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23/02/2024 | FRANCE | N°21NT02693

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 février 2024, 21NT02693


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme H..., M. et Mme A..., M. et Mme C..., M. et Mme E... et

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray a délivré à M. D... G... un permis de construire un silo composé d'un ensemble de dix cellules de stockage de céréales, d'un volume total de 14 999 mètres cubes, un pont bascule, un boisseau de chargement de céréales et un local technique, sur un terrai

n situé au lieu-dit Villette.



Par un jugement n° 2005169 du 27 juillet 2021, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme H..., M. et Mme A..., M. et Mme C..., M. et Mme E... et

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray a délivré à M. D... G... un permis de construire un silo composé d'un ensemble de dix cellules de stockage de céréales, d'un volume total de 14 999 mètres cubes, un pont bascule, un boisseau de chargement de céréales et un local technique, sur un terrain situé au lieu-dit Villette.

Par un jugement n° 2005169 du 27 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement d'instance de M. et Mme B... et de M. et Mme C..., a rejeté la demande de M. et Mme H..., de M. et Mme A... et de M. et Mme E... et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 septembre 2021, 30 septembre 2021 et 29 août 2022, M. et Mme E..., M. et Mme A... et M. et Mme H..., représentés par Me Ferrand, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 du maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray et de M. G... le versement, chacun, de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de contradiction de motifs ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant au regard des prescriptions des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- ce dossier de demande ne comporte aucune pièce permettant de justifier de la réalité de l'exercice d'une activité agricole et en particulier de l'ampleur de l'activité envisagée ;

- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 423-52 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 423-53 du même code ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-11 du même code ;

- il a été obtenu par fraude ;

- il méconnaît les dispositions des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes ;

- il méconnaît les dispositions de l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes ;

- il méconnaît les dispositions de l'article A 11 du même règlement ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, la commune de

Morannes-sur-Sarthe-Daumeray, représentée par la SELARL Lex Publica, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les requérants ne disposaient pas d'un intérêt leur conférant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté contesté et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juillet 2022, M. D... G..., représenté par Me Stephan, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants, solidairement, le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à contester l'arrêté attaqué, que la demande de première instance était tardive en tant qu'elle émanait de M. et Mme E... et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2022, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire a été produit pour M. G... le 6 octobre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Par un courrier du 31 janvier 2024, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer pour régulariser le vice tiré de la méconnaissance des dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme.

M. et Mme E... et autres ont présenté des observations sur le courrier de la cour par un mémoire enregistré le 2 février 2024, qui a été communiqué le 5 février suivant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Ferrand, pour M. et Mme E... et autres, de Me Stephan, pour M. G..., et de Me Carré, pour la commune de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray.

Une note en délibéré, présentée pour M. G..., a été enregistrée le 8 février 2024.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme E... et autres, a été enregistrée le 13 février 2024.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray, a été enregistrée le 16 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray a délivré à M. G... un permis de construire un silo composé d'un ensemble de dix cellules de stockage de céréales, d'un volume total de 14 999 mètres cubes, un pont bascule, un boisseau de chargement de céréales et un local technique, sur les parcelles cadastrées section ZM 46, 78, 79 et 91, d'une superficie totale de 31 967 mètres carrés, situées au lieu-dit Villette. M. et Mme H..., M. et Mme A..., M. et Mme C..., M. et Mme E... et M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 27 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête, après avoir donné acte du désistement de M. et Mme C... et de M. et Mme B... et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. M. et Mme H..., M. et Mme A... et M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément à ces prescriptions. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance par le permis de construire contesté des dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable, les premiers juges ont relevé que M. G... exerçait une activité agricole, que le projet contesté, implanté à proximité immédiate de son exploitation, avait vocation à lui permettre de stocker sa production céréalière et en ont déduit que la construction projetée constituait une installation liée et nécessaire à l'activité agricole professionnelle au sens de ces dispositions. Le jugement attaqué a également écarté, comme sans incidence quant à la qualification d'activité agricole professionnelle, différents arguments tirés, premièrement, de ce que ces installations ont également pour objet de satisfaire les besoins d'autres exploitants agricoles, directement ou par l'intermédiaire de la coopérative Terrena, deuxièmement, de ce que le statut juridique de cette dernière ferait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme exerçant une activité agricole professionnelle, troisièmement, de ce que certains des exploitants concernés exercent leur activité en dehors du territoire de la commune de

Morannes-sur-Sarthe-Daumeray et, quatrièmement, de ce que la future activité de stockage doit être gérée par une société civile d'exploitation agricole à créer et non par M. G... ou sa structure d'exploitation agricole existante. Le tribunal administratif a ainsi suffisamment indiqué les motifs de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour écarter le moyen soulevé devant lui. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

4. Enfin, la circonstance que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction de motifs demeurerait sans incidence sur sa régularité et ne peut être utilement invoquée par M. et Mme E... et autres.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) ". Aux termes de l'article A. 424-15 de ce code : " L'affichage sur le terrain du permis de construire, d'aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l'affichage de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. " Enfin, aux termes de l'article A. 424-18 du même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. "

6. Lorsqu'une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l'objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d'annulation.

7. L'arrêté portant permis de construire contesté du 6 novembre 2019 a été retiré par arrêté du 28 janvier 2020 du maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray. Cet arrêté de retrait a été ultérieurement annulé par un jugement du 27 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes, devenu définitif.

8. D'une part, M. et Mme A... et M. et Mme H... ont formé un recours gracieux, reçu en mairie le 4 janvier 2020. Ce recours gracieux, intervenu dans le délai de recours contentieux de deux mois à l'encontre du permis de construire contesté, a interrompu à leur égard ce dernier délai, qui n'a pu recommencer à courir qu'après le rétablissement du permis de construire du 6 novembre 2019, consécutivement à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2020 portant retrait de ce permis, prononcée par jugement du tribunal administratif de Nantes, soit au plus tôt le 27 juillet 2021. Leur demande dirigée contre l'arrêté contesté, enregistrée le 22 mai 2020 au greffe du tribunal administratif de Nantes, n'était donc pas tardive.

9. D'autre part, s'agissant de M. et Mme E..., il ressort des pièces du dossier que M. G... a, en première instance, lui-même produit le témoignage d'un voisin, selon lequel, " étant attaché avec de la ficelle et une prise au vent assez importante, le panneau est resté fixé peu de temps. Ensuite, le permis a été refixé sur un piquet de bois le dimanche 29 décembre 2019 dans l'après-midi ". Si M. G... produit, également, devant la cour, des témoignages de voisins selon lesquels le panneau était cependant demeuré visible au sol pendant la période courant du 19 novembre 2019 au 29 décembre 2019, ces témoignages n'établissent pas la régularité de cet affichage au regard des dispositions précitées des articles A 424-15 et A 424-18 du code de l'urbanisme. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affichage a été continu entre ces deux dates. Ainsi, le délai de recours contentieux vis-à-vis de M. et Mme E..., qui n'a commencé à courir que le 29 décembre 2019 au plus tôt, n'était pas expiré lors de l'intervention de l'arrêté de retrait du 28 janvier 2020. Ce dernier arrêté a donc interrompu ce délai de recours, qui n'a pu recommencer à courir qu'après le rétablissement du permis de construire du 6 novembre 2019, à la suite de l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2020 portant retrait de ce permis, prononcée par jugement du tribunal administratif de Nantes, soit au plus tôt le 27 juillet 2021. La demande de M. et Mme E... dirigée contre l'arrêté contesté, enregistrée le 22 mai 2020 au greffe du tribunal administratif de Nantes, n'était donc pas tardive.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E..., dont la propriété se situe à 40 mètres environ de la construction autorisée par le permis de construire contesté et l'habitation, à 180 mètres environ, de l'autre côté de la route départementale n° 75, ainsi que M. et Mme A..., dont l'habitation est située à 800 mètres environ, ont des vues sur la construction de l'installation, laquelle consiste en 10 silos parallèles d'une longueur de façade de près de 80 mètres pour une hauteur de plus de 18 mètres. S'agissant de M. et Mme H..., ils sont propriétaires d'un manoir, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques avec ses douves, situé à 600 mètres environ du projet, pour le manoir lui-même, et à 535 mètres pour les douves. Ils sont également propriétaires de parcelles cadastrées à la section D sous les n°s 290 et 291, à 340 mètres environ. Les requérants font valoir que le fonctionnement de l'installation engendrera des nuisances sonores, du fait du fonctionnement en continu d'un moteur, dont la puissance est accrue en période de séchage des céréales, ainsi que du chargement et déchargement des camions. Ils se prévalent également des nuisances générées par un trafic accru sur la route départementale 75 qui dessert tant leur propriété que la construction autorisée, du fait du passage de plusieurs centaines de camions supplémentaires par an en toutes saisons. Au regard de ces éléments, le projet doit être regardé comme affectant directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens. M. et Mme E..., M. et Mme A... et M. et Mme H... justifient donc d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté du 6 novembre 2019 portant permis de construire.

12. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance doivent être écartées.

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

14. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-52 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente consulte en tant que de besoin les autorités et services publics habilités à demander que soient prescrites les contributions prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 ou à l'article L. 332-9 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ". Aux termes de l'article L. 332-6-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...). / 2° (...) / c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 (...). ".

15. Il est constant que le syndicat intercommunal d'énergies du Maine-et-Loire, habilité à demander que soit prescrite une participation pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels au titre de l'extension ou de l'adaptation du réseau d'électricité, n'a pas été consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire de M. G..., en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-52 du code de l'urbanisme.

16. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce syndicat a été consulté dans le cadre de l'instruction d'un certificat d'urbanisme opérationnel pour le projet, délivré le 28 mars 2019, à M. G... par le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray. Par un avis du 12 mars 2019, antérieur à l'arrêté contesté de moins de 6 mois, ce syndicat a estimé que le terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire contesté, qui n'est pas desservi par le réseau d'électricité, nécessite " une extension du réseau pour un coût de 3 102 euros à charge du bénéficiaire au titre des équipements exceptionnels ". L'arrêté contesté prévoit, en son article 2, que le projet " donne lieu au versement d'une participation pour équipement public exceptionnel d'un montant estimé à 3 102 euros destiné à financer l'extension du réseau de distribution électrique. " Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'un changement de circonstances de droit ou de fait aurait pu conduire le syndicat intercommunal d'énergies du Maine-et-Loire à émettre un avis différent sur la demande de permis de construire déposée par M. G.... Cette irrégularité de procédure est dès lors demeurée, en l'espèce, sans incidence sur le sens de la décision contestée. Par ailleurs, la consultation de ce syndicat ne constitue pas une garantie. Enfin, le défaut de cette consultation n'a pas affecté la compétence du maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray pour délivrer le permis de construire litigieux. Dès lors, le moyen tiré de ce que, le syndicat intercommunal d'énergies du Maine-et-Loire n'ayant pas été consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire, l'arrêté contesté a été pris sur une procédure irrégulière doit donc être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ".

18. L'accès au terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire contesté est assuré par l'accès existant à la route départementale n° 75. Il est constant que le département du Maine-et-Loire, gestionnaire de cette voie, n'a pas été consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire déposée par M. G..., en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme.

19. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le département du Maine-et-Loire a été consulté dans le cadre de l'instruction du certificat d'urbanisme opérationnel délivré le 28 mars 2019, pour lequel il a émis un avis favorable le 26 mars 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'un changement de circonstances de droit ou de fait aurait pu conduire le département du Maine-et-Loire à émettre un avis différent sur la demande de permis de construire. Cette irrégularité de procédure est dès lors demeurée, en l'espèce, sans incidence sur le sens de la décision contestée. Par ailleurs, la consultation du département ne constitue pas une garantie. Enfin, le défaut de cette consultation n'a pas affecté la compétence du maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray pour délivrer le permis de construire litigieux. Il suit de là que le moyen tiré de ce que, le département du Maine-et-Loire n'ayant pas été consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire, l'arrêté contesté a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

20. En premier lieu, l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme dispose : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions (...) / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ". L'article R. 431-10 de ce code dispose enfin que : " Le projet architectural comprend également : / (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

21. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

22. La notice descriptive relève que le terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire contesté a la nature d'un terrain agricole enherbé, sensiblement plat et bordé de haies paysagères qui seront conservées, qu'il est entouré de terres agricoles, que les installations en cause sont constituées d'une ossature métallique et d'un bardage par panneaux métalliques et que l'impact visuel du bâtiment sera limité depuis le domaine public compte tenu de son implantation derrière les haies paysagères existantes. Elle comprend des photographies de ce terrain et de l'environnement proche et lointain, ainsi qu'un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Ces photographies permettent de constater la présence de constructions à proximité de la construction litigieuse, correspondant à l'exploitation agricole mentionnée dans la notice. Les plans joints au dossier de demande font apparaître la végétation existante et celle qui sera conservée, en particulier la haie vive entourant le terrain d'assiette. En l'absence de tout aménagement paysager particulier des espaces enherbés prévus, la notice architecturale n'avait pas à préciser davantage cet aménagement. La notice architecturale présente ainsi de manière suffisante l'état initial du terrain et de ses abords et les partis retenus pour assurer l'insertion de la construction dans son environnement.

23. Le plan de masse joint à la demande de permis de construire indique les cotes de la construction dans les trois dimensions. Si M. et Mme E... et autres soutiennent que ce plan ne fait pas apparaître les raccordements aux réseaux d'adduction d'eau et d'assainissement, il résulte des mentions du dossier de demande, dont aucun caractère frauduleux n'est avéré sur ce point, que la construction litigieuse ne sera pas raccordée aux réseaux publics d'adduction d'eau et d'assainissement, de sorte qu'aucun raccordement à ces réseaux n'avait à figurer sur le plan de masse. Par ailleurs, la notice descriptive fait état du raccordement de l'installation au réseau public d'électricité, lequel nécessite une extension du réseau qui fait l'objet d'une autorisation administrative distincte. Dans ces conditions, l'absence d'indication sur le plan de masse du futur raccordement au réseau électrique n'a pu fausser l'appréciation de l'autorité administrative. Enfin, si M. et Mme E... et autres soutiennent que le local technique de 21 mètres carrés mentionné dans la notice ne figure pas sur le plan de masse, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce local ne serait pas intégré dans le volume du bâtiment des fosses de réception mentionné sur ce plan alors en outre que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E... et autres, ce local technique n'était pas localisé en dehors de ce même bâtiment des fosses de réception dans le dossier de demande de certificat d'urbanisme opérationnel présentée antérieurement pour le même projet.

24. Le moyen tiré de ce que les dispositions des articles R. 431-8 à R. 431-10 du code de l'urbanisme auraient été méconnues doit donc être écarté.

25. Enfin, l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme énumère l'ensemble des pièces que doit comprendre la demande de permis et précise qu'aucune autre information ou pièce ne peut être exigée du pétitionnaire. Aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose à l'exploitant agricole sollicitant un permis de construire un bâtiment en zone agricole de justifier de la réalité de son exploitation et de la nécessité du bâtiment projeté à cette fin. Le dossier de demande de permis de construire ne saurait, dès lors, être regardé ni comme incomplet à cet égard, ni comme entaché de fraude, faute pour le pétitionnaire d'avoir indiqué la part respective de différents producteurs et d'une société coopérative agricole dans l'origine des céréales ayant vocation à être stockées dans les silos composant l'installation.

26. En deuxième lieu, l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

27. Ainsi qu'il a été dit au point 16 du présent arrêt, le syndicat intercommunal d'énergies de Maine-et-Loire, consulté sur le projet, a émis le 12 mars 2019 un avis favorable à sa réalisation, qui nécessite une extension du réseau d'électricité dont le coût a été estimé à 3 102 euros. Cet avis ne subordonne la réalisation de ces travaux d'extension du réseau électrique à aucun préalable susceptible de les retarder dans le temps. Dans ces conditions, le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray était en mesure d'indiquer par quelle collectivité et dans quel délai ces travaux devaient être réalisés. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

28. En troisième lieu, l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme, qui reprend sur ce point les dispositions de l'article R. 123-7 alors applicables de ce code, dispose : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (...). ". Le règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray précise que " la zone A couvre des terres agricoles à protéger en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique. (...) ". L'article A 1 du règlement du plan dispose que " Toute occupation ou utilisation du sol est interdite, à l'exception de celles visées à l'article A2 ", parmi lesquelles figurent notamment " les constructions et installations liées et nécessaires à l'activité agricole professionnelles ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. (...) ".

29. En imposant que les constructions et installations réalisées en zone agricole soient " liées et nécessaires à l'activité agricole professionnelle ", les articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme applicables n'ont pas un champ d'application plus étendu que les dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme qui n'autorisent, en zone agricole, que les constructions et installations " nécessaires à l'activité agricole ". Le moyen invoqué par les requérants tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan au regard de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme doit, dès lors, être écarté.

30. Dans un courrier adressé au maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray, le 17 janvier 2020, immédiatement après la délivrance du permis de construire, le pétitionnaire a indiqué que " les silos litigieux sont dimensionnés pour accueillir, d'une part, la propre production de M. G... et de ses partenaires directs qui exploitent ensemble environ 550 hectares, à hauteur d'environ la moitié de la capacité de l'installation, d'autre part, la production d'agriculteurs adhérents de la coopérative Terrena ". Si M. G... a ultérieurement, devant les premiers juges puis devant la cour, varié dans ses déclarations quant à la répartition du volume de stockage de céréales entre celles provenant de son exploitation, d'autres exploitants agricoles locaux et de la société coopérative agricole Terrena, les silos faisant l'objet du permis de construire litigieux doivent ainsi être regardés, ainsi qu'il résulte des énonciations du courrier précité, comme dimensionnés en vue de permettre le stockage, pour moitié, de la production en céréales de son exploitation et de celles d'exploitants voisins, pour moitié, des céréales apportées par la société Terrena.

31. Le bâtiment autorisé, destiné pour partie à stocker la production céréalière d'exploitants agricoles de Moranne-sur-Sarthe-Daumeray et de deux communes voisines, s'inscrit dans le prolongement de l'activité de production céréalière de ces exploitants et doit, dès lors, être regardé comme lié et nécessaire à l'activité agricole professionnelle, au sens des dispositions de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme. Sont sans incidence, à cet égard, les circonstances que l'équipement a une capacité de stockage excédant les besoins propres de M. G..., ce qui résulte de sa mutualisation avec d'autres exploitants locaux, que certains de ces autres exploitants exercent leur activité dans d'autres communes que Moranne-sur-Sarthe-Daumeray et, enfin, que postérieurement à la délivrance du permis de construire contesté, une société civile d'exploitation agricole a été créée afin de gérer cette activité de stockage.

32. En revanche, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que l'activité de la société coopérative agricole Terrena serait celle d'un exploitant agricole. D'autre part, il ressort des écritures mêmes de M. G..., que la construction autorisée est dotée " d'une capacité " destinée " à effectuer auprès de cette société " des prestations de stockage, ces prestations lui permettant de contribuer au financement (...) de cette installation " et que la participation de la société Terrena à ce projet vise " à faciliter l'investissement " en question par " la contractualisation " de cette prestation de stockage, l'intéressé ayant d'ailleurs conclu, avec cette société, un " contrat de prestation de stockage ". Dans ces conditions, le stockage, dans la construction autorisée, des grains détenus par cette société ne peut être regardé comme " lié et nécessaire à l'activité agricole professionnelle " au sens de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Ainsi, et eu égard à la part significative du volume de stockage à créer devant être consacrée aux besoins de cette société, estimée à 50 % environ par M. G... lui-même, dans le courrier du 17 janvier 2020 mentionné au point 30, le permis de construire contesté méconnaît les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme.

33. En quatrième lieu, aux termes de l'article A 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray : " 4.1 Eau potable / Le branchement sur le réseau public d'eau potable est obligatoire pour toute construction nouvelle qui requiert une alimentation en eau potable et pour tout bâtiment accueillant du public ou ne concernant pas qu'une seule famille. / (...) Les autres besoins en eau pour usage agricole ou pour la défense incendie notamment, lorsque le réseau n'existe pas ou qu'il est insuffisant, sont à couvrir par la mise en place de réserves appropriées. "

34. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment litigieux, qui n'accueille pas du public et ne concerne pas plusieurs familles, n'est pas raccordé au réseau public d'eau potable. La seule circonstance qu'un employé serait présent pendant la saison de collecte ne suffit pas à établir qu'il requiert une alimentation en eau potable au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, s'agissant des besoins en eau pour la défense incendie, la notice descriptive précise que " le site disposera de bouches d'irrigation à 50 mètres, permettant d'assurer les débits minimaux requis, à savoir les 60 mètres cubes demandés pendant 2 heures " et fait état d'un bassin d'irrigation d'un volume total de 40 000 mètres cubes, rempli par pompage depuis un ruisseau. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le bassin d'irrigation, dont c'est l'objet même, n'alimenterait pas les bouches d'irrigation. Ainsi, et alors même que l'autorisation d'exploiter ce plan d'eau, initialement accordée au groupement agricole d'exploitation en commun regroupant M. G... et son père, n'a été transférée à M. G... que par arrêté préfectoral du 31 janvier 2019, postérieurement à l'arrêté portant permis de construire contesté, et que l'emplacement exact des bouches d'irrigation n'est pas renseigné par le dossier de demande de permis de construire, le projet doit être regardé comme couvert par la mise en place de réserves appropriées au sens des dispositions précitées de l'article 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance, par le permis de construire contesté, des dispositions de cet article doit donc être écarté.

35. En cinquième lieu, aux termes de l'article A 4.2 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray : " 4.2 Eaux usées / Toute construction ou installation nouvelle nécessitant l'assainissement doit être raccordée au réseau public d'eaux usées lorsqu'il existe. / En l'absence de réseau, toute construction ou installation devra être assainie suivant un dispositif d'assainissement non collectif adapté à la nature du sol et conforme aux dispositions législatives et règlementaires. (...) ".

36. M. G... a informé le maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray, par un courrier du 29 octobre 2019, que son projet ne prévoyait pas de dispositif d'assainissement dès lors qu'il n'entrainerait pas le rejet d'eaux usées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction en litige engendrerait nécessairement, ainsi que le soutiennent

M. et Mme E... et autres, le rejet d'eaux usées pour le nettoyage de camions. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, des dispositions de l'article A 4.2 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

37. En sixième lieu, aux termes de l'article A 4.3 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray : " Eaux pluviales / Toute construction ou installation nouvelle peut être raccordée au réseau public d'eaux pluviales. / En l'absence d'un réseau d'eaux pluviales ou s'il le souhaite, le constructeur réalisera sur son terrain et à sa charge des dispositifs appropriés et proportionnés permettant l'évacuation directe et sans stagnation des eaux pluviales vers un déversoir désigné à cet effet. / (...) ".

38. La notice descriptive prévoit le raccordement du projet aux réseaux publics d'eaux pluviales. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette est raccordé aux réseaux d'eaux pluviales et que le service d'assainissement de la communauté de communes Anjou Loir Sarthe, consulté lors de l'instruction de la demande de certificat d'urbanisme opérationnelle, a donné un avis favorable à un raccordement à ces réseaux le 11 février 2019. Enfin, si le conseil départemental, consulté sur la demande de certificat d'urbanisme opérationnel, a indiqué dans un avis du 28 mars 2019 qu'une éventuelle autorisation de voirie pour le déversement d'eaux pluviales excédentaires dans le fossé jouxtant la route départementale n° 75 pourrait être ultérieurement accordée, il n'a ce faisant émis aucune prescription qui aurait dû être reprise par l'arrêté contesté. Le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, de l'article A 4.3 du règlement du plan local d'urbanisme doit donc être également écarté.

39. En septième lieu, aux termes de l'article A 11.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray : " 11.1 Généralités / Les constructions peuvent être d'expression architecturale traditionnelle ou contemporaine mais ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, paysages naturels, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales et paysagères. (...) ". Pour apprécier si, en méconnaissance des dispositions de cet article, un projet de construction porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites ainsi qu'aux paysages naturels ou urbains, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

40. Le terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis de construire contesté est situé, en zone agricole, dans un secteur très faiblement construit qui, s'il est caractérisé par un paysage bocager à dominante agricole et naturelle, ne présente pas d'intérêt particulier ou de perspectives monumentales ou paysagères à conserver, nonobstant la présence d'un manoir protégé au titre des monuments historiques à 600 mètres environ, cependant séparé du terrain d'assiette du projet par un boisement et des arbres de haute tige formant un écran visuel.

41. La construction en litige s'implante le long de la route départementale n° 75, en retrait de cette dernière, sur un terrain à proximité immédiate duquel se trouve une exploitation agricole existante. Elle consiste en des silos composé d'un ensemble de dix cellules de stockage de céréales d'une capacité de 14 999 mètres cubes implantées en deux rangées de cinq pour une longueur de façade d'environ 80 mètres et une hauteur d'environ 18 mètres, un pont bascule, un boisseau de chargement de céréales et un local technique.

42. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces installations, constituées d'une ossature métallique et d'un bardage par panneaux métalliques, porteraient atteinte aux lieux avoisinants, au caractère agricole marqué et dont il a été dit qu'ils ne présentent pas d'intérêt particulier. Une haie paysagère doit occulter partiellement la vue depuis la route départementale n° 75, la circonstance que cette haie a été arrachée puis replantée, relative à l'exécution du permis de construire litigieux, étant sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en délivrant le permis de construire contesté, le maire aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article A 11.1 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

43. En huitième lieu, aux termes de l'article A 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray : " 11.2 Les façades (...) / L'utilisation de matériaux métalliques est autorisée s'ils sont traités en surfaces afin d'éliminer les effets de brillance. / Leur teinte doit être en harmonie avec le milieu environnant. / Les teintes foncées sont fortement préconisées pour les bâtiments agricoles (...) ".

44. Il ressort des plans de façade joints au dossier de demande de permis de construire que la construction sera principalement recouverte d'acier gris galvanisé, dont il n'est pas contesté qu'il se ternit rapidement en raison de son oxydation, ce qui évite les effets de brillance, conformément aux dispositions précitées. A supposer que la teinte retenue ne pourrait être regardée comme foncée, les dispositions précitées n'imposent pas le choix d'une telle teinte foncée. La teinte retenue peut par ailleurs être regardée comme étant en harmonie avec son environnement. Le moyen tiré de ce que le permis de construire aurait été délivré en méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.

45. En neuvième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

46. Il ressort des pièces du dossier que les installations litigieuses sont implantées dans un secteur très faiblement construit, la construction à usage d'habitation la plus proche étant celle appartenant à M. et Mme E..., à une distance d'environ 200 mètres. S'agissant de la lutte contre l'incendie, le projet prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 34 ci-dessus, d'utiliser des bouches d'irrigation situées à 50 mètres des installations, alimentées par un bassin d'irrigation d'un volume de 40 000 mètres cubes. La seule circonstance que l'emplacement précis des bouches d'irrigation n'apparaît pas sur les plans fournis avec le dossier de demande de permis de construire n'est pas de nature à caractériser un risque d'incendie particulier. Par ailleurs, si M. et Mme E... et autres font état des risques résultant de poussières, d'émanations toxiques et d'explosion, ils se bornent à faire état de risques généralement liés à ce type d'installations, sans faire valoir de spécificité, à cet égard, de celle en litige, qui est soumise au respect de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier que l'arrêté portant permis de construire contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

47. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 6 novembre 2019 contesté est entaché d'illégalité au regard des dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

48. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

49. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

50. Le vice mentionné au point 47 ci-dessus, tiré de la méconnaissance des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray, est susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif, la mesure de régularisation n'impliquant pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'éventualité de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Il y a lieu, dès lors, en application de cet article, d'impartir à M. G... et à la commune de

Morannes-sur-Sarthe-Daumeray un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme E... et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à M. G... et à la commune de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice mentionné au point 47 du présent arrêt et affectant l'arrêté du 6 novembre 2019 du maire de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E..., à M. et Mme A..., à M. et Mme H..., à M. G... et à la commune de Morannes-sur-Sarthe-Daumeray.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02693
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;21nt02693 ?
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