Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Belpa a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le maire de Lisieux a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré le 19 mars 2020.
Par un jugement n° 2001517 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Caen a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 avril 2022 et 15 décembre 2022, la commune de Lisieux, représentée par Me Lubac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;
2°) de rejeter la demande de la société Belpa présentée devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de la société Belpa le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu une méconnaissance de l'article 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal par le permis de construire du 19 mars 2020 ;
- c'est à tort que les premiers juges ont jugé non opposable l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 " Secteur de Hauteville " ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu une incompatibilité du permis de construire du 19 mars 2020 avec cette même orientation d'aménagement et de programmation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, la société Belpa, représentée par Me Berléand, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Lisieux une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Lisieux ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudoyen, pour la commune de Lisieux.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du maire de Lisieux du 19 mars 2020, la société Belpa a obtenu un permis de construire, sur un terrain situé 161-165, rue Roger Aini, un bâtiment à usage professionnel et un parking, en vue du transfert à cette adresse d'une officine de pharmacie auparavant exploitée dans un centre commercial situé 13, place Mozart à Lisieux. Saisi d'un recours gracieux formé par la gérante d'une autre officine, le maire de Lisieux a prononcé, par arrêté du 10 août 2020, le retrait de ce permis de construire. La société Belpa a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté de retrait du 10 août 2020. La commune de Lisieux relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel il a été fait droit à cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. (...) ". L'arrêté litigieux du 10 août 2020 est fondé sur l'illégalité du permis de construire délivré à la société Belpa le 19 mars 2020, aux motifs qu'il violerait les dispositions de l'article 6.2 du règlement de la zone UX du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal applicable et qu'il serait incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 portant sur le secteur de Hauteville.
3. En premier lieu, l'article 6.2 du règlement de la zone UX du plan local d'urbanisme intercommunal Lisieux Pays d'Auge Normandie dispose : " Les constructions ou installations doivent être implantées avec une marge de recul par rapport aux limites séparatives de la parcelle au moins égale à la moitié de leur hauteur avec un minimum de 5 mètres ". Conformément à ces dispositions, la construction autorisée par le projet litigieux, d'une hauteur inférieure à 10 mètres, doit être implantée avec une marge de recul de 5 mètres par rapport aux limites séparatives.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse produit par la société Belpa devant le tribunal administratif de Caen, que l'implantation de la construction litigieuse respecte la marge de recul de 5 mètres prévue par ces dispositions par rapport aux limites séparatives, y compris sur la façade nord du projet. La circonstance que la marge de recul était figurée, dans le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire, de façon erronée est sans incidence sur le respect, par la construction projetée, des dispositions précitées de l'article 6.2 du règlement de la zone UX du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, alors en outre que les indications portées sur ce plan permettaient au service instructeur de repérer et de corriger cette erreur dans la représentation graphique de la marge de recul applicable. Le moyen tiré de ce que le permis de construire retiré par l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions de l'article 6.2 du règlement de la zone UX du plan local d'urbanisme intercommunal doit donc être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. (...) ". L'article L. 152-1 du même code dispose : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Enfin, l'article R. 151-6 du même code prévoit : " Les orientations d'aménagement et de programmation par quartier ou secteur définissent les conditions d'aménagement garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères des espaces dans la continuité desquels s'inscrit la zone, notamment en entrée de ville. / Le périmètre des quartiers ou secteurs auxquels ces orientations sont applicables est délimité dans le ou les documents graphiques prévus à l'article R. 151-10 ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 du plan local d'urbanisme intercommunal Lisieux Pays d'Auge Normandie n'a pas fait l'objet d'une délimitation dans la partie graphique du règlement, mais seulement d'un pastillage n'indiquant la localisation du secteur concerné que de manière imprécise. Deux pastilles sont notamment figurées, la première dans une zone UC, située au nord-ouest du terrain d'assiette du projet de construction ayant fait l'objet du permis de construire retiré par l'arrêté litigieux et la seconde dans une zone UBh, située au sud-ouest de ce terrain. Aucune pastille n'est figurée dans la zone UXc dans laquelle s'insère le projet de construction et qui constitue l'extrémité est du périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17. Le périmètre du secteur de Hauteville ne pouvant être regardé, de la sorte, comme ayant été délimité dans le document graphique du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal Lisieux Pays d'Auge Normandie, ainsi que le requièrent les dispositions précitées de l'article R. 151-6 du code de l'urbanisme, l'orientation d'aménagement et de programmation n'était pas applicable et ne pouvait, par suite, être opposée au permis de construire délivré à la société Belpa le 19 mars 2020.
7. Au surplus, l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 relative au secteur de Hauteville distingue un secteur ouest, un secteur central et un secteur est. Elle prévoit notamment d'" améliorer le fonctionnement du centre commercial n° 2, et renforcer la vocation économique à l'est " et prévoit également : " A l'Est d'Hauteville, une recomposition fine du foncier et du parcellaire permettra de libérer des espaces de projets (régénération foncière). Ces espaces de projets seront support de développement économique pour donner à Hauteville une fonction de " lieu travaillé ". Des activités, imbriquées au tissu d'habitat et connectées aux liaisons douces seraient à promouvoir pour aider à la mixité fonctionnelle des lieux et favoriser le brassage de population au sein des quartiers. "
8. D'une part, l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 prévoit, en " secteur d'entrée est ", " d'envisager un projet de développement économique sur les friches foncières actuelles ", recensées rue Roger Aini, en face du terrain d'assiette du projet litigieux. Cette orientation ne peut, dès lors, être regardée, contrairement à ce que soutient la commune de Lisieux, comme visant à empêcher toute création d'une activité commerciale en secteur d'entrée est. D'autre part, l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 identifie les difficultés rencontrées dans le fonctionnement du centre commercial n° 2, qui sont relatives à des problèmes d'accessibilité, d'envahissement par le stationnement, de signalétique et de qualité de l'espace public. Ainsi, le transfert projeté de la pharmacie exploitée par la société Belpa dans ce centre commercial vers le terrain d'assiette situé à l'est du secteur de Hauteville, classé en zone UXc, n'est pas susceptible d'avoir une incidence sur le fonctionnement de ce centre commercial, au regard des critères définis par l'orientation d'aménagement et de programmation.
9. Il en résulte que le permis de construire ayant fait l'objet de l'arrêté de retrait litigieux n'était pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 17 du plan local d'urbanisme intercommunal, de sorte que cet arrêté ne pouvait retirer ce permis au motif qu'il était entaché d'illégalité pour ce motif.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lisieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la société Belpa.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Belpa, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée sur ce fondement par la commune de Lisieux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lisieux le versement à la société Belpa d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Lisieux est rejetée.
Article 2 : La commune de Lisieux versera à la société Belpa une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lisieux et à la société civile immobilière Belpa.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
I. MONTES-DEROUET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet du Calvados, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01059