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09/04/2024 | FRANCE | N°22NT03508

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 09 avril 2024, 22NT03508


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 juillet 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 18 mai 2021 de l'autorité consulaire française au Burundi refusant de délivrer à Mme B... E... et aux enfants H... F..., C... F... et G... F... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.



Par un jugement n° 2200635 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 juillet 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 18 mai 2021 de l'autorité consulaire française au Burundi refusant de délivrer à Mme B... E... et aux enfants H... F..., C... F... et G... F... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2200635 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 novembre 2022 et 4 décembre 2023, M. D... F..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas demandés ou de réexaminer les demandes, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pronost, son avocate, de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 561-2, L. 561-4, L. 434-3 et L. 431-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'identité des demandeurs de visa et leurs liens familiaux avec le réunifiant sont établis par les actes d'état civil produits et par des éléments de possession d'état ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2200635 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, refusant de délivrer à Mme B... E... et aux enfants H... F..., C... F... et G... F... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. M. F... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, la décision de la commission de recours fait référence aux articles L. 311-1 et L. 561-2 à L. 561-5 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également qu'elle est fondée sur ce que l'acte de naissance de Mme B... E... n'est pas conforme à la loi locale et ne respecte pas les conditions prévues par l'article 197 du code de procédure civile burundais et sur ce qu'aucune demande de visa n'a été déposée pour l'enfant Houria Biliqs F..., un des quatre enfants déclarés lors de la demande d'asile, rompant ainsi le principe d'unité familiale. Dans ces conditions, la décision contestée comprend les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) ". A... termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ". A... termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

4. A... termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". A... termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance de Mme B... E..., ressortissante burundaise née le 1er juillet 1993, a été dressé le 10 juin 2014 sur la base d'une décision du 28 mai 2014 portant établissement d'un acte de naissance malgré l'expiration des délais légaux de déclaration. Si l'administration soutient que cet acte ne respecterait pas les dispositions de l'article 197 du code de procédure civile, ces dernières fixent le délai d'appel ouvert à l'encontre des jugements contradictoires et sont sans lien avec l'acte de naissance ainsi produit. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu légalement fonder le refus de délivrance de visa demandé par Mme B... E... sur le motif tiré de ce que l'acte de naissance de l'intéressée n'est pas conforme à la loi locale et ne respecte pas les conditions prévues par l'article 197 du code de procédure civile burundais.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ". A... termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ". En outre, aux termes de l'article L. 434-4 du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'enfant, mineur de dix-huit ans, souhaitant rejoindre son parent réfugié sans son autre parent, bénéficie de plein droit de la délivrance d'un visa de long séjour soit lorsque son autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale, soit s'il a été confié à son parent réfugié ou au conjoint de ce dernier en exécution d'une décision d'une juridiction étrangère et est muni de l'autorisation de son autre parent. Il résulte en outre de ces dispositions que la réunification doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'identité et les liens de filiation avec le réunifiant sont établis et non contestés s'agissant des enfants H... F..., C... F... et G... F... pour lesquels les visas ont été demandés. M. F... est entré en France le 22 septembre 2018 et a obtenu le statut de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 28 novembre 2018. Lors de ses démarches en vue d'obtenir le statut de réfugié, l'intéressé avait déclaré avoir eu quatre enfants avec son épouse Mme B... E... mais il est constant qu'aucune demande de visa n'a été présentée pour l'enfant Houria Biliqs F..., née le 16 décembre 2015. M. F... soutient que cette enfant serait née d'un adultère qui lui a été révélé tardivement et que le conseil de famille aurait décidé de confier l'enfant à sa tante maternelle, laquelle vit également avec la mère de Mme E.... Si le requérant produit un jugement rendu le 27 janvier 2022 par le tribunal de résidence de Ruyaga, celui-ci comprend de grossières fautes d'orthographe, y compris dans la dénomination même de la juridiction et les en-têtes, et se borne à valider une décision du conseil de famille, de sorte qu'il ne permet pas de remettre en cause la filiation de l'enfant avec M. F.... A la date de la décision contestée, l'enfant Houria Biliqs F... est considérée comme étant la fille de M. F... et Mme B... E.... Dans ces conditions, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant que la demande de visa présentait le caractère d'une réunification partielle non justifiée pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants et n'a pas entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de l'intérêt pour l'enfant Houria Biliqs F... à rester au Burundi. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce seul motif, lequel suffisait à la justifier légalement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03508
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22nt03508 ?
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