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19/03/2024 | FRANCE | N°23NT02625

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT02625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 par lequel le préfet de la Vendée lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré et lui prescrit de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de La Roche-sur-Yon jusqu'à son départ.



Par un jugement

n° 2211444 du 12 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 par lequel le préfet de la Vendée lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré et lui prescrit de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de La Roche-sur-Yon jusqu'à son départ.

Par un jugement n° 2211444 du 12 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2023, Mme C..., représentée par Me Guérin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué comporte des erreurs de droit et de fait sur la mention erronée de son " enfant mineur " et d'une erreur d'appréciation sur l'ensemble de sa situation familiale prise dans son ensemble ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente, est entachée d'une compétence négative, est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, est entachée d'erreurs de droit au regard du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur de droit au regard de sa situation familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de présentation à un commissariat de police a été prise par une autorité incompétente et sans un examen particulier de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle présente Mme C... comme étant célibataire et est entachée d'un caractère excessif.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Guérin, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du directeur général de l'Office français de protection et apatrides, le préfet de la Vendée, par un arrêté du 3 août 2022, a obligé Mme C..., ressortissante albanaise, née le 18 décembre 1997, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a soumise à une obligation de présentation régulière auprès des services de police. Par un jugement du 12 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté. Mme C... relève appel de ce jugement.

2. Mme C... est entrée seule en France le 18 septembre 2021 et vit en France avec un compatriote en situation régulière. De cette relation est né en France le 22 juin 2022, l'enfant A..., soit antérieurement à la date de l'arrêté contesté. Si le préfet de la Vendée a pu mentionner dans son arrêté que Mme C... est " célibataire, mère d'un enfant mineur " et que " rien ne s'oppose à ce que son enfant mineur l'accompagne dans le pays dont elle a la nationalité ", ces mentions révèle une erreur de fait dès lors que le préfet n'a pas été informé de la naissance et que l'enfant mineur dont il s'agit dans l'arrêté est l'autre enfant mineur de Mme C..., Dorina Kallo, née le 1er janvier 2007, mais qui a résidé en Albanie à la date de l'arrêté. Cette erreur de fait a une incidence sur la légalité de l'arrêté, notamment sur l'appréciation que le préfet a pu porter sur la situation familiale de Mme C... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en cas de séparation entre Mme C... et son enfant A....

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination et celle faisant obligation de se présenter au commissariat de police.

4. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Guilbaud, conseil de Mme E..., d'une somme de 1 000 euros hors taxes dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 12 avril 2023 et l'arrêté du préfet de la Vendée du 3 août 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros hors taxes au titre des dispositions des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à

Me Guérin, conseil de Mme C....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02625
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt02625 ?
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