La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°22NT02308

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 09 avril 2024, 22NT02308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D..., Mme B... D... et la société civile immobilière Christobal ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le maire de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) a délivré à M. C... un permis de construire portant sur la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation située 295 rue de la Guériplais ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 21 janvier 2020.



Par un jugement n° 2002117 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D..., Mme B... D... et la société civile immobilière Christobal ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le maire de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) a délivré à M. C... un permis de construire portant sur la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation située 295 rue de la Guériplais ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 21 janvier 2020.

Par un jugement n° 2002117 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2022, 20 août 2022 et 19 octobre 2023, M. A... C..., représenté par Me Barrault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 mai 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D... et par la société civile immobilière Christobal devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... ainsi que de la société Christobal le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'intérêt à agir des demandeurs ;

- les premiers juges ont admis à tort la recevabilité de la demande qui était prématurée ; les demandeurs n'avaient pas intérêt à agir ;

- la demande de permis de construire ne devait pas porter sur l'ensemble de la construction ;

- l'arrêté contesté ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté contesté ne méconnait pas les dispositions des articles NPb1 et NPb2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- cet arrêté ne méconnait pas l'emplacement réservé n°21 du plan local d'urbanisme ;

- ce permis de construire ne méconnait pas les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, Mme B... D... et la société civile immobilière Christobal, représentées par Me Tugault, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

La commune de Saint-Lunaire, représentée par Me Rouhaud, a présenté des observations le 19 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°69-9 du 3 janvier 1969 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Messéant, substituant Me Rouhaud, représentant la commune de Saint-Lunaire.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 août 2019, M. C... a déposé en mairie de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) une demande de permis de construire portant sur la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation située 295 rue de la Guériplais. Par un arrêté en date du 26 novembre 2019, le maire de la commune de Saint-Lunaire a accordé l'autorisation sollicitée. M. et Mme D... ont formé, le 21 janvier 2020, un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté. M. et Mme D... ainsi que la société Christobal ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. M. C... relève appel du jugement du 20 mai 2022 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 26 novembre 2019 ainsi que la décision implicite de rejet dudit recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui des moyens de défense, ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont estimé que le projet de M. C... était de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de la propriété des demandeurs. Ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué, s'agissant de l'intérêt à agir des demandeurs de première instance, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D..., gérants de la société Christobal, laquelle est propriétaire d'une maison d'habitation sur un terrain sis 260 rue de la Guériplais, situé en face de la parcelle d'assiette du projet en litige, dont elle est séparée seulement par une route, en sont les voisins immédiats. Le projet consistant en la surélévation d'une maison d'habitation qui atteindra une hauteur de 7,38 mètres au faitage, sera visible depuis leur propriété, alors que la maison actuellement implantée sur la parcelle est de faible hauteur et est totalement masquée par la végétation présente. Il ressort des pièces photographiques produites que l'opération projetée aura une incidence sur les vues dont les intéressés disposent depuis leur propriété sur la campagne environnante. Dans ces conditions, les travaux projetés sont susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien de la société Christobal sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce bien constituerait une résidence secondaire. Par suite M. et Mme D... ainsi que la société Christobal, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre du permis contesté.

7. En second lieu, le moyen tiré de ce que la demande de M. et Mme D... et de la société Christobal, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 22 mai 2020 et dirigée contre un permis de construire délivré le 26 novembre 2019 ainsi que contre la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 21 janvier 2020, aurait été prématurée n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif de Rennes :

8. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation.

9. En premier lieu, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.

10. Aux termes de l'article 85 de la loi du 3 janvier 1969 modifiant et complétant le code de l'urbanisme et de l'habitation en ce qui concerne le permis de construire : " Le permis de construire n'est pas exigé dans les conditions et sous les réserves indiquées aux articles 85-1 et 85-2 ci-après : (...) 2° Pour les constructions édifiées sur certaines parties du territoire désignées dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, qui pourront être : a) des communes ou parties de communes faisant l'objet soit d'un plan d'occupation des sols opposable aux tiers, dont la modification n'a pas été prescrite, soit d'un plan d'urbanisme approuvé dont la révision n'a pas été ordonnée (...) ". Aux termes de l'article 85-2 de la même loi : " (...) quiconque désire entreprendre une construction en bénéficiant des dispositions de l'article 85 ci-dessus, doit, au préalable, faire une déclaration accompagnée des pièces suivantes : a) Un projet établi par un architecte (...) ; b) La certification par cet architecte (...) de la conformité du projet aux dispositions législatives et règlementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords ; c) L'engagement de respecter ces dispositions législatives et règlementaires ainsi que les règles générales de construction (...) ". Aux termes de l'article 85-3 de cette loi : " Le dépôt de la déclaration a les mêmes effets que la délivrance du permis de construire (...) ". Aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu'aucun permis de construire n'ait été obtenu alors que celui-ci était requis ; (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux porte sur la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation, dont il est constant qu'elle n'a pas fait l'objet d'un permis de construire. D'une part, cette maison, construite après 1969 ainsi que l'admet M. C..., n'est pas antérieure à la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire. D'autre part, si l'article 85 précité de la loi du 3 janvier 1969 a dispensé les constructions édifiées dans certaines parties du territoire de permis de construire, dans des conditions définies par décret, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que la commune de Saint-Lunaire aurait lors de la construction disposé d'un plan d'occupation des sols et aurait été désignée comme partie du territoire dispensée de permis de construire au titre des dispositions précitées. En tout état de cause, les dispositions de l'article 85-2 précitées de la loi du 3 janvier 1969 faisaient obligation au pétitionnaire souhaitant réaliser une construction pour laquelle un permis de construire n'était pas exigé, de déposer une déclaration accompagnée de pièces justificatives, cette déclaration ayant alors le même effet qu'un permis de construire. Il n'est ni établi ni même allégué que la construction existante aurait satisfait à cette obligation de déclaration. Ainsi, la maison de M. C... doit être regardée comme ayant été implantée en méconnaissance des règles relatives aux permis de construire. Dans ces conditions, et sans que les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme puissent y faire obstacle, M. C... était tenu de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment et le maire de Saint-Lunaire, en l'absence de celle-ci, était tenu d'opposer un refus à la demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés. Par suite, l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure et d'une erreur de droit.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l'objet ne serait pas conforme à la destination de l'emplacement réservé, tant qu'aucune modification du plan local d'urbanisme emportant changement de la destination n'est intervenue. En revanche, un permis de construire portant à la fois sur l'opération en vue de laquelle l'emplacement a été réservé et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l'emplacement réservé.

13. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. C... est, pour partie, grevée par l'emplacement réservé n°21 destiné à l'élargissement de la route départementale n°786. L'opération projetée consistant en l'extension et la surélévation d'une maison d'habitation qui est incluse dans l'emplacement réservé n° 21 n'est pas compatible avec ce dernier. Dans ces conditions, en délivrant le permis de construire contesté, le maire de Saint-Lunaire a fait une inexacte application des dispositions précitées.

14. En troisième lieu, l'article NPb1 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire " interdit les constructions et installations du sol de toute nature (...) sauf ceux exposé en NPb2 ". Par dérogation, sont autorisés au titre de l'article NPb2.1 du règlement de plan local d'urbanisme " l'aménagement et la restauration des constructions existantes avec ou sans changement de destination du patrimoine bâti ancien (en pierre ou en terre) ainsi que leurs extensions à concurrence de 50 % maximum de leur emprise au sol initiale, sans excéder toutefois 100 m² d'emprise au sol ". Sont également autorisées au titre de l'article NPb2.4 du même règlement : " la construction de bâtiments annexes aux habitations existantes et l'extension de ces habitations (conformément aux dispositions énoncées à l'alinéa 2.1) ".

15. Un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme aux documents et règles générales d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.

16. La parcelle d'implantation du projet est située en zone NPb du plan local d'urbanisme qui prohibe les constructions nouvelles. D'une part, il ressort de la demande de permis de construire que le projet autorisé de M. C... consiste, selon le dossier de la demande, en la surélévation d'un niveau, par la création d'un étage sous combles, du bâtiment existant et en l'extension de celui-ci, portant ainsi l'emprise au sol de 52,80 m² à 66 m², dans le respect des dispositions de l'article NPb2 précitées, tandis que seules la façade sud et la couverture seront déposées. Si le gabarit, les ouvertures ainsi que le revêtement extérieur du bâtiment sont modifiés par l'opération envisagée, ces circonstances ne permettent pas de regarder les travaux autorisés comme constituant une construction nouvelle prohibée par les dispositions de l'article NPb1. Enfin, s'il ressort du constat d'huissier réalisé les 6 et 9 novembre 2020, que les travaux réalisés par M. C... ont en réalité conduit à la reconstruction des murs nord et ouest de la construction existante, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, soit le 26 novembre 2019. Dans ces conditions, l'arrêté contesté, qui autorise seulement l'extension et la surélévation d'un bâtiment existant, ne méconnait pas les dispositions de l'article NPb 2 précité.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-13 du même code : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) ".

18. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. Il résulte de ce qui précède que l'extension litigieuse d'une construction existante ne présente pas le caractère d'une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

19. La parcelle d'implantation du projet est incluse au sein du schéma de cohérence territoriale des communautés du Pays de Saint-Malo et du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Lunaire dans les espaces proches du rivage. Toutefois, l'opération autorisée consistant, seulement comme il a été dit au point 16, en l'extension et la surélévation d'une maison à usage d'habitation préexistante en portant son emprise au sol de 52,80 m² à 66 m², ne saurait présenter le caractère d'une extension de l'urbanisation. Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne méconnait pas les dispositions précitées des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme.

20. En dernier lieu, et pour l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, les vices mentionnés aux points 11 et 13 du présent arrêt ne sont pas susceptibles d'être régularisés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 26 novembre 2019 portant permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 21 janvier 2020 par M. et Mme D....

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D... et de la société Christobal qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C... une somme de 750 euros à verser à Mme D... et une somme de 750 euros à verser à la société Christobal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à Mme D... et à la société civile immobilière Christobal une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M.E... D..., à Mme B... D..., à la société civile immobilière Christobal et à la commune de Saint-Lunaire.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02308
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET FLORENCE BARRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22nt02308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award