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16/02/2024 | FRANCE | N°23NT00182

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 16 février 2024, 23NT00182


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association comité de liaison du camping-car a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision née le 6 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Marie-du-Mont a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté n° 907/2019 du 19 juillet 2019 et de l'arrêté n°1408/2019 du 14 août 2019, par lesquels le maire a réglementé la circulation, le stationnement et le camping sur le site de Beauguillot et le site d'Utah Beach, et tendant

à la dépose de la signalétique routière prise en application de ces arrêtés.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association comité de liaison du camping-car a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision née le 6 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Marie-du-Mont a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté n° 907/2019 du 19 juillet 2019 et de l'arrêté n°1408/2019 du 14 août 2019, par lesquels le maire a réglementé la circulation, le stationnement et le camping sur le site de Beauguillot et le site d'Utah Beach, et tendant à la dépose de la signalétique routière prise en application de ces arrêtés.

Par un jugement n° 2100213 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 12 avril 2023, l'association comité de liaison du camping-car, représentée par Me Amson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Marie-du-Mont a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté n °907/2019 du 19 juillet 2019 réglementant le stationnement des camping-cars sur le site du Conservatoire du littoral de Beauguillot et de l'arrêté n° 1408/2019 du 14 août 2019 réglementant le stationnement des camping-cars sur le site d'Utah Beach ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune d'abroger ces deux arrêtés dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au maire de la commune de procéder à la dépose des panneaux de signalisation matérialisant les interdictions énoncées par ces deux arrêtés, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-du-Mont une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés des 9 juillet et 14 août 2019 sont accompagnés d'un plan imprécis qui ne permet pas de déterminer les zones sur lesquelles il est interdit aux camping-cars de stationner ; l'arrêté du 9 juillet 2019 ne se réfère pas à l'arrêté préfectoral qui délimite le domaine public du Conservatoire du littoral ;

- les restrictions imposées aux camping-caristes aboutissent à un traitement discriminatoire d'un type de véhicules au sein de la même catégorie M1 ;

- la commune ne justifie pas de la réalité des nuisances évoquées par les arrêtés, qui ne sont pas justifiés par des nécessités tenant à l'ordre public ; l'arrêté du 14 août 2019 ne justifie pas de ses allégations quant aux rejets " sauvages " des eaux usées par les utilisateurs de camping-cars ;

- les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne permettent pas au maire de prendre une mesure de police en considération de " l'ordre public environnemental " et ne font ni référence à la notion de pollution visuelle, ni à la possibilité d'utiliser une mesure de police pour préserver des espaces naturels ; la police de l'environnement est exercée par des autorités de police spéciale et le maire ne peut intervenir, en qualité d'autorité de police générale, que pour aggraver les mesures prises, en présence de circonstances particulières ou d'un péril imminent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- les deux arrêtés méconnaissent le droit des camping-caristes à une halte nocturne, rappelée par la circulaire du 19 octobre 2004 ; ils méconnaissent les articles R. 417-9 à R. 417-13 du code de la route ;

- les deux arrêtés sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 février 2023 et le 29 novembre 2023, la commune de Sainte-Marie-du-Mont, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association comité de liaison du camping-car une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association comité de liaison du camping-car ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Amson, avocat représentant l'association comité de liaison du camping-car.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le maire de la commune de Sainte-Marie-du-Mont (Manche) a réglementé le stationnement des camping-cars sur le site du Conservatoire du littoral de Beauguillot. Par un arrêté du 14 août 2019, le maire a également réglementé le stationnement des camping-cars sur le site d'Utah Beach. L'association comité de liaison du camping-car a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande d'annulation de la décision née le 6 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Marie-du-Mont a implicitement rejeté sa demande d'abrogation des deux arrêtés. L'association relève appel du jugement du 25 novembre 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation. Il en résulte que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2 du même code : " Le maire peut par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; / 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, économiques, agricoles, forestières ou touristique. / (...) ".

4. Le maire de la commune de Saint-Marie-du-Mont a, d'une part, par l'article 1er de son arrêté du 9 juillet 2019, interdit la circulation et le stationnement des véhicules motorisés (2 ou 4 roues) en dehors des voiries et aires de stationnement sur l'ensemble du site du Conservatoire du Littoral de Beauguillot, interdit le bivouac, le camping et toutes autres formes d'hébergement de jour comme de nuit sur ce site, enfin interdit le stationnement de camping-cars et de tout autre véhicule de gabarit et de poids au moins équivalents à un camping-car, de 21 heures à 8 heures, sur l'ensemble du site ainsi que sur les voies et parkings ouverts au public le bordant, tout en annexant une carte à l'arrêté. Il n'a également autorisé, à l'article 2, le stationnement des camping-cars que sur l'aire de stationnement de la Madeleine, aménagée à cet effet, en précisant que les opérations techniques liées à l'autonomie et à la propreté s'effectuent uniquement sur cette aire de service. Le maire a, d'autre part, par l'article 1er de son arrêté du 14 août 2019, interdit le stationnement des camping-cars et de tout autre véhicule de gabarit et de poids au moins équivalents à un camping-car sur le domaine public à Utah-Beach, notamment sur les parkings situés sur les parcelles cadastrées ZD 13 et 14 et le long des routes départementales (RD) 421 et 329, de 21 heures à 8 heures, tout en annexant une carte à l'arrêté. Il n'a également autorisé, à l'article 2, le stationnement des camping-cars que sur l'aire de stationnement de la Madeleine en précisant que les opérations techniques liées à l'autonomie et à la propreté s'effectuent uniquement sur cette aire de service.

5. Il ressort des pièces du dossier que les zones interdites à la circulation et au stationnement des camping-cars représentent une partie limitée du territoire communal, correspondant principalement au site du Conservatoire du Littoral de Beauguillot et au domaine public d'Utah-Beach, et que cette interdiction est également limitée temporellement en fixant une plage horaire de 21 heures à 8 heures. La commune n'avait pas à se référer à l'arrêté préfectoral qui délimite le domaine public du Conservatoire du littoral dès lors qu'elle a annexé à son arrêté du 9 juillet 2019 un plan du site de Beauguillot faisant ressortir la zone ciblée par l'arrêté. La commune dispose en outre, pour les véhicules de type camping-cars, d'une aire de stationnement aménagée au lieu-dit de La Madeleine, à distance de trois kilomètres de ces sites touristiques, comportant quarante-neuf emplacements aménagés, dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle serait insuffisante.

6. Dans ces conditions, alors même que cette commune connaît une fréquentation touristique importante et bénéficie d'une situation environnementale particulièrement favorable eu égard à la présence de nombreux sites protégés et classés, la limitation ainsi apportée à la circulation et au stationnement des camping-cars ne revêt pas le caractère d'une interdiction d'une généralité excessive au regard de l'objectif recherché de préservation de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, de la protection de l'environnement et des activités touristiques au sens des dispositions des articles L. 2212-2, L. 2213-2 et L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du code général des collectivités territoriales citées au point 2, qui prévoient expressément la prise en compte par le maire, dans le cadre de ses pouvoirs en matière de police de la circulation et du stationnement, de la préservation des divers éléments de l'environnement, que les deux arrêtés municipaux en litige ne sauraient être regardés comme entachés d'erreur de droit en tant qu'ils sont fondés, notamment, s'agissant de la préservation du site de Beauguillot, sur la protection de cet espace naturel, classé pour partie en Réserve Naturelle Nationale, intégré dans le périmètre du site Natura 2000 du Marais du Cotentin et du Bessin - Baie des Veys, sur la protection des paysages, de la faune et de la flore, s'agissant de la préservation du domaine public à Utah-Beach, sur la protection de cet espace naturel " en raison des désordres et des problèmes qui ont été constatés " compte-tenu de la présence de camping-cars sur le site entre 21h et 8h. Sur ce dernier point, la commune produit utilement le témoignage d'un agent technique qui fait état de la présence récurrente de détritus et de nombreux sacs d'ordures liés au stationnement des camping-cars, véhicules habitables permettant à leurs occupants d'y passer la nuit, en particulier sur le site d'Utah Beach. Le maire pouvait dès lors, pour ces seuls motifs, prendre les deux arrêtés en litige.

8. En troisième lieu, la limitation apportée au stationnement nocturne des camping-cars dans certains secteurs de la commune ne porte pas atteinte aux possibilités de halte nocturne, compte tenu de la faculté que l'arrêté préserve de stationner sans restriction sur le reste du territoire communal, ou sur l'aire spécialement aménagée pour les camping-cars au lieu-dit de " La Madeleine ". A cet égard le caractère onéreux du séjour sur cette aire est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du " droit à une halte nocturne " doit être écarté.

9. En quatrième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. Eu égard au caractère habitable des camping-cars, aménagés pour permettre à leurs occupants d'y passer la nuit, la réglementation ne porte pas atteinte au principe d'égalité entre les usagers du domaine public routier au détriment de ceux qui utilisent ce type de véhicule, notamment, par rapport à ceux qui utilisent d'autres véhicules de la catégorie M1 au sens de l'article R. 311-1 du code de la route.

11. En cinquième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que les camping-cars à l'arrêt ou en stationnement ne gênent pas la circulation et ne constituent pas un danger pour les usagers au sens des articles R. 417-9 et R. 417-10 du code de la route est sans influence sur la légalité des arrêtés en litige.

12. En dernier lieu, la circonstance que l'aire de stationnement nocturne affectée aux camping-cars sur le lieu-dit " La Madeleine " appartienne à des personnes privées et que son utilisation soit payante ne suffit pas à établir l'existence d'un détournement de pouvoir.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association comité de liaison du camping-car n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

14. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par l'association comité de liaison du camping-car ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Marie-du-Mont la somme demandée par l'association comité de liaison du camping-car. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Sainte-Marie-du-Mont sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association comité de liaison du camping-car est rejetée.

Article 2 : L'association comité de liaison du camping-car versera à la commune de Sainte-Marie-du-Mont une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Comité de liaison du camping-car et à la commune de Sainte-Marie-du-Mont.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00182
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-16;23nt00182 ?
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