par la société Eoliennes du pays d'Auge a été enregistrée le 12 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2022, le préfet du Calvados a autorisé la société Eoliennes du pays d'Auge à exploiter un parc éolien composé de de sept éoliennes et de trois postes de livraison sur le territoire des communes de Barou-en-Auge et de Norrey-en-Auge . L'association " SOS Pays de Falaise ", MM. P... et O..., Mme R... et MM. S... et T... demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article R. 181-2 du code de l'environnement : " L'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale ainsi que le certificat de projet prévu par l'article L. 181-6 est le préfet du département dans lequel est situé le projet ". En vertu du deuxième alinéa du I de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture en cas de vacance momentanée du poste de préfet.

3. Il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté a été signé par M. U..., secrétaire général de la préfecture du Calvados le 11 avril 2022. A cette date, le préfet du Calvados avait cessé ses fonctions. Son successeur a pris ses fonctions le 27 avril 2022. Dans ces conditions, il y avait vacance momentanée du poste de préfet. Le secrétaire général de la préfecture a pu légalement signer l'arrêté pendant cette vacance.

Sur les avis donnés par le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile (...) / (...) / Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 27 avril 2007 portant création du service national d'ingénierie aéroportuaire : " Le service national d'ingénierie aéroportuaire est chargé de missions de conseil et d'ingénierie publique pour les ouvrages complexes ou techniques des aérodromes civils et militaires et, en tant que de besoin, pour les immeubles bâtis ou non bâtis du domaine public ou privé de l'Etat ou utilisés par l'Etat pour ses missions en matière aéronautique. Il exerce à titre principal des missions dans les domaines suivants : aménagement et planification, chaussées, bâtiments, installations, équipements et réseaux, énergie et balisage, environnement et développement durable, servitudes. ".

5. Par un arrêté du 18 mars 2019, le directeur général de l'aviation civile a donné délégation à M. N... I..., ingénieur des travaux publics de l'État, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, dans la limite de ses attributions, " tous actes, arrêtés, décisions (...) ". Le département ouest du service national d'ingénierie aéroportuaire de la direction générale de l'aviation civile est le guichet unique pour l'ensemble des consultations de cette direction sur le territoire du département du Calvados, conformément aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 27 avril 2007 portant création du service national d'ingénierie aéroportuaire. M. I..., adjoint au chef de département ouest du service national d'ingénierie aéroportuaire de la direction générale de l'aviation civile, était donc compétent pour signer, au nom du ministre chargé de l'aviation civile, l'avis émis le 12 mars 2020 sur le projet d'arrêté contesté

6. D'autre part, aux termes de l'article 9 du décret du 5 octobre 2020 portant délégation de signature au sein du ministère de la défense : " Direction de la sécurité aéronautique d'Etat. / Pour les arrangements techniques ainsi que tous les actes, arrêtés et décisions en matière de circulation aérienne militaire, en application des dispositions de l'article 7 du décret du 29 avril 2013 susvisé : / 1° M. le général de brigade aérienne Etienne Herfeld, directeur de la circulation aérienne militaire ; (...). ". En application de ces dispositions, le général de brigade aérienne Etienne Herfeld était compétent pour signer l'avis du ministre de la défense du 30 décembre 2020.

Sur les stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus :

7. Aux termes de l'article 6 de la convention d'Aarhus 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement : " 1. Chaque Partie : a) applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I ; (...) 2. Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus (...) / 3. Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement. / 4. Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". D'une part, les éoliennes terrestres, compte tenu du régime d'autorisation qui leur est applicable entrent dans le champ d'application matériel défini au paragraphe 1 a) de l'article 6 combiné à l'annexe I, au titre de la clause balai définie au paragraphe 22 de cette annexe. D'autre part, les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de la commission d'enquête publique que de mars à mai 2018 des entretiens ont eu lieu avec des acteurs du territoire et une réunion de restitution le 5 septembre 2018 à Morteaux-Couliboeuf a été réalisée. Puis cinq ateliers participatifs entre le 10 octobre 2018 et le 25 septembre 2019, une visite d'un parc éolien et deux forums d'informations à Barou-en-Auge et Norrey-en-Auge les 2 et 3 juillet 2019 ont été organisés. Des actions de communication à nouveau avec une plateforme participative ont été réalisées. Un communiqué de presse, des messages de relances téléphoniques, dix lettres d'information entre septembre 2018 et février 2021 ont été envoyés. Dix sessions de porte-à-porte ont été effectuées entre septembre 2018 et octobre 2021. Une plaquette du projet et un support de communication d'annonce d'enquête ont été réalisés. Cette concertation, qui avait eu lieu à un stade précoce de la procédure, avait permis au public de faire valoir ses observations et ses avis en temps utile, alors que la décision d'autorisation n'était pas encore prise, et que les mesures prises en l'espèce suffisaient à assurer la mise en œuvre des objectifs fixés par les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus rappelées ci-dessus.

Sur la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article R.181-13 du code de l'environnement :

9. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments suivants : (...) / 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit (...) ".

10. En premier lieu, les appelants soutiennent que le dossier de demande de la société ne comporterait pas les promesses de bail emphytéotique conclues avec les propriétaires des terrains d'implantation du projet et que les attestations figurant dans le dossier de la société ne permettraient pas de justifier de la maîtrise foncière par la société de l'ensemble des terrains. Toutefois, le dossier de demande mentionne que la société " a signé des promesses de bail emphytéotique avec l'ensemble des propriétaires des terrains concernés par l'installation projetée ". Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les promesses de bail emphytéotique soient jointes au dossier de demande. Seules sont à annexer au dossier les autorisations de maîtrise foncière délivrées par les propriétaires, quelle qu'en soit la forme juridique.

11. En deuxième lieu, si les appelants remettent en cause la qualité de propriétaire des signataires des attestations en invoquant l'absence de relevés de propriété, ils n'apportent aucun élément probant.

12. En troisième lieu, les appelants contestent la réalité des signatures des propriétaires et exploitants des parcelles.

13. S'agissant de la parcelle ZD29, où doit être installée l'éolienne E2, le tableau 9 " Références cadastrales " du dossier de demande de la société pétitionnaire, ne vise que trois personnes de la famille L... comme propriétaires alors que l'attestation est également signée par une quatrième personne de la famille (K... L...). Même si en haut du document ne figurent que trois noms de propriétaires (X... L..., W... L... et K... L...), ce surplus de signatures au regard du nombre de propriétaires est sans conséquence sur l'authenticité de l'attestation cosignée.

14. S'agissant de la parcelle ZD42, où doit être installée l'éolienne E3, la propriétaire est Madame J... D... et non M. B... H... comme indiqué dans le tableau 9 " Références cadastrales ". Sa signature figure sur l'attestation. Le paraphe " RG " figurant en bas de l'attestation correspond aux initiales de la représentante de la société VSB est sans incidence au regard de l'arrêté contesté.

15. S'agissant de la parcelle ZI17, où doit être installée l'éolienne E6, le signataire de l'attestation est le propriétaire, M. A... G....

16. En troisième lieu, les appelants soutiennent que l'attestation relative à la parcelle ZA1 serait irrégulière en ce qu'elle aurait été établie par le maire de la commune de Norrey-en-Auge alors que seul le conseil municipal de cette commune serait compétent au regard de l'article 2122-21 du code général des collectivités territoriales. Le moyen est inopérant dans la mesure où cette parcelle, qui est le terrain d'assiette des trois postes de livraison, est située en réalité sur le territoire de la commune des Moutiers-en-Auge.

17. Selon les appelants, un maire serait " intéressé " par le projet et ne pouvait donc pas signer l'attestation autorisant la société exposante à occuper une parcelle communale. Toutefois, c'est à la suite d'une délibération, à laquelle le maire n'a pas participé, qu'une promesse de bail a été signée au nom de la commune et que le maire a délivré une attestation de maîtrise foncière à la société VSB. Son caractère " intéressé " est donc sans incidence sur la validité de l'attestation.

18. La circonstance que le périmètre de l'enquête publique n'a pas été étendu à la commune des Moutiers-en-Auge sur le territoire de laquelle sont prévus les trois postes de livraison n'a pas été de nature à vicier cette enquête.

19. Enfin, les appelants soutiennent que le dossier de la société pétitionnaire ne démontre pas la maîtrise foncière des parcelles survolées par des éoliennes et des chemins d'accès au projet où sont également le cas échéant enterrés les câbles de raccordement interne. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté que, par délibérations des 8 juillet 2019 et 20 septembre 2019, les conseils municipaux des communes de Barou-en-Auge et de Norrey-en-Auge ont autorisé les maires à signer des conventions de promesses de servitudes permettant à la société exploitante de faire passer les câbles et réseaux sous les chemins ou voies communales et de surplomber ces voies avec une éolienne.

Sur la méconnaissance du 11° du I de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement :

20. Aux termes de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants (...) : / 11° Pour les installations à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le pétitionnaire, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le pétitionnaire ; (...). ".

21. Les requérants soutiennent que le dossier de la société ne contiendrait pas les avis des propriétaires des terrains d'implantation du projet ainsi que ceux des maires des trois communes d'implantation du projet sur la remise en état du site, en méconnaissance de ces dispositions et les attestations valant accord quant aux conditions de démantèlement et de remise en état du site, figurant dans le dossier de la société, seraient irrégulières. Toutefois, et en tout état de cause, les dispositions précitées prévoient que ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le pétitionnaire. Par voie de conséquence, elles n'imposent pas au pétitionnaire de joindre l'avis des propriétaires des parcelles et chemins d'accès où il est prévu d'enterrer les câbles du réseau électrique.

Sur les insuffisances de l'étude d'impact :

22. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9°Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ".

23. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant un dossier de demande d'autorisation ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'une régularisation de l'avis de l'autorité environnementale, cet avis doit être rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait.

En ce qui concerne les photomontages :

24. Le bureau d'études Enviroscop, qui a procédé aux photomontages critiqués par les appelants du fait de leur petit format, des prises de vue et de la technique utilisée explique que la méthodologie est conforme aux préconisations du " Guide relatif à l'élaboration des études d'impacts pour les projets éoliens terrestres " en vigueur. Le Guide national de 2016 donne des indications concernant la largeur du document, son angle et la distance de lecture, mais ne donne pas de préconisations pour la hauteur des vues réelles. S'il est vrai que dans le carnet de photomontage les vues réelles sont en dessous de la moitié de la hauteur de la page, ce format ne nuit pas à la perception des éoliennes photomontées, les rapports d'échelles étant exacts par rapport à la distance orthoscopique. Une hauteur plus importante de la vue réelle aurait permis de présenter plus de ciel ou d'éléments au premier plan des photographies ne saurait remettre en question l'évaluation de l'impact visuel du projet. Si certaines photographies présentent des brumes ou ciels nuageux, la modélisation des éoliennes du projet a été adaptée en conséquence pour une meilleure appréhension visuelle du projet. Les imprécisions éventuelles qui en résulteraient n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

25. Certains photomontages, qui seraient pris en période estivale, avec des arbres " feuillus " ou " juste devant des obstacles visuels ", réduiraient les vues sur le projet. Toutefois, le bureau d'études Enviroscop explique que les esquisses avec les éoliennes figurées en filaire sans gommage permettent d'apprécier les masques visuels et de conclure que les niveaux d'impacts seraient identiques en vues hivernales.

26. S'agissant des obstacles visuels, le bureau d'études justifie techniquement les points de vue des photomontages 20, 22, 23 et 31 dès lors qu'ils sont représentatifs des vues que peuvent avoir les habitants de ces lieux de vie.

27. L'impact visuel du projet sur les monuments historiques que sont l'abbatiale de Saint-V...-sur-Dives, l'église de Norrey-en-Auge, le château de Louvagny, le château de Vendeuvre, le château de Versainville, le château de Versainville, analysé dans le cadre de l'étude paysagère, notamment par la réalisation de photomontages, a été regardé " nul " à " faible " dans le volet paysager de l'étude d'impact.

28. La mission régionale de l'autorité environnementale a estimé dans son avis du 11 juin 2020 que le dossier qui lui a été transmis est correctement illustré et d'une lecture aisée.

29. Le résumé non-technique du dossier d'étude d'impact étant clair, synthétique et d'une lecture accessible au grand public, il ne ressort pas des pièces du dossier que les photomontages minimisent l'impact des éoliennes sur les paysages et les monuments. L'étude paysagère a suffisamment analysé le paysage, y compris les monuments protégés, les lieux de vie et les conditions permettant la meilleure configuration du projet. En concluant que le projet ne porte atteinte ni aux monuments historiques ni aux lieux de vie, soit les bourgs, l'étude d'impact a parfaitement caractérisé les incidences visuelles du projet.

En ce qui concerne l'aspect naturaliste :

30. Le diagnostic chiroptérologique est manifestement insuffisant au regard des recommandations de la Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM). Or, de telles recommandations sont dépourvues de portée règlementaire et ont été établies pour des parcs éoliens qui ne comportent pas de plan de bridage.

31. Le bureau d'études Ecosphère a réalisé des prospections couvrant l'ensemble du cycle biologique des espèces de chiroptères, soit du mois d'avril au mois d'octobre concernant les écoutes au sol, et du mois d'avril au mois de novembre s'agissant des écoutes en hauteur. Ces prospections ont consisté en la réalisation d'écoutes au sol ponctuelles et d'écoutes en hauteur continues. Treize nuits d'écoutes au sol ont été réalisées hors période hivernale couvrant l'ensemble de la période d'activité des chiroptères de la manière suivante. En période de gestation/ transit printanier, trois nuits complètes d'écoute passive et deux nuits partielles d'écoute active ont été suivies. En période de mise-bas/ élevage des jeunes, cinq nuits complètes d'écoute passive et deux nuits partielles d'écoute active ont été observées. En période de migration / transit automnal, cinq nuits complètes d'écoute passive et deux nuits partielles d'écoute active ont été effectuées. 232 nuits d'écoute en hauteur, soit l'équivalent à un temps total de détection / enregistrement d'environ 2 900 heures, ont permis d'enregistrer 8 369 contacts de chiroptères. Le bureau d'études Ecosphère a ainsi réalisé des prospections importantes suffisantes, comme l'a relevé par la mission régionale de l'autorité environnementale dans son avis du 11 juin 2020.

32. Après des inventaires complémentaires qu'il a effectué en mars 2023, le bureau d'études Ecosphère a conclu que le mois de mars est " totalement anecdotique " en termes d'activités par rapport aux mois suivants pour lesquels un bridage a été mis en place.

33. Si les requérants soutiennent que les écoutes en hauteur réalisées entre mi-octobre et fin novembre n'auraient pas été " utiles " au motif qu'elles correspondraient à une période " beaucoup moins propice aux déplacements des chiroptères ", ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs affirmations. De plus, les écoutes en hauteur réalisées entre le 16 octobre et le 30 novembre ont permis d'enregistrer 447 contacts de chiroptères, soit 5,3 % de l'activité totale mesurée. L'activité enregistrée sur cette période est donc supérieure à celle enregistrée en mars 2023. L'activité enregistrée entre mi-octobre et fin novembre a d'ailleurs été telle que la mesure de bridage couvre cette période pour préserver l'activité des chiroptères.

34. Les cinq nuits d'écoutes au sol réalisées sur la période du 15 mai au 31 juillet seraient " trop rapprochées " au motif que les sorties n'auraient pas été réalisées tous les quinze jours. Toutefois, ces nuits d'écoutes ont été organisées au regard de plusieurs paramètres cumulés comme la phénologie des espèces, la nécessité de couverture globale de la période biologique concernée, les disponibilités internes au bureau d'étude et les conditions météorologiques pour une recherche des conditions favorables au vol. Elles ont ainsi été espacées entre dix et vingt-deux jours, soit une répartition globale assez homogène représentative de la saison biologique concernée. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les activités chiroptérologiques a été suivie durant la période du 11 juillet au 9 août, qui est une période " très active " de mise-bas et d'élevage des jeunes chiroptères, a été suivie dans la mesure où des écoutes en hauteur ont été réalisées et 3 055 contacts enregistrés.

En ce qui concerne l'avifaune :

35. Le bureau d'études Ecosphère a réalisé des prospections couvrant l'ensemble du cycle biologique des espèces d'avifaune avec quatre sorties en période de nidification, trois sorties en période de migration prénuptiale, six sorties en période postnuptiale et deux sorties en période d'hivernage. Il a donc réalisé des prospections suffisantes, comme l'a relevé la mission régionale de l'autorité environnementale dans son avis du 11 juin 2020.

Sur l'absence de saisine de l'agence régionale de santé :

36. Aux termes de l'article D.181-18 du code de l'environnement : " Lorsque le projet est soumis à évaluation environnementale, le préfet consulte le directeur général de l'agence régionale de santé de la ou des régions sur le territoire desquelles ce projet est susceptible, compte tenu de son impact sur l'environnement, d'avoir des incidences notables sur la santé publique. (...) / Lorsqu'ils sont saisis en application des dispositions du présent article, le ou les directeurs généraux d'agence régionale de santé concernés disposent d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception du dossier pour se prononcer. ".

37. Si les appelants soutiennent que l'absence de saisine a privé le directeur de l'agence régionale de santé de la garantie qui s'offrait à lui de pouvoir émettre son avis sur le projet de parc éolien litigieux, notamment en ce qui concerne la problématique des nuisances sonores ou de l'atteinte à la ressource en eau potable, ils ne précisent pas les nuisances sonores ou les atteintes à la ressource en eau potable. En outre, il ressort des rapports de la commission d'enquête et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du 3 mars 2022 que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement a sollicité le 12 février 2020 l'avis de l'agence régionale de santé de Normandie, qui n'a pas répondu.

Sur l'absence de consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers du Calvados :

38. Aux termes de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) / 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : / a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ; (...) ".

39. Il ressort des pièces de la demande de la société pétitionnaire que les surfaces totalement imperméabilisées, comprenant les fondations des postes de livraison, représentent environ 0,41 hectare, mais seulement 0,03 hectare en ne considérant que les surfaces imperméabilisées au sol dans la mesure où les surfaces des fondations recouvertes de terres sont déduites, soit un total de 3 000 m2. Ainsi, dès lors que la réduction des surfaces des exploitations agricoles existantes est particulièrement minime, le vice tenant au défaut de consultation de cette commission n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise et n'a pas davantage privé quelque intéressé d'une garantie. Par suite, c'est à tort que les requérants soutiennent que le défaut de consultation préalable de la commission prévue à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme est de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

Sur l'absence d'autonomie réelle de la mission régionale de l'autorité environnementale :

40. Aux termes de l'article R. 122-24 du code de l'environnement : " Dans chaque région, la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement selon les modalités prévues aux articles R. 122-17 et suivants du présent code et R. 104-19 et suivants du code de l'urbanisme. Pour l'exercice de cet appui, par dérogation à l'article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, (...) les agents de ce service sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale. ". Selon le dernier alinéa de l'article 3 du décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable : " Dans chaque région, la mission régionale bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement dans les conditions fixées à l'article R. 122-24 du code de l'environnement. ".

41. Il résulte de ces dispositions que le service d'appui de la mission régionale de l'autorité environnementale est constitué d'agents de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement placés, pour l'exercice de cet appui, sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale. Toutefois, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que les agents qui ont préparé en l'espèce l'avis émis par la mission n'étaient pas alors placés sous l'autorité fonctionnelle de son président. De plus, l'avis de la mission du 11 juin 2020 a été rendu sans aucune influence de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale doit être écarté.

Sur l'enquête publique :

En ce qui concerne la publicité :

42. Aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. (...) ". Le III de l'article R. 512-14 de ce code, alors applicable, prévoit que : " Les communes, dans lesquelles il est procédé à l'affichage de l'avis au public prévu au I de l'article R. 123-11, sont celles concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement peut être la source et, au moins, celles dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève./ (...) ". L'annexe à l'article R. 511-9 du même code précise, s'agissant d'une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à cinquante mètres, soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, que le rayon d'affichage prévu à l'article R. 512-14 précité s'élève à six kilomètres.

43. Si l'association " SOS Pays de Falaise " et autres soutiennent que la procédure d'enquête publique serait " irrégulière " au motif que le préfet du Calvados n'aurait pas sollicité l'accord du préfet de l'Orne concernant la désignation des communes où l'avis d'ouverture de l'enquête publique devait être publié en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-11 III du code de l'environnement rappelées ci-dessus, ils n'apportent aucun élément établissant que le préfet du calvados n'aurait pas pris l'accord du préfet de l'Orne concernant la publication de l'avis d'ouverture d'enquête publique dans les communes de ce département, et alors qu'il ressort des pièces du dossiers que les communes du département de l'Orne ont publié l'avis d'ouverture. Il suit de là qu'à supposer que le préfet du Calvados n'ait pas consulté celui de l'Orne, cette omission n'a pas eu d'incidence sur l'information du public ni sur le sens de la décision de l'administration. Par suite, le moyen doit être écarté.

44. L'article 3 de l'arrêté portant ouverture d'enquête du 27 septembre 2021 prévoit que l'avis d'ouverture sera notamment affiché dans les communes de Coulonces, Fontaine les Bassets, Guêprei, Louvières-en-Auge, Merri, Montreuil la Cambe, Ommoy, Saint-Gervais des Sablons et Trun situées dans le département de l'Orne. Par un courrier du 27 septembre 2021, le préfet du Calvados a pris l'accord de celui de l'Orne concernant la publication de l'avis d'ouverture d'enquête publique dans les communes de ce département. Par ailleurs, dans un courrier du 17 mai 2023, le préfet du Calvados a indiqué à la société pétitionnaire que les maires des communes du département de l'Orne concernées par le rayon d'affichage ont été destinataires de l'avis d'ouverture de l'enquête publique afin d'en assurer l'information auprès de leur population. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le périmètre géographique de l'enquête publique serait insuffisant.

En ce qui concerne la composition du dossier d'enquête publique :

45. Aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, issu du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 entré en vigueur le 1er juillet 2007 : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. "

46. S'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les avis du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense, tous deux favorables mais assortis de prescriptions, auraient été joints au dossier soumis à enquête publique, ce seul élément, en l'absence d'autres circonstances, n'est pas de nature à avoir privé le public d'une information sans laquelle il n'aurait pu participer effectivement, à l'enquête et n'a pas exercé une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur le sens de la décision en litige.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité des conditions de mise à disposition du dossier d'enquête publique en mairie :

47. Les horaires de consultation du dossier d'enquête publique en mairie, uniquement quatre et non trois heures le lundi après-midi à Barou-en-Auge sauf le lundi 11 novembre et 3 heures le samedi matin à Norrey-en-Auge auraient été trop restreintes pour permettre aux personnes qui travaillent en journée de consulter le dossier sur place. Toutefois, le public avait la possibilité de se rendre en mairie pendant un jour de semaine et un samedi par semaine. Les horaires ne sont pas réduits compte tenu de la continuité de plusieurs heures d'ouverture. Le public n'a pas été privé de la garantie de pouvoir consulter le dossier d'enquête publique et d'émettre des observations et propositions durant l'enquête.

En ce qui concerne la consultation irrégulière des conseils municipaux des communes intéressées et des conseils communautaires de leurs groupements :

48. Aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement : " Dès le début de la phase de consultation du public, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 ou au I de l'article R. 123-46-1 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique ou de la consultation du public réalisée conformément aux dispositions de l'article L. 123-19. ".

49. La circonstance que les délibérations des communes aient été rendues dans des conditions irrégulières n'a pas pu avoir pour effet d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée, ni priver quiconque d'une garantie. Le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'irrégularité des avis émis par ces conseils municipaux doit être écarté

Sur les capacités financières :

50. Il ressort du dossier de la demande d'autorisation que ce dossier indique que le montant total du projet porté par la société pétitionnaire serait évaluée à 34,6 millions d'euros, que le plan de financement reposerait sur des fonds propres pour 10% à 20 % et sur un recours à des prêts bancaires pour 80 % à 90%, et qu'avec un financement à hauteur de 90 % en cas de refus d'un emprunt bancaire, la société VSB Energies Nouvelles peut, avec un montant de 34,17 millions d'euros de capitaux propres en 2020, apporter les fonds nécessaires la société Eoliennes du pays d'Auge, qui est sa filiale. Le dossier comprend une lettre d'attestation et d'engagement des capitaux propres, une attestation d'un expert-comptable et les accords bancaires de garantie financière. Il comporte des indications suffisamment précises et étayées pour satisfaire à cette obligation tenant à l'information complète du public quant aux capacités financières de la société pétitionnaire.

Sur les " espèces protégées " :

51. Aux termes de l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive " Habitats " : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : / a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; / b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration ; / c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ; / d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ". Aux termes de l'article 16 de la même directive : " 1. A condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / a) dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) à des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes; / e) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié par les autorités nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l'annexe IV (...) ". Aux termes de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages : " Sans préjudice des articles 7 et 9, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er et comportant notamment l'interdiction : /a) de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ; (...) / d) de les perturber intentionnellement, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ".

52. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ". Aux termes de l'article R. 411-11 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 précisent les conditions d'exécution de l'opération concernée. Elles peuvent être subordonnées à la tenue d'un registre (...) ". Aux termes de l'article R. 411-12 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 peuvent être suspendues ou révoquées, le bénéficiaire entendu, si les conditions fixées ne sont pas respectées ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La demande de dérogation (...) comprend : (...) La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : (...) s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées (..) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté, la décision précise, en cas d'octroi d'une dérogation, " la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celles-ci, notamment : (...) nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation " et " s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ". Les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixent, respectivement, la liste des mammifères terrestres et des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

53. Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

54. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

S'agissant des mesures d'évitement :

55. D'une part, des mesures communes à l'avifaune et aux chiroptères ont été mises en place et sont liées au choix de la variante et du site d'implantation du projet. La variante C finalement retenue est celle de moindre impact écologique et permet notamment d'éviter les principaux enjeux fonctionnels locaux, soit le sud du territoire favorable aux espèces d'oiseaux des milieux agricoles, et de prévoir un recul suffisant, soit à plus de 200 mètres en bout de pales, des lisières boisées des boisements centraux. L'implantation des éoliennes permet d'éviter les zones reconnues comme écologiquement sensibles comme les couloirs majeurs de migration d'oiseaux, les sites de stationnement importants pour les oiseaux hivernants ou migrateurs sensibles, les végétations naturelles et flore à enjeu patrimonial ou réglementaire, les sites de nidification pérenne pour des oiseaux rares et/ou menacés, les axes privilégiés de déplacements locaux d'oiseaux ou de chauves-souris et les zones de chasse privilégiées par les chauves-souris. Le recul aux boisements concerne essentiellement les chauves-souris. D'autre part, des mesures spécifiques ont été prévues comme s'agissant des chiroptères, le positionnement des éoliennes de telle sorte que l'extrémité des pales soit distante d'au moins 200 mètres de toute structure ligneuse ayant un rôle fonctionnel local particulier pour les chauves-souris. En outre, il ressort de l'étude d'impact de la société que, d'une part, les éoliennes E4, E5, E6 et E7 respectent la mesure d'évitement et que, d'autre part, les boisements situés à proximité des trois autres éoliennes sont " en mauvais état de conservation " et présentent un " intérêt fonctionnel faible " pour les chiroptères de nature à " fortement limiter le risque de collision ".

S'agissant des mesures de réduction :

56. D'une part, des mesures communes à l'avifaune et aux chiroptères seront mises en œuvre comme la gestion des plateformes des éoliennes et des abords immédiats, l'utilisation d'un gravillon compacté afin de limiter le développement de friches et l'attractivité éventuelle pour la faune, la gestion des pratiques culturales, l'interdiction de certaines pratiques agricoles susceptibles d'attirer des espèces sensibles à l'activité éolienne, la contractualisation et gestion de parcelles, le maintien et l'extension des habitats favorables à l'activité de chasse des rapaces diurnes en dehors du parc et la création de 2 200 mètres de haies bocagères fonctionnelles permettant d'améliorer la fonctionnalité des chauves-souris en dehors du territoire du projet et contribuant ainsi à orienter davantage les flux dans des espaces non soumis au risque éolien ".

57. D'autre part, des mesures spécifiques ont été prévues comme, s'agissant des chiroptères, la gestion de l'éclairage et la gestion nocturne des éoliennes avec un bridage adapté et contextualisé et mis en œuvre en fonction des conditions météorologiques locales, le renforcement du bridage renforcé des trois éoliennes situées à moins de 200 mètres des haies pour les éoliennes E1, E2 et E3 qui génèrent un risque plus important de collision/barotraumatisme lié à leur proximité avec certaines lisières. Les garanties d'effectivité de ces mesures n'ont, par ailleurs, pas été remises en cause par l'inspection des installations classées et l'autorité environnementale.

58. Par ailleurs, il ressort de l'étude d'impact qu'après avoir recueilli l'ensemble des données chiroptérologiques avec 8 369 contacts grâce à des micros positionnés à 8 et 82 mètres sur le mât des éoliennes avec les données de vent mesurées au plus près d'une hauteur de 84 mètres, sur le fondement desquelles les mesures anémométriques servant au bridage ont été prises, la société pétitionnaire a prévu la mise en place d'un bridage adapté aux caractéristiques locales d'activités chiroptérologiques et aux conditions météorologiques locales mesurées en hauteur en 2018. De plus, la société pétitionnaire a prévu la mise en œuvre de mesures de suivi, notamment de mortalité pour l'activité chiroptérologique en hauteur et le comportemental des busards.

59. Il suit de là que les mesures de réduction et d'évitement présentent des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés de soutenir que le projet aurait dû justifier le dépôt d'une demande de dérogation vis-à-vis de l'avifaune et des chiroptères.

En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

60. Aux termes de l'article L. 350-1 A du code de l'environnement : " Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques ". Pour l'application de ces dispositions combinées avec celles de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le juge des installations classées pour la protection de l'environnement apprécie le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques.

En ce qui concerne l'impact visuel global :

61. Dans son avis défavorable émis le 25 juin 2021, l'architecte des bâtiments de France du Calvados a indiqué que " le projet portera une atteinte aux paysages et aux monuments historiques et que le paysage de tout le secteur d'étude sera profondément impacté (...) Nous comprenons donc que de telles machines créent de fait un paysage en rupture totale avec le patrimoine bâti existant, qu'il soit protégé ou non. ". Toutefois, il résulte de l'instruction que la zone d'influence visuelle du projet montre que celui-ci ne sera pas prégnant au-delà de 5 à 7 kilomètres en raison notamment du relief et de l'importance de masques végétaux. Le projet, qui s'inscrit dans un paysage rural caractérisé par une faible densité démographique et par des espaces agricoles cultivés ou de bocage comportant quelques boisements, et ne présentant pas un caractère remarquable, est implanté dans un paysage transformé par l'activité agricole, Ce paysage présente une configuration de bocage, peu vallonné et assez largement ouvert. Les constructions projetées, positionnées en ligne, n'induisent pas de rupture dans ce paysage, qui est déjà marqué par des alignements arborés. Le volet paysager précise que le projet s'inscrit dans l'unité paysagère de grandes cultures de la campagne de Trun, et n'est pas proche de parc déjà construit ou autorisé. Il permet de réduire les situations de covisibilité et d'éviter le mitage d'éoliennes. En outre, sur les 202 sites inventoriés seuls cinq impacts de covisibilité ont été inventoriés. La commission d'enquête a relevé qu'aucun gros impact de covisibilité n'est mis en évidence et que les impacts visuels sur les sites singuliers sont faibles à nuls. De plus, les visions et les covisibilités identifiées ont donné lieu à deux photomontages réalisés depuis Mouvagny et son château, quatre photomontages depuis Versainville et son château, quatre depuis Saint-V... Sur Dives et son abbatiale et deux depuis les vues sur " le couloir de la mort " qui ont mis en évidence des impacts faibles à nuls. Ainsi en dépit de l'avis négatif émis par l'architecte des bâtiments de France, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'impact visuel global du projet porte atteinte aux intérêts protégés par les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les atteintes aux monuments historiques et aux lieux de vie et paysages :

S'agissant des atteintes aux monuments historiques :

Quant à l'abbatiale de Saint-V...-sur-Dives :

62. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " les impacts du projet par rapport à l'équilibre existant entre les éléments patrimoniaux repères et le paysage seront forts. Le cas le plus significatif est celui de l'abbatiale de Saint-V...-sur-Dives (Saint-V...-en-Auge). Il s'agit du monument historique le plus haut, le plus visible depuis le lointain dans ce paysage de plaine, notamment depuis les contreforts du Pays d'Auge. Les éoliennes en mouvement seront en concurrence visuelle directe avec l'abbatiale. Les impacts visuels sont qualifiés de nuls dans ce secteur : cela est faux puisque les éoliennes seront plus de deux fois plus hautes que les tours de l'abbatiale. Quant aux impacts visuels sur le clocher de l'église de Norrey-en-Auge, ils sont qualifiés de modérés : cela est faux également, les éoliennes en mouvement se détachant dans les paysages seront très visibles. ", il résulte de l'instruction que le projet éolien est distant d'environ dix kilomètres de l'abbatiale. En outre, depuis la D40 vers Escures-sur-Favières, le projet est complétement masqué, de sorte que les impacts visuels sont " nuls ". Depuis la D40 vers la zone d'activités de Donville, l'abbatiale apparait brièvement entre les bâtiments industriels. Par ailleurs, le projet est visible dans l'axe de la route mais très peu prégnant, seuls des bouts de pales dépassant de la ligne du relief. De plus, il est séparé du monument par un espace visuel d'environ 58°. Aucune co-visibilité n'est envisagée. Les impacts sur le monument sont insignifiants. Depuis la voie ferrée au nord de Saint-V...-sur-Dives, le projet entre en co-visibilité avec le monument. Cependant, les éoliennes sont peu prégnantes, le monument restant l'élément focalisant le regard. Compte tenu de la végétation à l'approche de la ville, les impacts sont donc faibles. Depuis la sortie sud de Théville, l'abbatiale est moins visible. Elle est en grande partie masquée par la ripisylve de la vallée, seule la tour la plus haute émergeant de la végétation. Le projet est complètement masqué et son impact nul. Il en est de même depuis la D511, au nord-est de Saint-V...-sur-Dives.

Quant à l'église de Norrey-en-Auge :

63. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " les impacts sont qualifiés de modérés à Norrey-en-Auge alors que ce n'est pas le cas : il y aura un phénomène de saturation visuelle à l'intérieur même du bourg regroupé autour de son église protégée au titre des monuments historiques. ", il résulte de l'instruction que depuis le centre de Norrey-en-Auge sur la D90a, seul le rotor de l'éolienne E3 est visible tandis que les vues sur les éoliennes E5 et E6 sont filtrées par la végétation et les autres machines sont masquées. L'éolienne E3 s'insère derrière une ligne électrique, en décalé par rapport à la croix du cimetière et au porche de l'église. Depuis l'est de Norrey-en-Auge sur la D90a, aucune éolienne n'entre en co-visibilité avec l'église. De plus, bien qu'il soit visible au sud de l'église, le projet est bien séparé visuellement du monument et ne vient pas créer d'effet de rupture d'échelle. Par ailleurs, l'association " SOS Pays de Falaise " et autres soutiennent que le photomontage n° 7 minimise fortement voire nie complétement l'impact du projet sur l'église de Norrey-en-Auge et critiquent le choix du point de vue retenu pour ce photomontage n° 7 qui offre une vue bouchée vers l'église dont on n'aperçoit uniquement le haut du clocher puisque le reste du monument est masqué par la végétation et versent aux débats à l'appui de leurs critiques un carnet de photomontages ainsi que des vidéos-montages établis par un photographe professionnel. Toutefois, il ressort des pièces au dossier que les photomontages et vidéos-montages versés aux débats par les appelants ne correspondent pas aux exigences d'un carnet de photomontage professionnel alors que de son côté conformément au guide des bonnes pratiques la société pétitionnaire a retenu pour Norrey-en-Auge un point de vue depuis l'axe le plus fréquenté, la départementale D90a, traversant le village depuis l'est et où l'église est visible dans l'axe de la route. Ainsi, les appelants en s'appuyant sur un photomontage réalisé depuis la route menant de la RD90a au hameau " Le Logis " alors que cette voie ne dessert que deux habitations et n'est pas balisée comme un itinéraire de promenade, ne démontrent pas en quoi les points de vue qu'ils ont retenus seraient plus représentatifs du territoire, le carnet de de photomontages produit par les appelants ne mentionnant pas de plus la nature du modèle numérique de terrain employé pour la modélisation et ne présentant pas les esquisses de ses panoramas avec report notamment du relief considéré qui permettent une intégration correcte des éoliennes sur les photomontages.

Quant au château de Louvagny :

64. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " le projet est situé dans la perspective paysagère faisant corps avec le château. Les éoliennes claires en mouvement seront très visibles détruisant ainsi le rapport d'échelle existant entre le château et son environnement paysager. Dans le dossier, les impacts sont présentés comme faibles ", il résulte de l'instruction que les éoliennes, en partie masquées, sont à l'échelle du paysage et ne viennent pas perturber la vue depuis le premier étage du château. Depuis le rez-de-chaussée, les visibilités seront moins importantes. De plus, une mesure consistant à planter des arbres en fond de parcelle, est prévue.

Quant au château de Vendeuvre :

65. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " le château de Vendeuvre protégé au titre des monuments historiques dont le jardin vient d'être labellisé " jardin remarquable " par le ministère de la culture, les impacts sont une nouvelle fois qualifiés de nuls à faibles, alors qu'il suffit de prendre un point de vue depuis le prolongement de la pièce d'eau pour que le projet soit visible et vienne rompre l'harmonie paysagère existant entre le château, le jardin et le paysage ", il résulte de l'instruction que les aérogénérateurs seront masqués depuis le jardin régulier du château. Depuis la route locale D253, le château de Vendeuvre apparait au bout de la route, en partie masqué par la végétation entourant le parking. Le projet ne présente aucune covisibilité avec le château.

Quant au château de Guillaume le Conquérant à Falaise :

66. Si les appelants se prévalent d'un photomontage selon lequel le projet " serait prégnant depuis la tour du château " et en covisibilité avec ce dernier, il résulte de l'instruction que depuis le donjon du château, les éoliennes, situées en arrière-plan, au milieu d'une trame arborée et à plus de douze kilomètres, sont peu prégnantes et ne présentant aucun effet d'écrasement sur la silhouette de la cité et des points historiques de celle-ci. Compte tenu de ces éléments, aucun impact visuel important ne peut être relevé alors même que la requête s'appuie principalement sur l'avis défavorable rendu le 25 juin 2021 par l'architecte des bâtiments de France du Calvados dans le cadre de l'instruction du projet, l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale du 11 juin 2020 et les photomontages réalisés par M. M....

S'agissant des atteintes aux lieux de vie et aux paysages :

Quant au bourg de Norrey-en-Auge :

67. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que les impacts sont qualifiés de modérés à Norrey-en-Auge alors que ce n'est pas le cas : il y aura un phénomène de saturation visuelle à l'intérieur même du bourg regroupé autour de son église protégée au titre des monuments historiques.", il résulte de l'instruction que depuis la D90 au lit-dit Les Rouges Terres, en sortie de Norrey-en-Auge, le projet, qui est parallèle à la route, l'implantation est lisible et depuis l'entrée Est de Norrey-en-Auge sur la D90a, trois éoliennes sont visibles (E5, E6 et E7) tandis que les bouts de pales de l'éolienne E4 sont potentiellement visibles à travers la végétation. Toutefois, l'éolienne E5 est prévue de l'autre côté de la route entre une maison et l'alignement des peupliers ", celle E6 est moins prégnante que les éléments l'entourant et celle E7 est en grande partie masquée. Depuis le centre de Norrey-en-Auge sur la D90a, les éoliennes sont moins visibles à l'exception du rotor de l'éolienne E3 qui est visible tandis que les vues sur E5 et E6 sont filtrées par la végétation. L'éolienne E3 ne dépasse pas les autres éléments du paysage. Elle s'insère de plus derrière une ligne électrique, en décalé par rapport à la croix du cimetière et au porche de l'église et ne perturbe pas la vue. Les autres machines E1, E2 et E4 sont masquées. L'impact paysager et patrimonial est dans son ensemble relativement faible.

Quant au bourg de Beaumais :

68. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " A Beaumais, les vues sont réalisées autour de son église protégée au titre des monuments historiques (église et château) et les éoliennes : de ce fait, les impacts sont qualifiés de faibles et très faibles, alors que le dossier ne montre pas les impacts qu'il y aura dans le village ou en léger retrait du village avec les monuments historiques en premier plan des éoliennes ", il résulte de l'instruction que depuis la sortie nord de Beaumais, le projet forme une ligne régulière sur l'horizon, à l'échelle de ce paysage de grandes cultures dans lequel il s'insère. Depuis le lieu-dit La Rue à Beaumais, les pales sont visibles au milieu de la végétation, en arrière-plan. Le projet est donc très peu prégnant.

69. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 62 à 68 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet porterait atteinte aux intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et notamment aux monuments historiques.

S'agissant des atteintes à des points topographiques particuliers (paysages) :

70. Il ressort des photomontages réalisés par la société sur recommandation de la mission régionale de l'autorité environnementale que depuis la sortie sud de Vicques sur la D148, le projet est bien distinct de la Cuesta du Pays d'Auge, avec un écart visuel d'environ 15°, sans aucun effet de rupture d'échelle ni de concurrence visuelle. Il en est de même depuis le GRP vers Merri avec un écart d'environ 35° au Mont Hurel, à l'est, depuis le dolmen de la V... Levée à Fontaine-les-Bassets, depuis la sortie nord-ouest de Louvières-en-Auge, depuis la silhouette de Trun depuis le GRP du Pays d'Auge, depuis le panorama de Magny dans le Couloir de la Mort, depuis la motte castrale de Bailleul, depuis l'échangeur de l'A88 et la D958, depuis la limite d'urbanisation à l'est de Falaise, depuis le donjon du château de Guillaume à Falaise. Les percées visuelles sur la Cuesta du Pays d'auge et vers le nord sont préservées du fait notamment de la présence de la végétation.

71. Le photomontage relatif au panorama de Magny dans le " Couloir de la Mort ", réalisé par le bureau d'études Enviroscop, montre que le projet est en réalité en grande partie masqué par le relief, seule la partie supérieure des éoliennes étant visible, sous forme d'une ligne dirigée vers le nord. En outre, le projet est situé en ligne de crête et est à l'échelle des éléments alentours et peu prégnant. Les impacts visuels sont donc faibles, comme l'a rappelé le bureau d'études dans sa note complémentaire du 17 mai 2023.

72. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet porterait atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et notamment aux paysages tels que à la " Cuesta " du pays d'Auge que le projet écraserait de toute sa hauteur et au panorama de Magny dans le " Couloir de la Mort " relativement aux " paysages témoins de la Bataille de Normandie ".

S'agissant de la minimisation de l'impact du projet sur le paysage :

73. Les appelants soutiennent que l'étude d'impact de la société pétitionnaire minimise l'impact du projet sur le paysage en s'appuyant sur l'avis rendu par la mission régionale d'autorité environnementale le 11 juin 2020 selon lequel il ressortirait des coupes et photomontages de l'étude d'impact un " écrasement de la perception de la cuesta d'Auge du fait d'un rapport d'échelle défavorable ", une analyse insuffisante de l'impact du projet sur certains monuments et sites protégés (château de Fontaine-les-Bassets, le domaine du Haras du Pin, la motte castrale de Bailleul ou le couloir de la Mort), et une minimisation des incidences visuelles depuis les bourgs riverains (écrasement de la silhouette de Norrey-en-Auge et altération du caractère rural de l'église des Grands-Moutiers). Toutefois, postérieurement à l'édiction de cet avis le carnet de photomontages du volet paysager a été complété par sept nouveaux photomontages par rapport à celui de l'étude d'impact soumise à l'autorité environnementale qui montent que depuis le château de Fontaine-les-bassets, le château du Haras du pin, la motte castrale de Bailleul et le panorama de Magny dans le couloir de la mort, les impacts visuels sont faibles et que le projet n'emporte pas de rupture d'échelle ni de concurrence visuelle prégnante avec les éléments paysagers et demeure notamment bien distinct de la cuesta du pays d'Auge qui structure le paysage de la plaine de Trun à l'Est avec un écart d'environ 15 degrés. Par ailleurs, s'agissant du village de Norrey-en-Auge, l'étude paysagère relève une visibilité du projet depuis les alentours de l'église de Norrey-en-Auge mais souligne qu'il " ne vient pas perturber la vue. En effet, le bâti traditionnel, le cimetière et l'église continuent de focaliser le regard. Les impacts visuels sont faibles à nuls. " alors au demeurant qu'il est prévu par l'arrêté contesté des mesures de réduction et d'accompagnement et notamment la réfection du mur du cimetière de Norrey-sur-Auge et un renforcement de la trame bocagère depuis l'entrée du village et depuis la rue du logis. En outre, s'agissant de l'église des Grands-Moutiers, si l'étude paysagère montre bien que deux éoliennes entrent en covisibilité directe avec l'église, celle-ci n'est pas protégée et une mesure de réduction est prévue consistant à renforcer la trame bocagère des lieux de vie, en particulier, aux Grands Moutiers, à l'entrée sud-est, ce qui permettra de masquer les éoliennes. Enfin, si les avis émis les 5 mai 2020, 20 mai 2020, 25 juin 2021 et 26 juillet 2021 des architectes des bâtiments de France sont défavorables en raison notamment d'impact visuels sur le patrimoine et le paysage, ils ont été émis avant que la société pétitionnaire ne complète le volet paysager et renforce les mesures de réduction prévues par l'arrêté contesté.

74. Ainsi, compte tenu de ce qui vient d'être dit sans dénier l'impact visuel que le projet entraînera dans un paysage déjà anthropisé qui n'est pas caractérisé par un intérêt particulier, il ne résulte pas de l'instruction que cette atteinte puisse être qualifiée de particulièrement sensible et de nature à révéler une atteinte aux intérêt protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et à la commodité du voisinage.

Sur l'atteinte à la sécurité publique :

75. L'étude réalisée par le bureau d'études Qinetiq, organisme reconnu par l'Etat comme étant chargé de l'étude des perturbations générées par les éoliennes sur les radars météorologiques par une décision du ministre de la transition écologique du 3 février 2022, qui est systématiquement sollicitée en cas de risque de perturbations d'un projet éolien sur les radars météorologiques, conformément aux dispositions de l'article D. 181-15-2 12° d) du code de l'environnement, conclut à la compatibilité du projet avec le radar Météo France et au maintien d'un excellent niveau de sécurité. Le projet n'est pas susceptible de perturber significativement le fonctionnement du radar météorologique de Falaise et de porter ainsi atteinte à la sécurité des personnes et des biens.

76. Le rejet en 2012 d'une demande de permis de construire d'un projet voisin de celui de la société exposante, à Morteaux-Couliboeuf, par le préfet du Calvados pour atteinte à la sécurité publique au motif qu'il aurait reçu un avis défavorable de Météo France est sans incidence.

77. L'avis rendu par Météo France le 11 mai 2020 était joint au dossier d'autorisation environnementale soumis à enquête publique. Dès lors le public a bien été informé de l'impact du projet de la société pétitionnaire sur le radar météorologique de Falaise. Le moyen tiré de ce que l'avis de Météo France serait contraire au droit d'un procès équitable au motif qu'il ne s'inscrirait pas dans le cadre d'une procédure contradictoire doit être écarté.

78. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête, que l'association " SOS Pays de Falaise " et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 12 avril 2022. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 1 000 euros sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association " SOS Pays de Falaise " et autres est rejetée.

Article 2 : L'association " SOS Pays de Falaise " et autres verseront solidairement à la Société éoliennes du pays d'Auge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Q... R... représentante unique des requérants, à la Société Eoliennes du pays d'Auge et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02688
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ELFASSI PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;22nt02688 ?
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