La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°22NT03560

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 09 avril 2024, 22NT03560


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 5 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.



Par un jugement n° 2203444 du 7 novembre 2022

, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours cont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 5 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2203444 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. A... le visa demandé dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que le mariage de M. A... avec une ressortissante française revêt un caractère frauduleux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2023, M. D... A..., représenté par Me Hmaida, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2203444 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en date du 22 décembre 2021, mentionne qu'en l'absence de réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois, la décision implicite de rejet est réputée prise pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Dès lors, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est réputée être fondée sur le motif, opposé par les autorités consulaires, tiré du caractère frauduleux du projet d'installation en France de M. A..., lequel est sans rapport avec l'objet du visa de conjoint de ressortissant français.

3. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'une ressortissante française dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

4. M. A..., ressortissant tunisien né le 14 août 1994, a épousé Mme B... C..., ressortissante française née le 2 août 1999, en France le 20 juin 2020. Pour établir le caractère frauduleux du mariage, l'administration se prévaut de la circonstance que le couple ne vivait pas au même domicile avant leur mariage et du parcours migratoire de M. A..., lequel est entré irrégulièrement en France à plusieurs reprises dès l'âge de 17 ans et a fait l'objet de plusieurs obligations de quitter le territoire français qu'il a exécutées ainsi que de fausses déclarations lors de ces procédures visant à le renvoyer en Tunisie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des captures d'écran de leurs téléphones, que la relation du couple a débuté plusieurs mois avant le mariage, qu'habitant à proximité l'un de l'autre, ils se sont rencontrés très régulièrement et qu'ils ont échangé et continuent d'échanger quotidiennement de nombreux messages lesquels apparaissent personnels et non stéréotypés. En outre, Mme C... s'est rendue en Tunisie du 9 au 17 janvier 2022 pour rendre visite à son époux ainsi que le confirment plusieurs photographies prises sur place. Compte tenu notamment des éléments produits par le requérant, les circonstances invoquées par l'administration ne permettent pas à elles seules d'établir le caractère frauduleux du mariage et l'absence d'intention matrimoniale des époux. Par suite, en refusant de délivrer le visa demandé, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03560
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : HMAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22nt03560 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award