Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2203494 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. B..., représenté par Me Poulard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique.
- le rapport de M. Quillevéré
- et les observations de Me Poulard représentante de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 5 juillet 1995, déclare être entré irrégulièrement en France en décembre 2015. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 19 août 2020 au 18 mai 2021, et en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 6 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé à M. B... le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 15 février 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 5 juillet 2021 et repris à son compte par le préfet de la Loire-Atlantique, selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Pour remettre en cause cet avis, M. B..., qui justifie bénéficier d'un traitement à base de paroxetine, de tercian et d'olanzapine, se prévaut d'un certificat médical du 23 décembre 2021 établi par un médecin généraliste dont il ressort qu'il " souffre de troubles psychiques avec nécessité d'un suivi psychiatrique dont l'absence de prise en charge dans son pays d'origine risque de le décompenser sur le plan psychique " et d'un bulletin de situation du CHU de Nantes qui montre qu'il a été hospitalisé à la demande d'un tiers en raison de troubles psychiques au CHU de Nantes pour la période du 25 février au 2 mars 2020. Ces éléments sont corroborés par la production de trois certificats médicaux en date du 25 mai 2021, du 29 octobre 2021 et 9 mars 2023 établis par des médecins généralistes dont le dernier précise que M. B... a été hospitalisé à la demande d'un tiers à six reprises entre 2019 et 2022. M. B... relève aussi que la commission des droits et de l'autonomie des personnes en situation de handicap lui a reconnu, pour raisons médicales, un taux d'incapacité supérieur à 50 % et inférieur à 80 % et a prononcé à son bénéfice l'attribution d'une allocation aux adultes handicapés valables du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022.
5. Dans ces conditions, compte tenu du risque d'aggravation des troubles psychiques dont souffre M. B... en cas de retour dans son pays d'origine, celui-ci est fondé à soutenir que ce retour pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelles gravité sur son état de santé alors au demeurant qu'il fait valoir sans être contredit qu'il ne dispose pas de ressources ni d'une assurance santé lui permettant d'avoir accès aux soins qui lui sont nécessaires en Guinée.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. B... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au profit de Me Poulard une somme de 1 200 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 2203494 du 15 février 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 15 février 2023 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Poulard la somme de 1 200 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de la chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024
Le président-rapporteur,
Guy QUILLÉVÉRÉ
Le président-assesseur,
J. E. GEFFRAY
Le président-assesseur,
GV. VERGNE
La greffière,
H. DAOUD
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT012202