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19/03/2024 | FRANCE | N°23NT02865

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT02865


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2210096 du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.


> Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 septembre, 20 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2210096 du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 septembre, 20 novembre et 19 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Guilbaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours à compter de la même notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et R 432-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Guilbaud, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen est entré en France en janvier 2020 selon ses déclarations et a été placé le 20 juillet 2020 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Loire-Atlantique en qualité de mineur isolé. M. A... a demandé au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 mars 2022, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, précise que l'identité de M. A... ne peut être tenue pour établie compte tenu de l'avis défavorable de la police de l'air et des frontières sur les documents d'état-civil que l'intéressé a fournis lors du dépôt de sa demande et indique les éléments de la vie privée et familiale du requérant tant en France que dans son pays d'origine. Par suite, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ".

5. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

6. Il résulte des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Par ailleurs, lorsqu'elles sont amenées à vérifier si l'étranger justifie de son état-civil et de sa nationalité conformément aux prescriptions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les autorités administratives françaises ne peuvent mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère que dans le cas où le jugement produit a un caractère frauduleux.

7. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur le caractère frauduleux et non probant des actes d'état-civil qu'il a produits.

8. Pour justifier de son identité, M. A... a présenté un jugement supplétif n°1759/TPI/S/2020 du 27 décembre 2020 et un extrait d'acte de naissance n°292/CU/SI/2021 du 1er février 2021. Toutefois, l'ambassade de France en Guinée, qui a été consultée par le service de la police des frontières, a relevé, par un message de réponse du 15 février 2022, que ces deux documents d'état-civil ne respectent pas les dispositions de l'article 175 du code civil guinéen, que le jugement supplétif a été rendu le jour même de l'enregistrement de la requête, soit un dimanche, et donc sans enquête préalable d'instruction du dossier, que l'extrait d'acte de naissance ne comporte pas le mot " Justice " dans la devise et comporte une orthographe incorrecte quant au nom patronymique du requérant. Le préfet de la Loire-Atlantique a noté sur cet extrait l'existence d'indices de falsification matérielle comme l'absence d'acquittement du droit de timbre. Hormis la référence au code civil guinéen, qui est inopérante, les autres constats ont permis au préfet d'avoir des doutes sérieux sur l'authenticité du jugement supplétif et de l'extrait d'acte de naissance. M. A... produit en appel un nouveau jugement supplétif n°3337 du 16 août 2023 et un extrait d'acte de naissance n°1196/CU/SI/2023 du 4 septembre 2023. A nouveau consultée, l'ambassade, bien que notant dans un message du 11 décembre 2023 que le nouveau jugement supplétif est venu corriger le précédent, a relevé que le cachet apposé contient une faute d'orthographe qui est " Premier instance ", au demeurant grossière. De son côté, la cour constate sur le nouvel extrait d'acte de naissance la même absence du mot " Justice " dans la devise. Dès lors, le préfet a pu légalement estimer que M. A... n'établissait pas son identité. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet, qui a estimé que les jugements supplétifs étaient entachés de fraude, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions alors même qu'il soutient également qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait du caractère réel et sérieux de ses études depuis au moins six mois.

9. En troisième lieu, M. A..., célibataire et sans enfant à charge, est récemment entré en France, soit depuis deux ans et deux mois à la date de l'arrêté contesté. Il n'établit aucun lien familial en France alors qu'il affirme que son frère y réside. Il ne conteste pas sérieusement le préfet de la Loire-Atlantique lorsque celui-ci retenu le fait qu'il a conservé des liens personnels familiaux dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de ces conditions d'entrée et de séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations et dispositions.

10. Enfin, M. A... se prévaut d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ni les éléments rappelés au point 9 ni le caractère sérieux de sa scolarité et de sa formation professionnelle alors qu'au demeurant, il n'a pas obtenu de diplôme et a interrompu son contrat d'apprentissage, ne sont de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant que le préfet de la Loire-Atlantique délivre un titre de séjour sur ce fondement.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée n'ait pas fait l'objet d'un examen particulier de la situation personnelle de M. A... et qu'elle soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur une telle situation.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. La décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02865
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GUILBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt02865 ?
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