La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2024 | FRANCE | N°22NT00457

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 26 mars 2024, 22NT00457


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Sous le n° 1903830 M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération a tacitement rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune de Binic en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 007 AL nos 584, 587 et 590 en zone N, et la parcelle n° 584 en espace boisé classé et, d'autre par

t, au classement en zone U de ces parcelles, ainsi que, dans cette mesure, la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1903830 M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération a tacitement rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune de Binic en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section 007 AL nos 584, 587 et 590 en zone N, et la parcelle n° 584 en espace boisé classé et, d'autre part, au classement en zone U de ces parcelles, ainsi que, dans cette mesure, la décision du maire de la commune de Binic-Étables-sur-Mer du 15 octobre 2018 rejetant sa demande d'abrogation de la délibération de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération approuvant ce plan local d'urbanisme et d'annulation de la délibération du conseil municipal de Binic du 31 mai 2018 approuvant le même plan local d'urbanisme.

Sous le n° 1904922 M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 juillet 2019 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération a rejeté sa demande tendant, d'une part, à saisir le conseil d'agglomération de sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune de Binic en tant qu'il classe les terrains cadastrés section 007 AL nos 584, 587 et 590 en zone N, et la parcelle n° 584 en espace boisé classé et, d'autre part, au classement en zone U de ces parcelles.

Par un jugement nos 1903830, 1904922 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 27 juin 2022, M. A... B..., représenté par Me Balaÿ, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation des décisions de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération ;

2°) d'annuler les décisions de la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération des 18 juin et 29 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération de convoquer le conseil d'agglomération afin qu'il abroge le plan local d'urbanisme de la commune de Binic en tant qu'il classe ses parcelles en zone N, et sa parcelle n° 584 en espace boisé classé, subsidiairement de reclasser partiellement ses parcelles AL 587 et 590 et le sud de la parcelle 584 en zone urbaine, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le classement en zone N de ses parcelles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme et du règlement du plan local d'urbanisme ; ses parcelles devaient être classées en zone urbaine ;

- ce classement repose sur des incohérences au sens de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, dont ses cartes, du plan local d'urbanisme ;

- ce classement en zone N est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- le classement en espace boisé classé de ses parcelles est intervenu en méconnaissance de l'article L. 130-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme et des dispositions spécifiques au littoral de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandes de première instance étaient irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Geffroy substituant Me Balaÿ, représentant M. B..., et de Me Lefeuvre, représentant la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire des parcelles cadastrées AL 584, 587 et 590 d'une contenance totale de 1 058 m², situées Côte de Trompe Souris sur le territoire de la commune de Binic-Étables-sur-Mer (Côtes-d'Armor). Après qu'un certificat d'urbanisme opérationnel lui eut été délivré le 24 septembre 2018 par le maire de cette commune, déclarant non réalisable l'opération de construction d'une maison individuelle sur ces parcelles, il a présenté le 1er octobre suivant à la même autorité une demande de retrait de la délibération du 31 mai 2018 du " conseil d'agglomération de Binic-Étables-sur-Mer " approuvant le plan local d'urbanisme en ce qu'il classe les parcelles précitées en zone naturelle. Par une lettre du 16 avril 2019, M. B... a ensuite demandé à la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération de saisir le conseil d'agglomération de sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de Binic-Étables-sur-Mer, en tant que ses trois parcelles sont classées en zone N et la parcelle n° 584 en espace boisé classé, et de procéder à leur classement en zone U. Cette demande a été rejetée d'abord tacitement le 18 juin 2019 puis par une décision du 29 juillet 2019 de sa présidente. M. B... relève appel du jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions de la présidente de la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Binic a approuvé son plan local d'urbanisme communal le 15 septembre 2015. Après sa fusion avec une commune voisine, elle est devenue en 2016 la commune de Binic-Étables-sur-Mer et a conservé son propre plan local d'urbanisme. Depuis le 27 mars 2017, la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération a acquis la compétence en matière d'élaboration de plan local d'urbanisme, la commune de Binic-Étables-sur-Mer restant à ce jour régie par le plan local d'urbanisme adopté en 2015 modifié pour le territoire de l'ancienne commune de Binic en l'absence d'adoption d'un plan local d'urbanisme intercommunal.

3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.

4. Il résulte du point précédent que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. / Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique. ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. (...) ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; (...). ". Aux termes du I de l'article L. 151-8 de ce code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

6. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

7. Les parcelles cadastrées AL nos 584, 587 et 590 d'une contenance totale de 1 058 m² appartenant à M. B... sont classées en zone N au plan local d'urbanisme de Binic. M. B... fait valoir l'existence de contradictions entre ce zonage et certaines des cartes figurant dans le rapport de présentation et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme, qui intègrent ces parcelles à des espaces présentés comme le centre-ville de Binic ou son espace bâti. Toutefois, ces dernières cartes, à caractère schématique, ont pour objet non la définition de zonages au sens de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme cité au point 5, mais, notamment, la présentation synthétique des paysages communaux ou la définition des " éléments constitutifs du bâti " pour la délimitation des espaces proches du rivage. S'agissant plus particulièrement des " orientations stratégiques " du PADD et de sa justification, le rapport de présentation comprend en revanche un objectif premier intitulé " préserver et valoriser " assorti d'une carte où les parcelles en débat apparaissent clairement intégrées à une " connexion entre corridors écologiques " et à un " secteur protégé " au titre notamment des espaces remarquables ou des espaces proches du rivage. La même carte identifie également, à tout le moins à proximité immédiate des parcelles de M. B..., un " bois et jardin relais " et une " enveloppe de zones humides ". Ces " zones relais " sont définies par ce même document au titre de la trame verte et bleue (P. 70 du rapport de présentation) comme des étapes lors des déplacements des animaux. Ces derniers éléments sont cohérents avec le classement en zone N des parcelles de M. B... dans le règlement graphique. Par suite, le moyen tiré de l'existence de contradictions entre les différents documents constitutifs du plan local d'urbanisme, dont son rapport de présentation, son projet d'aménagement et de développement durable et son règlement, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...). ".

9. Il appartient aux auteurs des plan locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

10. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de Saint-Brieuc approuvé le 27 février 2015 définit un axe stratégique n° 1 intitulé " Accompagner l'accueil de 30 000 habitants supplémentaires d'ici 2030 et garantir une vie de qualité aux 225 000 habitants du territoire ". A ce titre, il est prévu en premier lieu de " Confirmer le rôle des pôles comme élément structurant du développement du territoire. ", puis en deuxième lieu, d'" affirmer le rôle central de la ville de Saint-Brieuc et de son agglomération ". Il est alors précisé que cette dernière entité comprend la commune de Saint-Brieuc et son agglomération immédiate, à laquelle s'ajoutent diverses communes précisément mentionnées, parmi lesquelles ne figurent pas les communes alors distinctes de Binic et d'Étables-sur-Mer. Ces deux dernières communes sont présentées comme constitutives de pôles littoraux. Il est ensuite indiqué que " le renforcement de l'urbanisation du pôle aggloméré privilégiant un urbanisme resserré et bien connecté aux différents services et équipements renforce le caractère urbain du secteur ". Puis au titre spécifique des pôles littoraux, il est prescrit que " les documents d'urbanisme locaux permettent et favorisent le développement urbain des centralités en y assurant une mixité des fonctions (...). " et que ces pôles " doivent préserver la qualité architecturale et le cadre de vie de ces centralités et veiller à atteindre une densité urbaine moyenne égale ou supérieure aux seuils définis par ailleurs. ". Au titre du même axe stratégique il est également prévu de " promouvoir de nouvelles formes urbaines et résidentielles économes en espace et en énergie " et, à ce titre, il est notamment prescrit que " les documents d'urbanisme organisent prioritairement la densification du tissu urbain par la mise en œuvre de règles permettant la mobilisation des gisements identifiés dans l'étude de densification. ". Enfin le même SCOT définit un axe stratégique n° 3, intitulé " Respecter les équilibres environnementaux du territoire " prévoyant de " préserver les richesses écologiques du territoire " et, à ce titre, de " garantir la fonctionnalité des corridors écologiques ". Il est ainsi prescrit que " Les documents d'urbanisme doivent s'assurer de la préservation des corridors écologiques en localisant, plus précisément, les corridors identifiés au SCOT à l'échelle communale et en les complétant le cas échéant. / Les corridors écologiques sont traduits par un zonage naturel (N) ou agricole (A) dans la mesure où les activités autorisées participent à la préservation des milieux et de la biodiversité. ".

11. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'orientation du SCOT du pays de Saint-Brieuc préconisant le " renforcement de l'urbanisation du pôle aggloméré privilégiant un urbanisme resserré ", laquelle concerne le pôle central de Saint-Brieuc et non la commune de Binic-Étables-sur-Mer. Pour autant, si les autres orientations citées au titre de l'axe stratégique n° 1 tendent à privilégier la densification du tissu urbain existant, l'axe n° 3 de ce même SCOT prévoit explicitement de garantir la fonctionnalité des corridors environnementaux identifiés par ce document, en les complétant le cas échéant. Or, en l'espèce, le tènement de M. B... est classé en zone N au plan local d'urbanisme communal contesté et, ainsi qu'il a été exposé, il a été identifié par le rapport de présentation du plan local d'urbanisme comme appartenant à une " connexion entre corridors écologiques " et à un espace naturel à préserver et valoriser du fait notamment de son appartenance à un espace proche du rivage. Enfin, et en tout état de cause, M. B..., qui invoque les orientations et objectifs rappelés au point précédent, n'apporte pas d'éléments permettant de porter une appréciation globale sur la compatibilité du plan local d'urbanisme avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale pris dans leur ensemble, à l'échelle du territoire couvert. Dans ces conditions, la contradiction alléguée entre le plan local d'urbanisme contesté et le SCOT applicable pour les parcelles en litige n'est pas établie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-24 de ce code : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; (...). ".

13. Aux termes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Binic applicable aux zones N : " Sont classés en zone N les secteurs de la commune à préserver strictement en raison de la qualité des paysages et de leur intérêt esthétique ou écologique. Ils correspondent aux grandes entités paysagères et environnementales sensibles telles que les vallées de cours d'eau, les grands espaces boisés, les zones humides et continuités écologiques, les zones inondables hors secteurs urbanisés. (...) ".

14. Il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

15. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles en débat sont constitutives d'un tènement d'une superficie de 1 058 m², présentant un caractère naturel, caractérisé par la présence majoritaire d'un boisement, et situé entre des parcelles bâties, pour certaines closes de murs, desservies par une voie étroite. Ce tènement, s'il jouxte les abords du centre-ville de Binic, se rattache à un vaste espace naturel dépourvu de constructions. Par ailleurs il contribue, par ses caractéristiques et son emplacement, à une connexion entre des corridors écologiques identifiés au SCOT du pays de Saint-Brieuc et précisés par le plan local d'urbanisme communal. Le classement de ces parcelles en zone N répond alors à la définition figurant à l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme et à celle de la zone N donnée par les auteurs du plan local d'urbanisme. Enfin la circonstance alléguée que ces mêmes parcelles pourraient être classées en zone U comme certaines des parcelles mitoyennes est sans incidence sur l'appréciation à porter sur le classement contesté en zone N. En conséquence, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles de M. B... en zone N doit être écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. " et aux termes de l'article L. 121-27 du même code : " Le plan local d'urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l'article L. 113-1, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AL 584 appartenant à M. B... est entièrement classée en espace boisé au plan local d'urbanisme contesté. Ainsi qu'il a été exposé, cette parcelle se situe en continuité avec d'autres parcelles classées en zone N, dont certaines d'entre-elles, mitoyennes, sont également classées en espaces boisés. Ensemble elles constituent un espace boisé protégé homogène d'une superficie significative aux abords immédiats de zones urbaines. Ces parcelles sont aussi identifiées comme appartenant à une trame verte cartographiée, constituée de boisements, de landes et de jardins ou parcs privés, dans le document présenté en 2013, en application de l'article L. 121-27 précité du code de l'urbanisme, à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (p. 70) mentionne pour sa part, des " liaisons interforestières à préserver ou renforcer ". Il ressort également des plans figurant au rapport de présentation du plan local d'urbanisme, ainsi qu'exposé au point 11, que ces parcelles contribuent à la connexion entre des corridors écologiques identifiés au titre de l'orientation n° 1 " préserver/valoriser " du PADD de ce plan. Aussi, compte tenu des caractéristiques de la parcelle AL 584, de ses abords, et des orientations du projet d'aménagement et de développement durables, le classement de la parcelle litigieuse en espace boisé n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 113-1 et L. 121-27 du code de l'urbanisme.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération à la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

19. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. B.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor agglomération.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00457
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22nt00457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award