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29/03/2024 | FRANCE | N°22NT02722

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 29 mars 2024, 22NT02722


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 octobre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.



Par un jugement n° 2201

637 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 octobre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2201637 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2022 et le 7 février 2023, M. B..., représenté par Me Rouvier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa, dans un délai de trente jours à compter de la notification de cet arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnait l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son mariage avec une ressortissante française n'est pas frauduleux ; ils ont un enfant né le 16 août 2022 ;

- sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant représente une menace pour l'ordre public ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité conjoint de ressortissante française. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée, moyen que M. B... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée qui, ainsi qu'il vient d'être dit est suffisamment motivée, que la commission de recours aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.

5. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour prendre la décision contestée, sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur.

6. Pour établir le caractère frauduleux du mariage, le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir que l'ancienneté de la relation entre les époux n'était pas établie à la date du mariage et qu'il n'y a pas eu de communauté de vie avérée après le mariage. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment des nombreuses attestations versées au dossier qu'à la date du mariage la relation entre les époux datait d'au moins trois mois et que la réalité de leur vie commune est établie avant le retour en Tunisie de M. B.... Il ressort également des pièces du dossier, notamment du journal d'appels d'une application de messagerie instantanée et des justificatifs de voyage versés au dossier, que les échanges entre les époux n'ont pas cessé après le retour du requérant en Tunisie, que l'épouse de M. B... lui a rendu visite dans ce pays, du 5 septembre au 12 octobre 2021 et qu'à la date de la décision contestée, elle était enceinte de plus d'un mois. Aucun élément produit par le ministre ne permet d'écarter les pièces ainsi produites par le requérant et de remettre en cause la sincérité des intentions matrimoniales des deux époux. Dans ces conditions, et alors même que M. B... faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise le 31 mai 2020, après le rejet définitif de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en fondant son refus de délivrance d'un visa sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre fait valoir un nouveau motif, selon lequel eu égard à ses antécédents judiciaires, M. B... représente une menace à l'ordre public.

8. L 'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné, le 23 juillet 2020, à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant 4 mois, pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, commis le 31 mai 2020, et qu'il a été interpellé, le 25 octobre suivant, par les services de police, pour des faits analogues et un refus d'obtempérer, commis en période de couvre-feu, et qu'il ne conteste pas. Eu égard à la nature et à la gravité de ces faits, M. B... doit être regardé comme représentant une menace pour l'ordre public. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif, qui ne prive le demandeur d'aucune garantie procédurale, de nature à fonder légalement la décision de refus de visa en cause.

10. Il suit de là qu'il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

11. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le mariage de M. B... avec une ressortissante française datait de moins de huit mois et que, si cette dernière était enceinte, la grossesse ne datait alors que d'un mois. Au surplus, il n'est pas établi ni même allégué que son épouse aurait été dans l'impossibilité de lui rendre visite en Tunisie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Si un enfant est né de l'union de M. B... et de son épouse, la naissance est postérieure à la décision contestée, à l'encontre de laquelle M. B... ne peut donc utilement soutenir qu'elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des

outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02722
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ROUVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;22nt02722 ?
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