Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Orne l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2302141 du 22 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Rouille-Mirza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2023 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 juillet 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante pakistanaise née le 14 août 1979 à Multan (C...), a déclaré être entrée en France irrégulièrement le 19 juillet 2021. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 septembre 2022, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mai 2023. Mme A... relève appel du jugement du 22 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2023 du préfet de l'Orne l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est arrivée en France en juillet 2021 accompagnée de quatre enfants, dont l'ainé était majeur, depuis le 6 juin 2022, à la date de la décision contestée. Toutefois, si la requérante soutient que son époux est " porté disparu depuis son hospitalisation en septembre 2021 " et " très probablement décédé ", elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses affirmations. Elle ne justifie pas ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans, alors au demeurant qu'un de ses enfants a notamment déclaré, par attestation produite au dossier, avoir sa grand-mère au C.... Elle ne justifie en outre d'aucun obstacle à ce que se reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine, et notamment n'établit pas que ses enfants ne pourraient y être scolarisés comme avant leur exil, ainsi qu'il ressort des attestations d'août 2023 produites au dossier, en se bornant à se prévaloir de considérations d'ordre général sur la scolarisation et l'éducation des filles au C... et en produisant des rapports d'organisations internationales de 2022 et 2023. Dans ces conditions, en dépit de la volonté d'intégration de la requérante et de ses quatre enfants depuis leur entrée récente en France et de la circonstance qu'elle bénéficie d'un suivi médical pour des troubles de l'anxiété et des traumatismes depuis novembre 2021, ainsi que cela ressort d'une attestation du 5 juillet 2023, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas, en tout état de cause, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En second lieu, contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante n'apporte pas la preuve des agressions qu'elle aurait subies au C..., ainsi que celles de ses filles, en se bornant à produire des attestations relatant leurs dires. Elle n'apporte pas davantage la preuve de la disparition de son mari et de menaces de la part de membres de la Ligue musulmane du C.... En outre, par les documents qu'elle produit, elle ne justifie pas de liens entre son récit et, d'une part, l'agression de sa sœur restée au C... et, d'autre part, l'assassinat d'un voisin, évènements en tout état de cause postérieurs à la décision contestée. Aucun élément du dossier ne tend à établir qu'elle serait amenée à vivre seule avec ses enfants en cas de retour au C.... Au surplus, sa demande de statut de réfugié, qui faisait état des mêmes éléments de sa vie personnelle, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Rouille-Mirza et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.
La rapporteure,
L. CHOLLET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03085