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15/03/2024 | FRANCE | N°22NT02981

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 15 mars 2024, 22NT02981


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé la décision de la préfète des Deux-Sèvres déclarant irrecevable sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 1907536 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 13 septem

bre 2022, Mme A..., représentée par Me Hay, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé la décision de la préfète des Deux-Sèvres déclarant irrecevable sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1907536 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la naturalisation, subsidiairement de réexaminer sa demande de naturalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

- sa maîtrise insuffisante de la langue française est en lien avec une pathologie neurologique qui affecte ses capacités de mémorisation des sons et des lettres ;

- au regard de ses souffrances physiques et psychiques intenses, elle n'est pas disponible pour l'apprentissage de la langue française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / (...). ".

3. Aux termes de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques "écouter", "prendre part à une conversation" et "s'exprimer oralement en continu" du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008. (...) ". Aux termes de l'article 37-1 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : / (...) 9° Un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 37 et délivré dans les conditions définies par cet article ou, à défaut, une attestation délivrée dans les mêmes conditions justifiant d'un niveau inférieur. Sont toutefois dispensées de la production de ce diplôme ou de cette attestation les personnes titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français. Bénéficient également de cette dispense les personnes souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgées d'au moins soixante ans ". Aux termes de l'article 41 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande. / Lors d'un entretien individuel, l'agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37. (...) / L'entretien individuel prévu au deuxième alinéa permet de vérifier que maîtrisent un niveau de langue correspondant au niveau exigé en vertu de l'article 37 : / (...) / b) Les demandeurs souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans. / (...) ".

4. Si les dispositions citées aux points précédents n'exonèrent pas, en principe, le postulant à la nationalité française âgé d'au moins soixante ans ou atteint d'un handicap de justifier d'une connaissance de la langue française dans les conditions qu'elles édictent, l'autorité administrative ne peut légalement déclarer irrecevable une demande de naturalisation en se fondant sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisante connaissance de la langue française lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de Mme A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que son niveau de connaissance de la langue française, inférieur au niveau B1 oral requis par les dispositions de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, était insuffisant.

6. Il ressort du compte rendu d'entretien d'assimilation du 4 mars 2019 au cours duquel le niveau de maîtrise de la langue française de Mme A... a été évalué, conformément aux dispositions des articles 37 et 41 du décret du 30 décembre 1993 dans leur rédaction alors applicable, que si cette dernière a su répondre à des questions simples tenant à son état civil, sa situation de famille ainsi qu'à des questions plus ouvertes, tenant à sa vie sociale et professionnelle, elle n'a pas su réagir de façon adéquate lorsque l'évaluateur a élargi la conversation à des sujets familiers en relation avec ses intérêts personnels, en l'interrogeant par exemple sur le dernier film qu'elle a vu, sur un souvenir de voyage ainsi que sur ses goûts musicaux. Au vu de ce compte rendu, la requérante, qui n'a pas démontré sa capacité à émettre en français un discours simple et cohérent sur des sujets familiers, ne dispose pas du niveau B1 requis. Le compte rendu du bilan orthophonique subi par Mme A... à la demande de son médecin traitant, le 22 juillet 2019, fait état de troubles visuospatiaux et de la mémoire de travail ainsi que de difficultés à discriminer les sons proches, qui justifient d'aménager les enseignements, en évitant, notamment les supports visuels. Cependant, il n'apparaît pas que l'insuffisante connaissance de la langue française par Mme A... trouverait son origine dans cette pathologie cognitive, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a pu, par son assiduité et sa participation active à l'atelier de français qu'elle a rejoint au mois de septembre 2017, intégrer un groupe de niveau supérieur, l'année suivante. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que la requérante est suivie en psychiatrie depuis son arrivée en France pour des troubles dépressifs graves, ayant notamment nécessité une hospitalisation du 24 avril au 2 mai 2019, rien ne permet de considérer que cette pathologie psychique ainsi que les autres troubles dont souffre Mme A... seraient à l'origine de son niveau insuffisant en français.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées dans la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... au titre des frais de procès.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente- assesseure,

- M. Dias, premier conseiller,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

I. C...Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02981
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONTES-DEROUET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;22nt02981 ?
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