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16/02/2024 | FRANCE | N°23NT02860

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 16 février 2024, 23NT02860


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D..., M. N... W..., Mme J... R..., Mme I... L...,

Mme J... Q..., M. A... T..., Mme F... S..., M. C... E... et M. V... K... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération n° 0.7 du 3 juillet 2020 du conseil municipal de la commune de Cholet fixant les indemnités de fonction des élus, d'enjoindre à cette commune de récupérer les indemnités indûment versées et de la condamner à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation de

leurs préjudices, assortie d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 2012713 du 16 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., M. N... W..., Mme J... R..., Mme I... L...,

Mme J... Q..., M. A... T..., Mme F... S..., M. C... E... et M. V... K... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération n° 0.7 du 3 juillet 2020 du conseil municipal de la commune de Cholet fixant les indemnités de fonction des élus, d'enjoindre à cette commune de récupérer les indemnités indûment versées et de la condamner à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation de leurs préjudices, assortie d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 2012713 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération n° 0.7 du conseil municipal de Cholet du 3 juillet 2020 et a enjoint à son maire d'émettre les titres de reversement pour la totalité des indemnités indûment perçues par les élus depuis le mois de juillet 2020 jusqu'au 11 octobre 2021, et, s'agissant du maire, en tant seulement que ces indemnités excèdent celles prévues par l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales, dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement.

Procédure devant la cour :

Par une demande, enregistrée au service de l'exécution des décisions de justice de la Cour le 21 mars 2023, M. G... P..., Mme U... H..., épouse M... et M. X... O... ont demandé à la cour de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution du jugement susvisé.

Par une ordonnance en date du 2 octobre 2023, le président de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle d'exécution.

Par des mémoires, enregistrés les 22 août et 7 novembre 2023, MM. P... et O... et Mme H..., épouse M..., représentés par Me O..., demandent à la cour de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 novembre 2022, le cas échéant sous astreinte.

Ils soutiennent que :

- l'annulation de la délibération du 3 juillet 2020 implique le reversement des indemnités indûment perçues par les élus de la majorité de la commune de Cholet depuis le mois de juillet 2020 jusqu'au 11 octobre 2021, soit la somme de 764 250 euros ;

- il n'est pas justifié de l'émission de titres exécutoires de reversement concernant le maire de Cholet ou qu'il a reversé son indu d'indemnités ;

- lors de la séance du conseil municipal du 12 juin 2023, le maire de Cholet a lui-même reconnu que le jugement litigieux n'avait pas été exécuté ;

- les élus de la majorité ont déposé des recours devant le tribunal administratif de Nantes à l'encontre des titres de reversement, pourtant pris pour l'exécution du jugement du 16 novembre 2022 ;

- le jugement du 16 novembre 2022 a autorité de chose jugée ;

- la commune n'a pas justifié de la totalité des recouvrements exigés.

Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2023, non communiqué, la commune de Cholet, représentée par Me Blin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de MM. P... et O... et Mme H... épouse M... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car MM. P... et O... et Mme H... épouse M... ne peuvent être regardés comme " partie intéressée " au sens de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ;

- aucun titre exécutoire n'avait à être émis pour son maire dans la mesure où le tribunal a jugé que le montant de ses indemnités ne dépassait pas le plafond prévu à l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales ;

- elle a bien émis la totalité des titres exécutoires impliqués par le jugement litigieux ;

- la circonstance que des élus aient contesté ces titres ne saurait lui être reprochée ;

- ce jugement n'a pas autorité de chose jugée du fait qu'il a été interjeté appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me O..., pour M. O..., Mme M... et M. P... et de Me Blin, pour la commune de Cholet.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite des élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020, le maire de la commune de Cholet a convoqué, par courrier du 29 juin 2020, le nouveau conseil municipal en vue de sa séance d'installation, le 3 juillet 2020. Au cours de cette séance, le conseil a adopté une délibération n° 0.7 relative aux indemnités des élus municipaux. Mme D..., au nom du groupe d'opposition " Cholet Autrement ", a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette délibération et d'ordonner la récupération des indemnités indûment versées au maire, adjoints et conseillers municipaux délégués. Par un jugement du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération n° 0.7 du conseil municipal de Cholet du 3 juillet 2020 et a enjoint à son maire d'émettre les titres de reversement pour la totalité des indemnités indûment perçues par les élus depuis le mois de juillet 2020 jusqu'au 11 octobre 2021, et, s'agissant du maire, en tant seulement que ces indemnités excèdent celles prévues par l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales. MM. P... et O... et Mme H... épouse M... demandent à la cour de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà les mesures qu'elle implique nécessairement en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du même code, d'en édicter de nouvelles en se plaçant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En l'espèce toutefois, l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 novembre 2022 étant annulé par un arrêt de la cour n° 23NT00125 rendu public à la même date que le présent arrêt, il appartient à la cour d'édicter les mesures qu'implique nécessairement l'exécution de ce jugement en tant qu'il annule la délibération du conseil municipal de Cholet n° 0.7 du 3 juillet 2020.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative qu'ont qualité pour demander l'exécution d'un jugement non seulement les parties à l'instance en cause mais également les parties directement concernées par l'acte qui a donné lieu à cette instance. Il est constant que MM. P... et O... et Mme H... épouse M... sont élus d'opposition au conseil municipal de la commune de Cholet. Ils ont ainsi qualité pour demander l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 novembre 2022. Par voie de conséquence, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cholet doit être écartée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales : " Les maires des communes ou les présidents de délégations spéciales perçoivent une indemnité de fonction fixée en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 le barème suivant : (...)/ Population (habitants) / (...) De 50 000 à 99 999 / Taux (en % de l'indice) / 110 / Le conseil municipal peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème ci-dessus, à la demande du maire (...) ".

5. L'exécution de l'article 1er du jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2022 annulant la délibération implique de prescrire les mesures qui résultent nécessairement de la disparition rétroactive de la délibération du conseil municipal de Cholet du 3 juillet 2020. Cette disparition prive de base légale les indemnités de fonctions que la délibération attribue, sauf pour les élus bénéficiant d'une telle indemnité en application de la loi, même sans délibération du conseil municipal, à savoir le maire de Cholet, en application de l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales et le maire délégué de la commune associée du Puy Saint Bonnet, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 2123-23 et de l'article L. 2123-21 du même code.

6. Les requérants soutiennent qu'il n'est pas établi que le maire de la commune de Cholet a émis les titres de reversement le concernant, qu'il devait prendre en exécution du jugement du 16 novembre 2022. Toutefois, dès lors que le maire pourrait bénéficier de plein droit, en l'absence de délibération du conseil municipal fixant les indemnités des élus de la commune, d'une indemnité de fonction au taux de 110 % en application des dispositions de l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales, aucune mesure d'exécution ne doit être prescrite en ce qui le concerne. De même, le maire délégué de la commune associée du Puy Saint Bonnet ayant bénéficié d'une indemnité de fonction au taux de 43 %, inférieure au taux normal de 51,6 % prévu pour une commune comprise entre 1 000 et 3 499 habitants, dont il pourrait bénéficier en application des articles L. 2123-21 et L. 2123-23 du même code, aucune somme ne peut être récupérée à son encontre.

7. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que les élus de la majorité ont déposé des recours devant le tribunal administratif de Nantes à l'encontre des titres de reversement pris pour l'exécution du jugement du 16 novembre 2022, dès lors que cette circonstance ne saurait priver ceux-ci de leur droit à contester de tels titres devant le juge, alors même que le bien-fondé de la créance ne peut pas être contesté en vertu de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'annulation de la délibération du 3 juillet 2020, confirmée par l'arrêt de la cour rendu sous le n° 23NT00125.

8. En troisième et dernier lieu, M. O... et autres soutiennent que la commune de Cholet ne justifie pas du recouvrement de l'intégralité des indemnités de fonctions indûment perçues. Il résulte de l'instruction que si la commune de Cholet soutient que tous les titres exécutoires qu'implique le jugement du 16 novembre 2022 ont été émis et a effectivement produit un titre exécutoire pour chaque élu concerné, le total de 443 779,96 euros des sommes mises en recouvrement par ces titres ne permet pas de constater que ce jugement a été exécuté dans son intégralité, notamment par comparaison avec le tableau établi par les requérants à partir des montants mensuels des indemnités attribuées par la délibération du 3 juillet 2020 annulée. De même, la production de ces titres de recette ne suffit pas à établir la réalité du recouvrement, contesté par les requérants.

9. Il y a donc lieu d'enjoindre au maire de Cholet, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, soit de justifier précisément que le total de 443 779,96 euros des titres de recette déjà émis n'est pas inférieur à celui des indemnités de fonction versées aux adjoints au maire et conseillers municipaux délégués, en application de la délibération du 3 juillet 2020, soit d'émettre les titres exécutoires nécessaires pour y pourvoir et, dans tous les cas, de produire les justificatifs comptables du recouvrement effectif de la totalité des sommes indûment perçues en application de la délibération illégale.

D E C I D E :

Article 1er : Il est enjoint au maire de Cholet, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de justifier devant la cour :

- soit que le total de 443 779,96 euros des titres de recette déjà émis n'est pas inférieur à celui des indemnités de fonction versées aux adjoints au maire et conseillers municipaux délégués, en application de la délibération du 3 juillet 2020 ;

- soit d'émettre les titres de recette exécutoires nécessaires pour y pourvoir ;

- et, dans tous les cas, de produire les justificatifs comptables du recouvrement effectif de la totalité des sommes indûment perçues en application de la délibération illégale.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... P..., à Mme U... H..., épouse M..., à M. X... O..., à la commune de Cholet et au préfet de Maine-et-Loire.

Copie en sera adressée, pour information, au comptable public de la commune de Cholet (service de gestion comptable de Cholet) et au directeur départemental des finances publiques de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02860
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-16;23nt02860 ?
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