Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2304262 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Poulard demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 17 janvier 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de retour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ce même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 11 juillet 1991 sous réserve du renoncement de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le signataire de la décision n'est pas compétent ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- la décision méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le signataire de la décision n'est pas compétent ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- le signataire de la décision n'est pas compétent ;
- la décision porte atteint au droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense en date du 22 décembre 2023, le préfet de la Loire Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Par décision du 20 novembre 2023, Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante congolaise, est entrée en France le
28 décembre 2010, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 26 mai 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qui a été rejetée par un arrêté du 2 janvier 2020. Le recours contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nantes puis par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 décembre 2021. Le 9 décembre 2021, Mme B... a de nouveau sollicité le préfet de la Loire-Atlantique pour la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 janvier 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office. Par jugement n° 2304262 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision présentée par Mme B.... Elle relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Sur le moyen commun dirigé contre les différentes décisions attaquées :
2. Mme B... reprend en appel, sans aucun élément nouveau en fait et en droit, le moyen invoqué en première instance tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. Mme B... soutient qu'elle vit en France depuis le 28 décembre 2010 et qu'elle n'a jamais quitté le territoire français depuis cette date. Ainsi, elle relève que son ancien passeport ainsi que son nouveau passeport, délivré par l'ambassade du Congo, ne comportent aucun tampon matérialisant une sortie du territoire français puis une nouvelle entrée et que contrairement à ce que soutient le préfet elle était bien présente lorsque son nouveau passeport, produit à Brazzaville, lui a été remis. Par ailleurs, elle se prévaut de documents qu'elle a déjà produit en première instance de nature, selon elle, à établir la continuité de son séjour sur le territoire depuis l'année 2010. Cependant, les pièces produites par Mme B... consistent en des courriers et ordonnances médicales et des correspondances de la CPAM ainsi que des avis d'impositions à l'impôt sur le revenu depuis l'année 2010. Ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir la réalité d'une présence continue de l'appelante notamment sur les années 2013 à 2017 et 2022. Ainsi à supposer même que l'intéressée ait été présente sur le territoire à la fin de l'année de l'année 2020 et au début de l'année 2021 et en particulier au moment de la délivrance de son nouveau passeport, elle n'établit néanmoins pas la réalité d'une présence continue sur le territoire français depuis plus de 10 ans à la date de la décision attaquée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de refuser son admission exceptionnelle au séjour.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
6. Mme B... fait valoir que sa présence sur le territoire français est ancienne et continue et que deux de ses sœurs et un de ses frères vivent sur le territoire français, une autre sœur résidant en Belgique. Elle précise qu'un seul de ses frères vit au Congo et que ses parents sont décédés. Cependant, l'intéressée, célibataire et sans enfant sur le territoire, ne justifie pas de la réalité des liens qu'elle entretiendrait avec ses frères et sœurs par la seule production de deux attestations faisant état de ce que sa sœur puis son frère l'ont hébergée avant qu'elle ne s'installe à Nantes. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaitrait les dispositions de l'article L. 423-23 précitées doit être écarté.
7. En troisième lieu, si Mme B... soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L. 435-1 précitées et allègue être titulaire d'un diplôme dans le secteur de l'hôtellerie et fait état d'activités bénévoles auprès de l'association des Restos du Cœur, elle ne justifie pas ce faisant de motifs humanitaires ou de circonstances exceptionnelles de nature à justifier de lui délivrer, dans ce cadre, un titre de séjour. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, refuser son admission exceptionnelle au séjour.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de cette annulation.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si Mme B... soutient que l'éloignement vers son pays d'origine l'exposerait à des traitements contraires aux dispositions de la Convention, elle n'assortit pas ce moyen des précisions propres à en apprécier le bien-fondé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2023 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELa présidente
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H.DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0310402