La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2024 | FRANCE | N°22NT01901

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 12 avril 2024, 22NT01901


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du 9 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 janvier 2020 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer aux jeunes C..., A... et E... F... des visas d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.





Par un jugement n° 2111331 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du 9 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 janvier 2020 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer aux jeunes C..., A... et E... F... des visas d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2111331 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 et 30 juin 2022, M. F..., représenté par Me Helalian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite du 9 septembre 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes C..., A... et E... F... les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. F... soutient que :

- la décision de l'autorité consulaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour sont fiables ;

- en estimant que le lien de filiation l'unissant aux demandeurs n'était pas établi, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Bamako rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour les jeunes C..., A... et E... F... au titre de la procédure de regroupement familial. M. F... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-3 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes de l'article L. 434-4 du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit présente un caractère frauduleux.

5. Il ressort du mémoire en défense produit en première instance par le ministre de l'intérieur que, pour rejeter le recours de M. F..., la commission s'est fondée sur le motif tiré de ce que les actes d'état civil produits par les demandeurs étaient inauthentiques et qu'en tout état de cause, ils ne pouvaient, en l'absence d'acte de reconnaissance de paternité, établir le lien de filiation paternel allégué.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui des demandes de visa présentées pour les enfants C..., A... et E... ont été produits les actes nos 505, 506 et 507 établis le 14 octobre 2019 par l'officier de l'état civil du centre principal de Lambidou, sur présentation de jugements supplétifs d'actes de naissance nos 3723, 3726 et 3727 rendus le 11 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Diema, alors, d'une part, que dans le cadre de la procédure de demande d'autorisation de regroupement familial, d'autres actes nos 68 , 69 et 70, dressés le 24 février 2017 par le centre principal d'état civil de Lambidou, avaient été présentés par les intéressés et, d'autre part, que d'autres actes de naissance, sont mentionnés pour les enfants C... et E... dans leur livret de famille, portant respectivement les numéros 187 et 344. Si

M. F... n'a pas expliqué la coexistence de ces différents actes de naissance portant sur les mêmes enfants, il produit les jugements supplétifs d'acte de naissance rendus le 24 février 2017 par le tribunal d'instance de Diema, en exécution desquels les actes nos 68 , 69 et 70 précédemment mentionnés, ont été transcrits le jour même dans les registres de l'état civil, ainsi qu' un jugement du 10 février 2022 de ce même tribunal d'instance annulant les autres jugements supplétifs n°3723, 3726 et n°3727 rendus le 11 octobre 2019, au motif qu'ils faisaient double emploi avec ceux du 24 février 2017. Les circonstances que le jugement d'annulation rendu le 12 février 2022 ne soit pas signé et qu'il ait été rendu à la demande d'un tiers dont le lien avec la famille n'est pas établi, ne suffisent pas à caractériser une fraude. Par ailleurs, la circonstance que les actes de naissance nos 68, 69 et 70 du 24 février 2017 ne comportent pas le numéro d'identification national des personnes physiques et morales dit " B... " institué par la loi malienne n°06-40 du 11 août 2006, et le fait qu'ils aient été inscrits dans les registres de l'année en cours, alors que les jugements supplétifs du 24 février 2017 ordonnaient une transcription dans les registres des années de naissance, ne permettent pas de démontrer le caractère frauduleux de ces jugements supplétifs. Si les demandeurs de visas sont nés en dehors des liens du mariage, et n'ont pas fait l'objet d'un acte de reconnaissance de la part de M. F..., le lien de filiation paternel qu'ils invoquent est établi par ces jugements supplétifs, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 36 du code malien de la parenté. Par suite, en estimant que la filiation paternelle n'était pas établie et en rejetant les demandes de visas pour ce motif, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés aux enfants C..., A... et E... F.... Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. F... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visas d'entrée et de long séjour en France présentée pour les enfants C..., A... et E... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer au jeunes C..., A... et E... F... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLe greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01901
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : HELALIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22nt01901 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award