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12/04/2024 | FRANCE | N°22NT03486

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 12 avril 2024, 22NT03486


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 11 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 11 août 2021 des autorités consulaires françaises en Sierra-Leone refusant de délivrer à son fils, D... A... B..., un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.



Par un jugement n°220150

1 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 11 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 11 août 2021 des autorités consulaires françaises en Sierra-Leone refusant de délivrer à son fils, D... A... B..., un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n°2201501 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 novembre 2022 et 24 juillet 2023 et un mémoire non communiqué enregistré le 31 octobre 2023, Mme B..., représentée par

Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 11 décembre 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- n'ayant plus aucune nouvelle du père de son fils depuis son départ de la Sierra Leone, elle est dans l'impossibilité de produire un jugement de délégation de l'autorité parentale ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle a conservé des relations avec son fils depuis son départ de la Sierra Leone ; elle contribue à son éducation et à son entretien en envoyant régulièrement des mandats ; l'enfant ne vit pas avec son père ; il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de vivre à ses côtés en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante sierra-léonaise née le 15 juin 1986, a obtenu la qualité de réfugiée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 1er avril 2019. Par une décision du 11 août 2021, les autorités consulaires françaises en

Sierra-Leone ont refusé de délivrer à son fils, D... A... B..., un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale. Par une décision implicite née le 11 décembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme B... contre cette décision consulaire. Par un jugement du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Mme B..., dont le lien de filiation avec l'enfant D... A... B... né le 7 mai 2010 en Sierra-Leone n'est pas contesté, soutient ne plus avoir aucune nouvelle de son concubin, père de l'enfant, depuis le mois de septembre 2011 alors qu'il était recherché par la police. Cette allégation est corroborée par les déclarations qu'elle a faites auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lors d'un entretien en novembre 2016 avec un agent de l'OFPRA et par le récit qu'elle a présenté dans le cadre de sa demande d'admission à l'asile. Elle soutient également, sans être contestée, avoir confié depuis son départ son enfant, dans un premier temps à une voisine, puis à sa sœur aînée et enfin à sa sœur cadette qui réside en Guinée, auxquelles elle a adressé des mandats financiers, avant de le placer dans un orphelinat en Guinée à la demande de sa sœur. Dans ces conditions, et alors que l'intérêt de l'enfant, âgé de 11 ans à la date de la décision contestée, est de vivre auprès de sa mère, la décision de la commission de recours porte atteinte à l'intérêt supérieur du jeune D... A... B... et a été prise en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à l'enfant D... A... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Cavelier dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 septembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant D... A... B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à l'enfant D... A... B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cavelier une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03486
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22nt03486 ?
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