Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bangui (République centrafricaine) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2114488 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des
outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le projet d'études de M. B... n'est ni cohérent ni sérieux ;
- le risque de détournement de l'objet du visa est avéré ; l'intéressé ne fournit pas d'indications suffisantes sur son hébergement en France ; il ne démontre aucune attache personnelle, matérielle et économique en Centrafrique ; il ne verse aucun engagement de son employeur à le reprendre à la fin de ses études ;
- il n'est pas en capacité de financer l'ensemble des frais de séjour et de ses frais de scolarité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais né le 19 juillet 1992, a sollicité la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant. Par une décision du
30 septembre 2021, les autorités consulaires françaises de Bangui ont refusé de lui délivrer le visa demandé. Par une décision du 2 février 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires. Par un jugement du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois (...) en qualité (...) d'étudiant (...) et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24 ".
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article
L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
5. L'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 dispose dans son point 2.1, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études " : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France ". Le point 2.2 de cette instruction, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il disposera de ressources suffisantes pour couvrir ses frais d'études " indique : " L'étranger doit apporter la preuve qu'il dispose de moyens d'existence suffisants pour la durée de validité du visa de long séjour pour études. Ces ressources doivent être équivalentes, pour l'ensemble de la période concernée, au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français, soit 615 euros en 2019. ".
6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour refuser de délivrer le visa sollicité, sur les motifs tirés de ce que la demande de visa pour études est devenue sans objet, la date de rentrée universitaire étant dépassée, de ce que l'intéressé n'a pas fourni la preuve qu'il dispose de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France et que, compte tenu de la situation personnelle de l'intéressé, âgé de 29 ans, célibataire et de l'absence d'éléments convaincants susceptibles d'assurer des conditions de retour suffisantes, il existe un risque de détournement de l'objet du visa.
7. Pour justifier de ses moyens de subsistance pendant son année d'études en France,
M. B... a produit, devant les premiers juges, une attestation de virement irrévocable prévoyant le versement mensuel à son profit d'une somme de 615 euros pendant douze mois. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, alors que les frais d'inscription dans l'établissement privé d'enseignement choisi par l'intéressé s'élevaient, au titre de l'année universitaire 2021-2022, à 6 200 euros, que M. B... n'a justifié s'être acquitté que des sommes de 60 euros et 1 500 euros en mars 2021. Ainsi que le soutient le ministre de l'intérieur, M. B... ne fournit aucune indication quant au financement de la part des frais d'inscription non acquittés, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi qu'il occupait en qualité d'agent de transit lui procurait un salaire mensuel de 182 euros et qu'il ne justifie ni même n'allègue détenir d'autres ressources propres. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte appréciation en estimant que M. B... ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes pour financer l'ensemble de ses frais liés à un séjour de longue durée en France. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce seul motif. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision de la commission de recours, sur le motif tiré de ce que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation " quant à la capacité de financement de sa scolarité " par l'intéressé.
8. Il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
9. En premier lieu, aux termes de l'article D. 312-3, dans sa rédaction applicable au litige : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 : " La commission instituée à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé siège à Nantes. Toutefois, à titre transitoire, elle peut également siéger à Paris jusqu'au 31 mars 2010. Elle se réunit sur convocation de son président. / Elle délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ".
10. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la feuille d'émargement produite par le ministre de l'intérieur en première instance, que la commission de recours s'est réunie, en sa séance du 2 février 2022, en présence de son président et de quatre de ses membres. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours manque en fait et doit être écarté.
11. En second lieu, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont les motifs ont été rappelés au point 6 et qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de la commission de recours doit être écarté comme manquant en fait.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à M. B... le visa sollicité.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02964