Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé à l'encontre de la décision du préfet de police de Paris du 11 janvier 2018 ajournant à trois ans sa demande de naturalisation et a réduit la durée d'ajournement à deux ans.
Par un jugement n° 1900683 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2018 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de réexaminer sans délai sa demande de naturalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par M. B... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en 1971, a sollicité sa naturalisation. Par une décision du 11 janvier 2018, le préfet de Police de Paris a décidé d'ajourner à trois ans cette demande, en raison d'une procédure pour violences volontaires dont le postulant avait fait l'objet. Saisi du recours hiérarchique prévu par les dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, le ministre de l'intérieur a, par décision du 25 octobre 2018, maintenu la décision d'ajournement mais réduit sa durée à deux ans. M. B... relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours contentieux qu'il a formé à l'encontre de cette dernière décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". L'article 44 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 dispose : " Si le préfet compétent à raison de la résidence du demandeur ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. / Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au demandeur, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande (...). " Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...). " Aux termes de l'article 48 de ce décret : " (...)./ Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. "
3. Il appartient au ministre de l'intérieur de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été mis en cause en tant qu'auteur de faits de violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail excédant huit jours, de menaces et de chantage, commis le 10 avril 2010. Si le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy a décidé, le 7 mars 2018, de ne pas engager de poursuites à l'encontre de M. B... au motif que le comportement de la victime a facilité la commission de l'infraction, il ne résulte pas de cette décision, prise en opportunité, que l'intéressé n'a pas commis les faits qui lui étaient reprochés, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas dans le cadre de la présente instance. La circonstance que M. B... n'a, en conséquence de cette décision, pas fait l'objet d'une condamnation pénale ne faisait pas obstacle à ce que le ministre de l'intérieur prenne en considération ces faits pour apprécier le comportement de M. B.... Ces faits n'étant ni dénués de gravité, ni exagérément anciens, le ministre de l'intérieur a pu ajourner la demande de naturalisation de M. B... sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, l'autorité compétente peut, alors qu'elle ne dispose pas en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation. Dans ce cas, la personne en droit de prétendre à l'avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles lignes directrices si elles ont été publiées. En revanche, il en va autrement dans le cas où l'administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit. S'il est loisible, dans ce dernier cas, à l'autorité compétente de définir des orientations générales pour l'octroi de ce type de mesures, l'intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.
6. La naturalisation étant une mesure de faveur au bénéfice de laquelle les intéressés ne peuvent faire valoir aucun droit, M. B... ne saurait utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans l'examen des demandes d'accès à la nationalité française par la circulaire du 21 juin 2013 relative aux procédures d'accès à la nationalité française.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées dans la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
I. MONTES-DEROUET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01211