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12/04/2024 | FRANCE | N°22NT01220

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 12 avril 2024, 22NT01220


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... D..., Mme E... H... et Mme J... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 juillet 2020 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) refusant de délivrer à Mme E... H..., à Mme J... D... et aux jeunes C... D..., F... D... et I... D... des visas de long séjour au tit

re du regroupement familial.



Par un jugement n° 2104264 du 18 octobre 2021, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D..., Mme E... H... et Mme J... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 juillet 2020 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) refusant de délivrer à Mme E... H..., à Mme J... D... et aux jeunes C... D..., F... D... et I... D... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2104264 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 6 juillet 2020 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en tant que celle-ci porte refus de délivrance de visas de long séjour à Mme E... H... et aux jeunes C... D..., F... D... et I... D... et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril et 17 mai 2022, M. G... D... et Mme J... D..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2020 de la commission de recours en ce qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D... ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours du 6 juillet 2020 en ce qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 800 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée et n'a pas été prise au terme d'un examen réel et sérieux de la situation de Mme J... D... ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état-civil produits et la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- et les observations de Me Pavy, pour M. G... D... et Mme J... D....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 22 novembre 2018, le sous-préfet du Raincy a accordé à M. D..., ressortissant malien né le 1er septembre 1973 à Kita (Mali), une autorisation de regroupement familial au profit de son épouse alléguée, Mme E... H..., des enfants C... D..., F... D... et I... D..., nés respectivement le 18 juillet 2003, le 4 avril 2008 et le 17 octobre 2016, qu'il allègue avoir eus avec Mme H..., ainsi que de l'enfant J... D..., née le 1er janvier 2002 qu'il allègue avoir eue avec Mme A... B.... Par une décision du 6 juillet 2020, les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées pour Mme H... et les jeunes J..., C..., F... et I... au titre du regroupement familial. Le recours formé à l'encontre de cette décision devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a été rejeté par décision de cette commission du 4 novembre 2020, dont M. D..., Mme H... et Mme J... D... ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 18 octobre 2021, ce tribunal a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 4 novembre 2020 en tant qu'elle a refusé un visa à Mme H... et aux enfants C..., F... et I..., nés de l'union de celle-ci avec M. D... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. D... et Mme J... D... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2020 de la commission de recours en ce qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour refuser, par la décision du 4 novembre 2020 contestée, de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur deux motifs tirés, d'une part, de ce que l'identité et le lien de filiation de Mme J... D... avec M. D... ne sont pas établis et, d'autre part, de ce que la production de documents d'identité dépourvus de caractère authentique révèle l'intention frauduleuse de la demandeuse de visa.

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. "

4. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. Pour justifier de l'identité et du lien de filiation de Mme J... D..., il est produit le volet n° 3 de l'acte de naissance n° 045, établi sur la déclaration du 1er janvier 2002 par un officier d'état civil du centre principal de Korofina, qui mentionne la naissance de l'intéressée, ce même jour , à Korofina, de l'union de M. G... D... et de Mme A... B..., un extrait de cet acte établi le 27 mai 2021, légalisé par le ministère des affaires étrangères malien et authentifié par le président du tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako, un livret de famille délivré le 26 mars 2020 ainsi que, pour la première fois en appel, un jugement du tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako du 13 avril 2022 portant confirmation de la filiation légitime mentionnée sur cet acte d'état-civil.

8. D'une part, le ministre de l'intérieur n'établit pas que l'acte de naissance du 1er janvier 2022 aurait été établi en méconnaissance de l'article 160 du code de la famille et des personnes de la République du Mali, selon lequel l'acte de naissance d'une personne née hors mariage n'indique l'identité que du ou des parents qui reconnaissent l'enfant, dès lors que, ainsi que le font valoir M. D... et Mme J... D..., l'article 36 du code de la parenté malien prévoit que la reconnaissance peut résulter de l'acte de naissance lui-même et que l'acte en cause a été établi sur déclaration faite le jour même de la naissance de Mme J... D.... D'autre part, le ministre de l'intérieur ne critique aucunement le jugement du 13 avril 2022, qui ne revêt pas un caractère frauduleux.

9. L'identité et le lien de filiation entre M. D... et Mme J... D... doivent dès lors être regardés comme établis. Ainsi, en rejetant la demande de visa présentée par

Mme J... D... au motif qu'ils ne l'étaient pas, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... et Mme J... D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 6 juillet 2020 en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme J... D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des

outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. D... et Mme J... D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. D... et autres tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2020 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D....

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 juillet 2020 est annulée en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... D....

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme J... D... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. D... et Mme J... D... une somme globale de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... et de Mme J... D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à Mme J... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01220
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22nt01220 ?
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