Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 août 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de commerçante.
Par un jugement n° 2112103 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juin 2022 et 13 février 2023, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Benhamida, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 31 août 2021 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de commerçante dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision ministérielle contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement n°1803558 du 31 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
- elle méconnaît l'article R. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en lui opposant l'absence de moyens d'existence suffisants, le ministre de l'intérieur a commis une erreur de droit ; cette condition ne figure plus à l'article 5 de l'accord franco-algérien ;
- en ne lui demandant pas de compléter son dossier, le ministre de l'intérieur a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère insuffisant de ses ressources.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... A... épouse B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1803558 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision implicite née le 13 janvier 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme C... A... épouse B... contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa en qualité de commerçante et, d'autre part, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par une décision du 31 août 2021, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme C... A... épouse B... le visa de long séjour sollicité. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... A... épouse B... tendant à l'annulation du refus de visa qui lui a été opposé par le ministre de l'intérieur, le 31 août 2021. Mme C... A... épouse B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des motifs de la décision contestée que celle-ci serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de
Mme C... A... épouse B.... Le moyen tiré de ce que la commission de recours n'aurait pas procédé à un tel examen doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".
4. Pour rejeter le recours de Mme C... A... épouse B..., la commission de recours ne s'est pas fondée sur l'incomplétude de son dossier de demande de visa mais sur ce que les justificatifs produits ne permettaient pas d'établir la consistance réelle et les perspectives d'avenir des activités commerciales envisagées. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision contestée, les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... A... épouse B..., immatriculée depuis le 2 janvier 2017 au registre spécial du tribunal de commerce de Toulouse, en qualité d'agent commercial, a déclaré à l'URSSAF respectivement 23 849 euros, 29 900 euros et
20 500 euros de recettes en 2017, 2018 et 2019, dans le cadre de contrats d'agence en France, conclus les 28 novembre 2016, 11 juillet et 18 septembre 2018 avec des entreprises italienne, espagnole et belge, spécialisées respectivement dans la vente de machines de concassage et de traitements d'agrégats, dans la commercialisation de produits cosmétiques capillaires et dans la distribution de produits informatiques. Il s'ensuit que le visa de long séjour en qualité de commerçant n'a pas été sollicité pour un projet de création d'une activité commerciale, mais en vue de l'exercice d'une activité déjà existante. Par suite, Mme C... A... épouse B... ne peut utilement invoquer, à l'encontre du refus de visa litigieux, les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable au litige.
7. En quatrième lieu, pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France intervenue le 13 janvier 2018, et enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de Mme C... A... épouse B..., le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 31 mars 2018, s'est fondé sur ce que la commission de recours, en retenant que l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne figurait pas dans le dossier de demande de visa, avait entaché sa décision d'une erreur de droit. L'autorité de chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire, interdisait seulement au ministre de l'intérieur, dans le cadre du réexamen enjoint par ce jugement, d'opposer à la demandeuse de visa un nouveau refus fondé sur le même motif que celui censuré par le tribunal administratif, mais ne lui imposait pas de saisir, avant de prendre une nouvelle décision, la DIRECCTE sur le fondement de l'article R. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision contestée, en ce qu'elle n'a pas été précédée de cette formalité, ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée par le jugement du 31 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes. Ce moyen doit, par suite être écarté, sans qu'y fasse obstacle le courrier par lequel le tribunal administratif a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'il était susceptible de fonder sa décision sur ce moyen, relevé d'office.
8. En cinquième lieu, en l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
9. Il en va notamment ainsi des visas sollicités par les ressortissants algériens souhaitant s'établir en France pour exercer une activité commerciale, qui peuvent légalement être refusés au motif que les justifications produites par le demandeur ne permettent pas d'établir la consistance réelle et les perspectives d'avenir de son projet commercial et que ce dernier ne justifie pas de ressources suffisantes pour assurer son séjour en France.
10. Il ressort des termes mêmes de la décision ministérielle contestée que le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme C... A... épouse B... en qualité de commerçante au motif qu'il n'a été apporté aucun élément établissant la consistance réelle et les perspectives d'avenir des activités commerciales envisagées par la demandeuse de visa ni d'éléments probants permettant d'apprécier l'activité qu'elle aurait exercée en France sous couvert de visas de court séjour.
11. Il ressort des pièces du dossier que pour établir la viabilité économique de son activité, la requérante a produit un justificatif de son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux du tribunal de commerce de Toulouse, la copie des contrats d'agence qu'elles a conclus avec des entreprises européennes en vue du développement de leurs activités sur le territoire français ainsi que les déclarations à l'URSSAF mentionnant 23 849 euros, 29 900 euros et 20 500 euros de recettes pour les années 2017, 2018 et 2019. Toutefois, et alors d'ailleurs que la requérante ne justifie pas des ressources tirées par cette activité en 2020 et 2021, ces documents ne font pas apparaître les charges fixes et variables qui grèvent l'activité commerciale exercée par Mme C... A... épouse B... et ne permettent pas de justifier le montant du revenu que cette dernière tire de cette activité. Dans ces circonstances, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante a acquis deux biens immobiliers en France en 2016 et en 2018, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les perspectives d'avenir de l'activité de l'intéressée n'étaient pas démontrées et en refusant, pour ce motif, de lui délivrer le visa de long séjour sollicité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme C... A... épouse B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... A... épouse B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... A... épouse B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 20 février 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
I. MONTES-DEROUET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01984