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19/03/2024 | FRANCE | N°23NT00010

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT00010


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Le Majestic a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant à la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017.



Par un jugement n°2100084 du 9 novembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a accordé à la SAS Le Majestic la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliq

uée au rappel de taxe sur la valeur mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015 et a rejeté le su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Le Majestic a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant à la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017.

Par un jugement n°2100084 du 9 novembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a accordé à la SAS Le Majestic la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée au rappel de taxe sur la valeur mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023 la SAS Le Majestic, représentée par Me Couhault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la comparaison des marges commerciales issues de la reconstitution par l'administration de ses résultats et de la marge commerciale constatée dans des établissements similaires au sien démontre le caractère radicalement vicié de cette reconstitution ;

- la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie et dès lors, les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées ;

- les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ont pour objectif l'incitation à la délation et à témoigner contre soi-même ; ces objectifs contreviennent gravement et de manière intolérable à l'obligation de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves, aux libertés civiles et politiques et s'inscrivent en contravention avec les traités internationaux ratifiés par la France et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Par un mémoire enregistré le 30 mai 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, les intérêts de retard et les amendes prévues par l'article 1759 du code général des impôts sanctionnant le défaut de désignation des bénéficiaires des distributions fiscales ont été dégrevés par décision du 26 décembre 2022 soit antérieurement à l'introduction de la requête ;

- les autres moyens soulevés par la SAS Le Majestic ne sont pas fondés.

Par un courrier du 30 novembre 2023 , les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les intérêts de retard et les amendes prévues par l'article 1759 du code général des impôts sanctionnant le défaut de désignation des bénéficiaires des distributions fiscales, lesquels ont été entièrement dégrevés par décision du 26 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Le Majestic, qui exploite une discothèque à Quimper et qui fait partie d'un groupe fiscal intégré dont la société mère est la SARL Holding M, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017 à l'issue de laquelle l'administration a écarté sa comptabilité comme non probante et a reconstitué son chiffre d'affaires. En conséquence, l'administration fiscale a assujetti la SAS Le Majestic à des rappels de taxe sur la valeur pour la période correspondante, assortis de pénalités, en suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 9 novembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a accordé à la SAS Le Majestic la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée au rappel de taxe sur la valeur mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015 et a rejeté le surplus de sa demande. La SAS Le Majestic relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. En raison de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS Le Majestic par un jugement du 18 novembre 2022 du tribunal de commerce de Quimper, l'administration a, sur le fondement du I de l'article 1756 du code général des impôts, par une décision du 26 décembre 2022 soit antérieurement à l'introduction de l'instance devant la cour, prononcé la remise des intérêts de retard et des amendes prévues par l'article 1759 du code général des impôts sanctionnant le défaut de désignation des bénéficiaires des distributions fiscales pour un montant total de 482 468 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, sans objet et, par suite, irrecevables.

Sur le surplus des conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses :

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et lorsque le contribuable n'a pas accepté les rehaussements qui lui avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt.

4. Il résulte de l'instruction que les rectifications en litige, établies selon la procédure contradictoire, n'ont pas été soumises à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et que la SAS Le Majestic a contesté les rappels et rectifications envisagés par courriers du 20 février 2019 et 9 mai 2019. Par suite, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt.

5. Le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la SAS Le Majestic selon la méthode des achats revendus après avoir dépouillé l'ensemble des factures d'achat, en tenant compte des doses servies et notamment des ventes au verre ou à la bouteille, des tarifs pratiqués, des stocks d'entrée et de sortie de chacun des exercices, ainsi que des tarifs d'entrée de la discothèque et de l'existence de boissons comprises dans ce prix d'entrée. Il a également reconstitué le chiffre d'affaires réalisé par le vestiaire et par la vente de sandwiches. La société requérante ayant justifié, en cours de procédure d'imposition, un volume d'offerts et de boissons consommées par le personnel de l'établissement, les achats correspondants ont été extournés de la reconstitution. Si la SAS Le Majestic fait valoir que le service vérificateur aurait dû recourir à plusieurs méthodes, aucune disposition n'interdit à l'administration de recourir à une seule méthode pour reconstituer le chiffre d'affaires. Par ailleurs, la société requérante ne conteste pas le principe même de la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service qui était basée sur des données suffisamment fiables et propres aux exercices vérifiés permettant de déterminer par une méthode extra-comptable le chiffre d'affaires des exercices contrôlés. Si elle fait valoir que cette méthode est radicalement viciée au regard de la moyenne de la marge commerciale de son secteur d'activité qui serait de 82,87 %, elle n'apporte toutefois aucune justification à l'appui de ses allégations. En tout état de cause, l'administration relève que les taux de marge commerciale procédant des résultats finalement imposés après le recours hiérarchique et confirmés par l'interlocuteur départemental sont respectivement de 82,37 %, de 83,90 % et de 83,88 % au titre des exercices clos aux 30 juin 2015, 2016 et 2017, soit un taux très proche de celui qui est revendiqué par la société requérante elle-même. Dans ces conditions l'administration justifie du bien-fondé de la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et résultats des exercices clos en 2015 et 2016 qu'elle a mise en œuvre et, par suite, des rectifications qui en résultent.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

7. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rectifications des exercices clos en 2016 et 2017, l'administration fait d'abord valoir que la vérification de comptabilité a permis de constater que l'entreprise n'avait conservé aucun justificatif des recettes réalisées au titre des vestiaires et de la restauration rapide, que les données relatives à deux des trois caisses enregistreuses utilisées, relatives à la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2017 pour l'une des deux et à la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2016 pour la seconde, n'avaient pas été conservées, qu'il en était de même des bandes " papier " des caisses enregistreuses, seuls des tickets Z de clôture journalière ventilant les recettes de la journée par mode de règlement ayant été produits, et que l'analyse des inventaires a fait ressortir des achats revendus négatifs sur l'ensemble de la période vérifiée. Par ailleurs, l'administration souligne les écarts constatés entre les chiffres d'affaires taxés et les chiffres d'affaires ressortant des déclarations déposées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée s'agissant des exercices clos en 2016 et 2017 qui atteignent respectivement 15,45 % et 19,40 %. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement à ses obligations déclaratives commis par la SAS Le Majestic.

8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Le Majestic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Le Majestic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Le Majestic et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

J.E. GEFFRAY

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23NT000102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00010
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET CGC GWENVAEL COUHAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt00010 ?
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